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L'Entretien du Mois
Publié dans Le Soir d'Algérie le 24 - 05 - 2009

�Il faudrait pour le bonheur des Etats que les philosophes fussent rois et que les rois fussent philosophes.� Platon in La R�publique
Entretien avec le professeur Farid Kacha, chef du service hospitalo universitaire de psychiatrie de Ch�raga :
�Psychiatrie, sant� mentale et soci�t� en Alg�rie� (2e partie)
�Ce sont l�injustice, l�accumulation des frustrations, l�absence de dialogue, l�absence
de r�ve pour un enfant et l�absence d�id�al pour une soci�t� qui alimentent la violence�
Sp�cificit�s pathologiques de sant� mentale en Alg�rie
Que dites-vous de cette th�orie de l�ambivalence culturelle qui affirme que les troubles de la soci�t� se rapportent � l�incapacit� de celle-ci de se doter d�un projet global, coh�rent et rationnel ?
Pour �tre li�s par un projet global et coh�rent il faut partager une histoire et un pass� communs. Il n�existe pas d�avenir commun, sans pass� commun partag�. Peut-�tre n�avons-nous pas donn� � nos enfants l�amour de ce pass� commun ! Avec trop de l�g�ret� nous sommes pass�s de �nos anc�tres les Gaulois� � �nos anc�tres les Turcs�. Il existe, en effet, une ambivalence dans la contradiction que vit la soci�t� alg�rienne. Cette ambivalence se retrouve, d�abord, dans l�enseignement et dans la transmission de l�histoire. Elle se donne � lire dans la t�l�vision qui imbrique, artificiellement, deux champs sociaux dissemblables. C�est, soit l�Orient et la tradition, soit l�Occident et la modernit�. Cette ambivalence se retrouve, enfin, dans la vie quotidienne. La modernit�, d�une part, avec la voiture et le confort mat�riel. La tradition, d�autre part, dans les rapports sociaux. Nous ne prenons de l��volution de l�humanit� que la facilit� et le confort. Il est plus facile, pour l�Alg�rien d�acheter une voiture ou une t�l�vision � �cran plat que de lire un ouvrage produit par le m�me pays qui a fabriqu� la voiture ou l�appareil de t�l�vision. Regardez, la m�decine elle-m�me, est ambivalente. La m�decine traditionnelle juxtapos�e � la m�decine moderne, c�est une r�alit� quotidienne.
Vous croyez � cette th�se qui dispose que le peuple alg�rien a toujours pr�sent� des pr�dispositions � la colonisabilit� ?
Je ne crois pas � cette th�se de la �colonisabilit� � des peuples. C�est une th�se d�velopp�e par le colonisateur pour justifier sa pr�sence. A s�en tenir � cette th�orie, les peuples en retard devraient remercier les peuples qui viennent les envahir pour leur permettre de profiter de la civilisation ! Mais si l�id�e consiste � dire que l�histoire des peuples nous enseigne que les moments de grande puissance laissent place � des phases de r�gression et de d�cadence, alors oui, cette assertion est pertinente. Les exemples foisonnent avec l�Egypte, l�Afghanistan, la Gr�ce et m�me l�Irak. La g�opolitique d�montre que l��quilibre d�une nation et son d�veloppement sont quelque chose de complexe et de fragile. Nous ne sommes pas seuls ma�tres de notre destin. Il faut, naturellement, avoir des hommes d�Etat capables d��viter que les �quilibres g�opolitiques ne soient rompus au d�savantage des pays concern�s. Mais cela, vous la savez mieux que moi, c�est votre m�tier�
En quoi consiste la souffrance d�une personne ou d�une famille ?
La souffrance d�une personne s�exprime par l�angoisse et la peur inexpliqu�e. La famille souffre d�observer la maladie de leur proche d�autant qu�il est pour sa part totalement inconscient de son �tat pathologique.
La violence semble enracin�e, chroniquement, dans la soci�t� alg�rienne. C�est une fatalit� ?
