Faut-il semer le chaos parmi des innocents pour moderniser une ville ? La question hante les esprits � Constantine, o� les moins r�fractaires aux d�sid�ratas officiels doutent d�ores et d�j� de la d�marche qui pr�side au projet de modernisation initi� par l�administration locale, qui aspire �difier une cit� futuriste sur un lit d�oued. Au flou qui entoure la gestion du dossier, suscitant de plus en plus de susceptibilit�s, s�agissant notamment de la fiabilit� d�une entreprise entam�e sur fond de protestation, vient se greffer d�sormais l�incalculable co�t en vies humaines sacrifi�es sur son autel. Un v�ritable g�chis ! Son nom charrie bien des charges historiques et symboliques, qui font de sa r�demption une initiative plus que louable. A l��vidence, l�entreprise n�cessite une r�flexion profonde, avant de passer � la r�quisition de moyens colossaux � ce qui n�est pas le cas � pour, d�abord, d�sint�grer les sites choisis pour abriter la cit� moderne, et ensuite y construire ces futures �tours de r�ve� que les initiateurs du projet encensent. Les d�faillances, qui resurgissent au fur et � mesure de l��volution de l�op�ration, renseignent, surtout, sur le manque de m�thode dans la gestion du dossier par la wilaya. Une gestion qui, outre les impertinences enregistr�es dans l��vacuation des occupants, malgr� les recensements r�p�t�s, a mis en p�ril des vies humaines. Un bilan provisoire de l�op�ration de d�sint�gration du quartier Bardo, un site destin� � abriter une partie de ladite cit� moderne, fait �tat de cinq morts et plus d�une dizaine de bless�s. Une h�catombe ! En effet, � peine vingt jours se sont �coul�s depuis la mort de deux employ�s � l�int�rieur d�une b�tisse, suite � l�effondrement d�un toit au moment o� ils d�blayaient le terrain pour l�entr�e en mati�re des bulldozers, qu�un autre employ� et son patron, qui se trouve �tre un sous-traitant aupr�s d�une autre entreprise en charge du nettoyage du site, ont �t� rattrap�s par le m�me sort, apr�s que le mur de l�ancien lyc�e Tayeb-El- Okbi, un immeuble de cinq �tages, s�est, subitement, �croul�. Quelques heures plus tard, un autre ouvrier succomba � ses blessures contract�es lors de ce m�me accident. Ces deux accidents r�v�lent un autre aspect de la gabegie, � savoir l�attribution des march�s, dans l�opacit� troublante du gr� � gr�, � des entreprises qui ne sont pas qualifi�es pour ce genre d�op�rations et qui ne disposent pas du mat�riel ad�quat pour ce faire. A ce titre, il convient de signaler que l�intervention des travailleurs affect�s sur les chantiers n�est supervis�e par aucune assistance technique. Ils sont livr�s � eux-m�mes, alors que la plupart d�entre eux ne sont m�me pas d�clar�s � la S�curit� sociale. Les t�moignages sont unanimes dans ce sens.Pis encore, l�administration n�avait m�me pas jug� utile de solliciter, � d�faut de confier la mission � des entreprises aguerries, l�expertise de la Protection civile, pour �valuer les risques inh�rents aux actions men�es par les entreprises en charge du nettoyage du site. Dans le m�me sillage, l�op�ration de d�molition des immeubles �vacu�s tire � sa fin toujours en l�absence d�un cordon de s�curit� autour du site, emp�chant les enfants et autres d�soeuvr�s, qui fouillent dans les d�combres, � la recherche de mat�riaux recyclables, de s�introduire dans le rayon d�action des d�molisseurs. Les protestations qui ont caract�ris� les deux phases d��vacuation des occupants de Bardo auraient d� �tre, pourtant, un catalyseur pour faire entourer toutes les op�rations de pr�cautions n�cessaires. Lors du recasement de la premi�re tranche (600 familles), l�administration a �t� contrainte de �d�bourser� une centaine de logements suppl�mentaires, pour absorber la grogne populaire, provoqu�e, faut-il le dire, par le manque de tact des diff�rents intervenants, dont le m�pris vis-�-vis de leurs administr�s �tait, on ne peut plus, honteux. Pour �touffer la col�re des exclus de la liste des recas�s, � l�occasion du relogement des 350 familles composant la deuxi�me tranche, en sus de la r�vision � la hausse de la liste des b�n�ficiaires, l�administration a recouru � la r�pression. Des protestataires ont �t� poursuivis pour attroupement et atteinte � l�ordre public, alors que plus de 70 familles ont pass� tout le mois de Ramadan � la belle �toile. Le wali, qui a toujours minimis� ce chiffre � une vingtaine de familles, selon ses dires, qui n�ont pas le droit d��tre relog� � a ordonn� mardi dernier de les chasser manu militari et de saisir leurs meubles. Ceux ayant regagn� leurs tentes, juste apr�s, n�ont pas �t� �pargn�s par l�effondrement du mur du lyc�e Tayeb-El- Okbi et plusieurs bless�s se comptent parmi eux. Heureusement que l�expulsion de ces familles est intervenue peu de temps avant le drame, qui a caus� la mort du sous-traitant et ses deux employ�s, sinon le bilan aurait �t� plus lourd, car ces familles occupaient justement les espaces jouxtant le lyc�e en question. En tout cas, c�est le r�sultat d�une d�marche anarchique, aux contours flous, biais�e par le poids des calculs et des desseins carri�ristes. Le wali de Constantine, qui g�re personnellement le dossier, voulait br�ler les �tapes et acc�l�rer l�entame du processus de lib�ration de l�emprise sur les terrains de Bardo afin de pr�parer au pr�sident de la R�publique la pose, en janvier dernier, de la premi�re pierre de la future cit� moderne. L��chec fut cinglant. La protestation, g�n�r�e par les injustices ayant marqu� la premi�re phase de recasement des occupants de Bardo, a provoqu� l�annulation de la visite du chef de l�Etat et renvoy� aux calendes grecques le bapt�me du feu de la campagne pour le 3e mandat par laquelle on voulait honorer l�antique capitale numide.Le climat � Constantine, barom�tre de la vie politique en Alg�rie et antichambre des postes cl�s dans la hi�rarchie administrative, n��tait pas favorable pour une telle entreprise � l��poque. Cependant, ces calculs ont rendu chaotique la gestion de l�op�ration par la suite. En fait, l�actuel chef de l�ex�cutif � Constantine compte offrir des terrains constructibles � des investisseurs �s�rieux�, pour qu�ils les transforment en quartiers d�affaires. Autrement dit, ce fameux projet, dont le dossier n�est pas encore ficel�, consiste en une invitation � l�investissement. Au vu du bilan des cessions du foncier industriel, 3 lots seulement ont �t� r�ellement exploit�s sur 70 octroy�s, de l�aveu m�me du wali. La r�cup�ration des terrains de Bardo et prochainement de l�avenue de Roumanie et du Ch�let-des- Pins laisse planer le doute sur une d�marche qui n�a pas encore d�pass� le stade virtuel. Bref, quand on a �t� retir� du placard, pour �tre d�sign� � la t�te de la wilaya de Gharda�a, apr�s avoir subi le discr�dit d�une suspension humiliante de la t�te de la wilaya d�l�gu�e de Bir-Mourad-Ra�s, il valait mieux faire preuve d�humilit� et de discr�tion, au lieu de vanter sans cesse des r�alisations, notamment dans le domaine de la gestion des eaux us�es, et d�inviter ceux qui doutaient du modus operandi pr�conis� d�aller voir ces r�alisations dans la vall�e du Mzab. Des r�alisations dans une contr�e saharienne qui, d�ailleurs, n�ont pu r�sister aux quelques millim�tres de pluviom�trie de plus. Puisse le Tout-Puissant prot�ger Constantine.