De notre bureau de Bruxelles Aziouz Mokhtari Plusieurs eurod�put�s ont, en des termes tr�s durs, d�nonc� hier le Maroc et l�Espagne �co-responsables�, selon eux, �des d�portations massives�, des �exactions� et des �actes barbares� commis contre plusieurs milliers de migrants subsahariens. �Ces derniers, ont tenu � rappeler les parlementaires des Vingt-Cinq, ne sont pas des �assaillants�, ni des �hordes� attaquant les enclaves espagnoles en terre marocaine de Ceuta et Melilla, mais tout simplement, des migrants fuyant la famine, la mis�re et la �terrible s�cheresse qui a s�vi ces derni�res ann�es en Afrique subsaharienne�. Louiza Morgantini et Giusto Catania (Italie), Willy Meyer (Espagne), Sylvia Yvonne Kaufmann, Tobias Pfl�ger (Allemagne) et Miguel Portas (Portugal), tous europarlementaires et revenant tous de Melilla pour remettre un rapport d�taill� sur ce qui s�est pass� l�-bas, ont relat�, longuement, le calvaire et l�enfer v�cus par les malheureux demandeurs d�asile africains. Miguel Portas a, devant un parterre de journalistes boulevers�s, racont� le triste r�cit d�un groupe parmi eux, venant de Guin�e- Bissau. �Ils �taient cinq, dira M. Portas, jeunes �tudiants dont l�un voulait terminer au Portugal ses �tudes en journalisme�. �Le Portugal, puis l�Espagne, ensuite d�autres pays europ�ens leur refusent le visa d�entr�e�. �Ils d�cident, alors, continue M. Portas, d��conomiser et de mettre de c�t� un peu d�argent et prennent la longue route qui de Guin�e-Bissau les m�nera au S�n�gal, puis au Mali, puis en Alg�rie o� ils exercent plusieurs petits boulots pour ramasser quelque argent�. �De l�, ils organisent leur exp�dition avant de se faire tirer, pour ceux qui sont arriv�s, comme des lapins par la police et l�arm�e marocaine aux abords du rempart de Melilla�. �Seuls deux d�entre eux succomb�rent sous les balles assassines des Marocains, les autres n��taient pas arriv�s au bout du voyage. L��tudiant qui r�vait d�exercer comme journaliste mourra, livr� par le Maroc, au d�sert, � l�absence d�eau du d�sert, aux serpents du d�sert, � la cruaut� du d�sert. Un autre s�arr�tera, �puis� dans un bois � proximit� de Tanger, disparu depuis, dira M. Portas. Mort, sans doute�, ajoutera- t-il. �Le troisi�me, enfin, terminera lui aussi son voyage, affam� et pourchass� par tous : policiers et militaires marocains pour le capturer et civils pour le d�trousser�. �Parce que, souligne-t-il, dans l�imaginaire des autochtones, ces clandestins poss�dent des euros qu�ils comptent utiliser en Europe�. Cet itin�raire de la mort des jeunes gens de Guin�e- Bissau est, h�las, celui de la plupart des Africains qui postulent pour l�Europe via et Melilla. Les d�put�s qui ont enqu�t�, sur place, r�v�lent : �400 ill�gaux ont �t� d�couverts par hasard par une ONG allemande qui �tait sur place pour une autre mission�. Sans cela, sans doute, une mort certaine, parce que programm�e par le Maroc les attendait � la fronti�re avec l�Alg�rie, la Mauritanie ou le Sahara occidental. �Des immigrants ont �t� tu�s par balles r�elles�, soulignera, pour ce qui le concerne, Giusto Catana, le d�put� italien, alors que �d�autres sont morts dans le couloir de la honte (s�parant le mur ext�rieur du rempart de Melilla de la principale entr�e � la ville, ndlr) pourchass�s, frapp�s et les corps fracass�s par les policiers marocains�. �Quand j�ai vu, t�moignera Louiza Morgantini, des lambeaux et des restes de v�tements coll�s sur la muraille et que le sang, sans doute, d�un Africain tu�, gisant, anonyme, encore chaud et serpentant la terre pour se frayer un passage, dehors, � l�ext�rieur de l�enclave, je n�ai pas pu m�emp�cher de penser � J�sus et son martyre�. �Alors que, tiendra-t-elle � pr�ciser, je n�ai pas la foi ardente�. Les autres parlementaires diront, eux aussi, les m�mes r�cits de l�horreur. �D�portation, mur de la honte, barbel�s de l�enfer, �chelles de la mort, tirs � balles r�elles dans le tas, Africains noirs sciemment affam�s : les mots, tous les mots n�ont pas �t� assez durs pour d�crire le purgatoire des pauvres gens de l�Afrique subsaharienne. R�sultats et conclusions Un : le Parlement europ�en a �t� saisi hier de deux demandes. L�une ayant trait � la constitution d�une commission d�enqu�te parlementaire et l�autre, ind�pendante, qui sera le fait de la justice. Deux : la Commission europ�enne sera, elle aussi, interpell�e pour qu�elle r�dige une d�claration plus offensive et plus claire que le communiqu� des premiers jours. Trois : tous les groupes parlementaires sont tenus de rendre publiques leurs positions respectives afin de pr�parer une r�solution finale du PE sur l�affaire. En Espagne, a-t-on aussi appris, le scandale n�a pas pu �tre �touff� par le gouvernement. Hier, les journaux de la p�ninsule ib�rique ont tous ouvert leurs livraisons par �L�enfer de Melilla�. La Razon (droite) et El Pais (centre-gauche) se sont fendus en �ditoriaux d�une extr�me virulence contre Zapatero et son ministre de l�Int�rieur. Zapatero est dans de sales draps, c�est �vident, parce que l�Europe, maintenant que les horreurs ne peuvent plus �tre cach�es, ira s�expliquer, entre autres, sur un fait troublant. Pourquoi, alors que les lois et la r�glementation europ�ennes n�ont pas �t� actionn�es au profit d�un obscure trait� sign� en 1972 par l�Espagne franquiste avec Hassen II ? Ceci explique peut-�tre cela, ce qui donnerait un �clairage nouveau aux m�thodes utilis�es contre les pauvres Africains. L�Espagne qui a laiss� le Maroc faire le sale boulot ne s�en sortira pas comme �a. A court terme, une crise sans pr�c�dent entre Madrid et Rabat qui vont, c�est certain, s�accuser mutuellement.