Un copain � qui je racontais mes petits malheurs quotidiens m�a r�pondu qu�il faut savoir dire non ! Et moi qui cherchais comment aborder la question. Celle de l��lection ? Oui, il faut savoir dire non, et c�est bien de cela qu�il s�agit. Un r�f�rendum ! D�guis�, certes, mais un r�f�rendum quand m�me ! Voter, en l'occurrence, ce n�est pas choisir entre divers candidats celui qui est le plus apte, selon son point de vue � soi, � sortir le pays de la morosit� cr�pusculaire de fin de r�gne qui le liqu�fie et de la d�sesp�rance dans laquelle sont plong�es les couches les plus fragiles de la population. Voter, c'est dire oui ou non � Bouteflika. Plut�t oui que non, d�ailleurs. Le reste, c�est de la litt�rature, de l�habillage, ce que tu veux. Les concurrents le savent ou alors, comme la seiche dans la mer, ils se d�placent dans un nuage noir. Pas moins que Reba�ne Ali- Fawzi, Mohand Sa�d B�la�d ou Younsi Mohammed Djahid, Louisa Hanoune ne l�ignorent pas. L�avantage, c�est que tout le monde sait tout. �a n�emp�che pas la partie de se jouer comme si de rien n��tait. C�est un peu comme un match de foot vendu : le perdant a �t� pay� pour ne pas gagner, il joue pour perdre. Perdre de cette fa�on, c�est gagner autrement ! On en est l�, mon vieux ! Gagner ou perdre ? �a n�a plus aucun sens ! Oui ou non ? Les mots sont d�mon�tis�s, d�valu�s, d�grad�s. Du pareil au kif-kif, voil� tout ! Que vient faire le d�mon de Socrate l�-dedans ? Dans les moments d�ind�cision, il faut �couter cette petite voix qui, de l�int�rieur de toi, te pr�vient qu�il faut dire non. Chez Socrate, logicien par excellence, la seule r�ponse qui soit d�inspiration irrationnelle, divine en l�esp�ce, c�est le �non�. C�est cette voix que je laisserais parler devant l�urne. Je ne m�en approcherais m�me pas, de l�urne. Le d�mon de Socrate a fait couler de l�encre et de la salive. Plus que l��lection en vue, pas de doute ! Plus longtemps, surtout. On en parle encore, tu vois. L�un de ceux qui se sont coll�s � l�ex�g�se, c�est notre �compatriote� de M�daourach, Apul�e. Oui, ce sp�cialiste en �d�monologie �, la science des d�mons, voyait dans celui de Socrate une sorte de divinit� � l�int�rieur de l�homme qui lui fait prendre des d�cisions pr�voyantes. Mais bon, on n�est pas l� pour �couter Apul�e nous dire ce qu�on doit faire d�un bulletin de vote. Encore que sur cet autre registre, ce qu�il dit est loin d��tre faux : �Puisque la nature ne nous a donn� qu'une bouche, mais qu'elle nous a fait deux oreilles, nous devons parler peu et �couter beaucoup.� V�rit� g�n�rale qui m�rite d��tre rappel�e, avec ou sans d�mon. Mais puisqu�on parle du d�mon de Socrate, et que celui-ci serait une petite voix int�rieure, gageons que s�ils le pouvaient, nos sp�cialistes en urnes � double fond, la comptabiliseraient comme un vote �oui�. Toute voix qui passe, petite ou grande, int�rieure ou ext�rieure, divine ou humaine, est illico presto captur�e. Fini ! Tu es enferm�e dans la bo�te, petite b�te � cordes ! Tu vas faire partie du grand concert de �oui� orchestr� par un ma�tre de chant aussi invisible et puissant que le myst�rieux d�mon qui inspire � Socrate la n�gation. Chacun vote ce qu�il veut, pour s�r ! En quoi c�est d�loyal ? C�est qu�on fait passer pour un truc pluraliste et tout et tout, une �lection qui est, en r�alit�, � candidat unique. Un exemple tout b�te. Le pr�sident s�est rendu � B�ja�a. Il a d�clar� qu�une enveloppe de je ne sais plus combien de millions ou de milliards de dinars sera d�gag�e pour d�velopper la wilaya. �Un plan quinquennal � dotation budg�taire astronomique � pour reprendre la formule de mes confr�res, dont seules les wilayas de Kabylie n�ont pas b�n�fici�, semble-t-il ! Qui fait cette promesse, le candidat ou le pr�sident ? Ne vous posez pas la question car la r�ponse est contenue dedans. Cette promesse �lectorale, qui ne sera pas plus que les autres tenue, est prof�r�e par un candidat qui est � la fois l�ex et le futur pr�sident. Imaginons un des autres candidats arrivant � B�ja�a et disant que la wilaya a besoin d�un plan sp�cial pour se d�velopper. Du vent ! Un candidat, �ind�pendant �, qui s�appuie sur l�Etat pour se faire r��lire et qui promet comme un chef d�Etat en exercice ! C�est �a, la d�loyaut� ! Tu me diras que les autres n�avaient qu�� pas jouer avec. D�ailleurs, et entre parenth�ses, je suis curieux (curiosit� strictement journalistique, parole !) de savoir pour qui vont voter les adversaires de Bouteflika. Voteront-ils seulement ? Allez, on pose toutes les questions� Seront-ils pris, eux aussi, par cette fi�vre de l�abstention qui ne cesse d�enfler ? On ne peut pr�dire le taux de cette fa�on de voter qui est de ne pas voter du tout. Tant que les sondages sont le fait de l�impressionnisme personnel ou la p�r�quation � partir d�observations de proximit�, tout ce qu�on peut dire, c�est du blabla. De la sp�culation. Que l�on mise sur le plein de votes ou sur la s�cheresse des urnes, c�est du pari perdu. Les chiffres eux-m�mes auront peu de chance de refl�ter la r�alit�. On est habitu�, par chez nous, � jouer avec, � leur faire avouer ce qu�ils ne veulent pas dire. Evidemment, le copain � qui j�ai commenc� � raconter mes tribulations n�a pas �cout� jusqu�au bout. La petite voix int�rieure ? C�est �a ! C�est le d�mon de Socrate !