Je ne pense pas du tout que la violence soit une fatalit�. Le concitoyen n�avait pas par le pass� la r�putation d��tre violent. Je me rappelle avoir souvent voyag� de nuit, sans appr�hension. Chaque fois que j�ai eu besoin d�aide, les gens se pr�cipitaient pour apporter r�confort et concours. La violence et la m�fiance sont des ph�nom�nes relativement r�cents dans la soci�t� alg�rienne. A propos de ce ph�nom�ne, il y a une dizaine d�ann�es, d�j�, j�avais cr�� une association appel�e A.P.V (Association pour la Pr�vention de la Violence). Je pensais que pour pr�venir la violence chez l�adulte, il fallait impliquer l��cole. Dans ce cadre l�, je me suis rendu au Canada pour rencontrer des psychiatres qui avaient mis au point des programmes scolaires sp�cifiques � la pr�vention de la violence. Le Canada est l�un des pays les plus int�ressants � conna�tre, de ce point de vue. L�id�e centrale de la d�marche canadienne, c�est que si la violence pouvait constituer une solution rapide et efficace pour r�soudre un conflit, le temps a toujours prouv� que cela restait la plus mauvaise des solutions. La violence handicapait, forc�ment, les relations futures qui devaient se baser sur la paix. Le Canada a d�velopp�, sur l�ensemble du syst�me scolaire, c'est-�-dire sur les trois niveaux, primaire, secondaire et universitaire, des programmes tout � fait performants. Ces programmes ont �t� introduits en Alg�rie, traduits et m�me appliqu�s dans certaines de nos �coles. Malheureusement les �coles publiques nous ayant r�serv� une fin de non recevoir, nous avons �t� contraints de nous limiter, � titre d�exp�rience, aux �coles priv�es. Cela a r�duit, consid�rablement, la port�e de notre r�ve. Tout cela pour dire qu�il est possible de pr�venir et de r�soudre les probl�mes dans le pays. Sous r�serve que ce d�fi essentiel fasse l�objet d�un consensus et d�un programme politique qui implique la soci�t� toute enti�re. La r�ponse violente n�est donc pas une fatalit�. Ce sont l�injustice, l�accumulation des frustrations, l�absence de dialogue, l�absence de r�ve pour un enfant, l�absence d�id�al pour une soci�t� qui alimentent la violence. L�exp�rience pr�coce dans la vie quotidienne, la violence intra-familiale, la violence dans le milieu scolaire, la violence dans la rue vont contribuer � maintenir l�id�e qu�elle nous est utile et n�cessaire pour survivre dans un milieu hostile et dangereux. C�est en s�attaquant � cette croyance, c'est-�-dire en instaurant une gouvernance plus juste et plus performante que le ph�nom�ne de la violence pourra �tre, en partie, enray�.
Peut-on faire �tat d�un profil psychopathologique type du terroriste ?
Comme vous vous en doutez, la religion qui est l�expression du rapport de l��tre humain au sacr� est au c�ur de la probl�matique que vous soulevez. Naturellement, l�int�gration de ce rapport d�pend de la personnalit� de base de chaque individu. Pour la cat�gorie de personnes que vous �voquez, le rapport au sacr� s�exprime, soit � travers le culte du rituel, soit � travers l�amour du pouvoir que procure la religion. Dans le premier cas nous sommes en pr�sence de personnalit�s dites obsessionnelles. Dans le deuxi�me, de personnalit�s dites parano�aques.
Dans le cas du terroriste qui, de sang froid met au gril un nourrisson ou organise et ex�cute un attentat contre son proche parent, quel tableau nosographique invoqueriez- vous ?
D�abord il faut savoir que l�individu, selon qu�il soit seul ou en groupe, r�agit diff�remment aux situations qui l�interpellent. Il ne faut pas perdre de vue, ensuite, qu�un diagnostic psychiatrique ne peut pas �tre �tabli si le patient n�a pas �t� suivi et consult�. Les g�n�ralisations, ici comme partout ailleurs, risquent d��tre abusives. Ce qu�il est possible d�affirmer, c�est que l�attitude de la personne consid�r�e face � la culpabilit� constitue un crit�re de jugement fiable. L�absence de culpabilit� est un signe de la gravit� de l�affection, certainement d�un �tat anormal.
Et le cas du kamikaze en particulier ?
Il semble que les Japonais aient d�j� effectu� des �tudes approfondies sur le cas de leurs kamikazes. Il faudrait, probablement, examiner ces r�sultats. Dans le cas qui nous concerne, trois tableaux peuvent �tre distingu�s .Nous avons le kamikaze politis� et d�termin�, le kamikaze d�prim� et manipul� et le kamikaze drogu� et instrumentalis�. Il est clair que la cause v�ritable peut r�sulter de frustrations qui seront exploit�es pour pousser le kamikaze � l�action suicide projet�e.
Les processus de r�conciliation nationale engag�s de par le monde se sont appuy�s sur le devoir de m�moire afin de soulager les consciences et le recours � la justice, m�me dans le sens de l�amnistie, pour consacrer le pardon. Un processus de r�conciliation qui occulte ces deux pr�alables peut-il r�ussir durablement ?
Je ne crois pas qu�un processus de r�conciliation qui occulte le devoir de m�moire et ignore l�imp�ratif de justice puisse r�ussir durablement. Si le processus est d�voy�, il existe un risque. Celui de la disqualification de l�Etat avec la disparition de la justice et l�extinction du droit pour les victimes comme pour les bourreaux. La force et la justice vont de pair. La justice sans force est impuissante, la force sans justice est abusive. Peut-�tre avons-nous manqu�, � cet �gard, de d�bats publics courageux et pertinents. Sont-ils possibles d�sormais ?
Quel regard jette le psychiatre sur le nouveau ph�nom�ne des harragas qui prend de plus en plus de consistance ? Ces jeunes alg�riens qui se livrent � un risque de mort certaine, c�est un acte suicidaire ou une qu�te passionn�e de la vie ?
C�est un v�ritable drame individuel, familial, social et politique. Il est terrible, en effet, qu�un pays qui a vu mourir �les p�res� pour arracher l�ind�pendance puisse observer �les enfants� mourir en tentant de rejoindre l�autre rive. Les conduites suicidaires sont souvent le signe d�un d�sir de vie et de diminution de la souffrance. Je pense, cependant, que nous sommes, dans le cas d�esp�ce, en face d�une situation multifactorielle.
Paradoxalement, publicit� autant que r�pression ne font qu�aggraver le ph�nom�ne tant cela impulse l�effet de d�fi et l�effet de groupe. C�est, l� peut-�tre une recherche du paradis perdu. Paradis de l�enfance o� les parents r�glaient tout et o� le r�ve �tait permis. Devenus adultes, les enfants ne semblent pas pr�par�s � affronter les difficult�s de la soci�t�, surtout la soci�t� urbaine o� la notion de valeur est totalement �gar�e. Ceci est un premier facteur pour expliquer le ph�nom�ne des harragas. La t�l�vision, toujours ouverte dans tous les foyers, fait d�filer, par ailleurs, des images de pays merveilleux o� r�gnent l�opulence mat�rielle et le bonheur affectif. Singulier contraste avec les difficult�s de vie, l�aust�rit� affective et l�inconfort quotidien en Alg�rie. L�absence de perspective d�courage le jeune alg�rien, d�autant que la r�ussite semble li�e � l�aisance financi�re familiale ou la puissance du clan. Cette conviction est confort�e, malheureusement, par l�id�e r�pandue que l�Etat est impuissant et corrompu. Il existe chez les jeunes alg�riens et chez les adolescents, le d�sir de prendre un risque � travers un comportement de d�fi. C�est l� un risque �ordalique�: Dieu d�sire notre r�ussite ou notre perte. Dans les deux cas, nous sommes pr�ts � mourir. C�est le langage que tiennent ces jeunes dont les comportements sont souvent des conduites de rupture qui se rapprochent de la conduite suicidaire. J�ai entrepris d�s 1968, de travailler sur les conduites suicidaires. J�avais organis�, une ann�e durant, des entretiens avec toutes les personnes hospitalis�es pour tentative de suicide dans le service du Pr. Drif � l�h�pital d�El Kettar. Ce service de r�animation recevait toutes les intoxications volontaires de la capitale.
En quoi a consist� l�objet de cette �tude ? Comment a-t-elle �t� men�e ? Quelles conclusions en ont r�sult� ?
Le psychiatre est familier de l�id�e de mort, pas de la mort physique elle-m�me. Le paradoxe, en effet, c�est bien cette situation qui fait que les malades mentaux en psychiatrie restent vivants. Face au ph�nom�ne du suicide, j�ai, pr�cis�ment, �t� interpell�, en tant que psychiatre justement, par la volont� de mort du jeune. Comment recueillir l�information pour pouvoir l�analyser � ce propos ? Se rendre tout simplement � l�endroit qui accueille les sujets de tentatives de suicides lesquelles, parfois, conduisent � la mort. J�ai opt� pour un service de r�animation implant� dans un environnement populaire, celui du professeur Drif � l�h�pital d�El Kettar pr�s de Bab El Oued. J�ai �tudi� six cents cas et le r�sultat a �t� trait� dans le cadre de ce qui fut ma th�se de doctorat, soutenue en 1971. Parmi les causes essentielles de tentatives de suicide, pr�dominait � l��poque, la tristesse, la maladie chronique ou l�incident banal. Ce sont les jeunes filles qui constituaient le lot le plus important de la population �tudi�e. C��tait compr�hensible, la jeune fille � l��poque n�avait pas d�autre alternative que le suicide. Ph�nom�ne tr�s �loquent, j�avais d�couvert que la courbe des tentatives de suicide baissait pendant le mois du Ramadan (probablement parce que les liens de solidarit� familiale agissaient plus fortement pendant ce mois) et remontait fortement en juin (mois de tension sociale li�e aux examens et autres �ch�ances d��t�).
La situation a-t-elle �volu� depuis 1968 ?
Si c�est par rapport aux statistiques, je dois pr�ciser que le taux de suicides n�est toujours pas exceptionnel. Ce taux est actuellement de 2 000 tentatives de suicides annuellement. En France il est de 120 � 150 000. Le ratio de suicides est, en l�Alg�rie, de 2 pour 100 000 personnes. Il est de 22 pour 100 000 personnes en Suisse. Certainement, faut-il tenir compte, dans le cas de l�Alg�rie, des tentatives de suicides qui ne sont pas d�clar�es car cette pratique est mal vue autant par la religion musulmane, elle-m�me, que par les usages de la soci�t� alg�rienne. Je dois pr�sider le jury d�examen du Dr. Alouani Mohamed Lamine qui vient de terminer une remarquable th�se sur les conduites suicidaires et leur pr�vention dans la r�gion de S�tif. Ses conclusions ne diff�rent pas, de mani�re fondamentale, de celles que j�avais mises en �vidence en 1968. Seulement la presse nationale, d�sormais, �voque, plus ouvertement, ce ph�nom�ne de suicide et en rapporte express�ment les faits. Cela les grossit artificiellement.
Comment expliquez-vous la recrudescence des suicides en milieu policier ?
Pour les policiers, les hypoth�ses sont diff�rentes. La pr�sence permanente d�une arme, objet de la mort, le m�tier de policier lui-m�me avec ses risques permanents, ses recours � la violence, l�absence de motivation professionnelle et l��loignement de la famille, tout cela va pr�cipiter des compensations d�pressives ou d�lirantes. Il doit exister, �galement, une mauvaise s�lection au recrutement et un mauvais suivi au cours de la carri�re. Il faut, cependant, comprendre que l��tre humain, surtout celui qui pr�sente des troubles, n�ob�it pas, forc�ment, au principe de causalit� psychologique, tel que nous le connaissons � travers nos processus conscients. Expliquer pourquoi un individu se suicide ne peut pas se comprendre par les lois classiques de la causalit�. Si la science officielle nous pousse � expliquer les comportements d�viants par de seules causes sociales et physiques, c�est parce que les motivations irrationnelles qui nous sont inaccessibles inqui�tent trop�
Nous avons �voqu� la violence et les suicides. La toxicomanie est, �galement, pr�sente au sein de la soci�t� alg�rienne. Quelle analyse faites-vous de ce fl�au ?
Merci, la toxicomanie ou � l�addiction �, m�rite, en effet, quelques commentaires. C�est un ph�nom�ne moderne qui touche la plupart des pays depuis quelques d�cennies. Les Europ�ens, dix ans apr�s les Etats-Unis et l�Alg�rie, dix ans apr�s l�Europe, sont confront�s � ce probl�me. La toxicomanie traditionnelle �tait r�pandue chez les adultes: dockers, coiffeurs et artistes. La toxicomanie moderne touche des Alg�riens de plus en plus jeunes jusqu�� 12 et 13 ans ! Actuellement, la toxicomanie est r�pandue dans toutes les couches sociales, indiff�remment du niveau social ou de la zone g�ographique.
Comment se manifeste la toxicomanie ?
Par une escalade dans l�utilisation des produits, en allant des moins dangereux aux plus nocifs pour la sant�. Elle est, souvent, caract�ris�e par le m�lange des produits ou la substitution d�un produit � l�autre, en cas de p�nurie. Cette derni�re d�cennie a vu se r�pandre l�utilisation du kif, avec l�apparition de coca�ne et d�h�ro�ne, du crack et du subutex. Nous recevons � l�h�pital, des adultes et des jeunes, des deux sexes, des toxicomanes qui consomment de la coca�ne et de l�h�ro�ne, ces produits qui n�existaient pas, auparavant. Souvent, les consommateurs deviennent, eux-m�mes, des dealers. Il existe, donc, une multitude de dealers dans chaque quartier et dans chaque village. C�est un ph�nom�ne social qui va s�amplifier, comme le prouvent les �normes saisies qui se font par tonnes, de plus en plus importantes. Les bouleversements sociaux qui affectent le pays et la violence sociale qu�il subit, renforcent le recours aux produits licites ou illicites.
Comment r�agissent les pouvoirs publics face � ce fl�au ?
Les pays les plus d�velopp�s �prouvent de grandes difficult�s � ma�triser le d�veloppement de cette �pand�mie�, que dire, alors, de l�Alg�rie ! La prise en charge des toxicomanes constitue un aspect important de la sant� mentale dans un pays. La consommation de toxiques entra�ne, en effet, des troubles du comportement et les troubles mentaux se compliquent � leur tour de toxicomanie. L�Alg�rie a pris conscience, mais en retard de la gravit� de ce fl�au. Il existe, actuellement, un Office National de Lutte contre la Toxicomanie qui rel�ve du Minist�re de la Justice. Le Minist�re de la Sant�, a cr�� une commission nationale de lutte contre la toxicomanie. Quelques dizaines d�associations ont �t� cr�es et militent pour la prise en charge de ces patients. Les pouvoirs publics ont planifi�, �galement, la construction d�une quarantaine de structures pour la prise en charge des toxicomanes. Il n�est jamais trop tard pour bien faire dit l�adage. L�office de lutte contre la toxicomanie vient d�engager une r�flexion sur les textes d�application de la loi que nous aurons � �voquer. Il faut esp�rer que la concertation soit la plus large possible et que la d�termination l�emporte sur la nonchalance.
Ce dispositif de lutte contre la toxicomanie vous parait efficace ?
Certes, il aurait �t� pr�f�rable de d�finir, au pr�alable, une politique d�ensemble avec des objectifs pr�cis. Il aurait �t� possible, � ce stade l�, de d�finir l�objectif principal d�une politique de lutte contre la toxicomanie. Quelle est la part respective de la pr�vention et de la r�pression ? Il se trouve que cette r�flexion n�a pas �t� men�e. Du moins, elle n�a pas �t� men�e selon les normes requises. La corporation des psychiatres, par exemple, n�a pas �t� associ�e � la d�marche qui est appliqu�e en la mati�re. Savez-vous, � ce propos, que la l�gislation en vigueur, promulgu�e sans concertation pr�alable avec les psychiatres, est difficilement applicable. A terme, elle risque de devenir, rapidement, caduque. Il existe un d�faut de visibilit� qui fait que l�Office National que j��voquais tant�t a �t� confi� � des sp�cialistes exp�riment�s plus dans la r�pression que dans la pr�vention du fl�au. S�agit-il d�un bon choix correspondant � un objectif dument r�fl�chi ? La Commission minist�rielle dont j�ai parl� n�a aucune existence significative. Si au niveau officiel la concertation et la coordination ne semblent pas parfaites, il n�y a gu�re lieu de s��tonner de l�absence de synergie entre ces structures administratives et les organisations associatives qui peuvent servir, pourtant, d�interface pertinente. Imaginez que pour la quarantaine de structures d�di�es � la lutte contre la toxicomanie dont la r�alisation a �t� programm�e, il n�existe pas de programme appropri� pour une population cibl�e, ni m�me de plan architectural adapt�. Il est clair que notre pays a besoin d�un programme de lutte contre la toxicomanie qui soit global, coh�rent et, surtout, applicable. Ce programme doit �tre l��uvre de professionnels, c'est-�-dire d�experts, de cadres �prouv�s, de m�decins et de repr�sentants du mouvement associatif.
L�observation du terrain social en Alg�rie met en �vidence une prodigieuse progression des pratiques mystiques, avec recours � la sorcellerie et autres usages r�gressifs de la religion. Vous �tes confront�s � cette r�alit� dans l�exercice de votre fonction ?
Les psychiatres sont les premiers � constater l�extension de ces croyances et les malades en sont, �videmment, les premi�res victimes. Nous n�arrivons pas, en effet, � passer le message clair que les troubles du comportement doivent, d�abord, atterrir chez le m�decin qui pourra diff�rencier la maladie neurologique (�pilepsie) d�une maladie chirurgicale (tumeur c�r�brale), d�une maladie infectieuse (typho�de) , d�une maladie mentale (schizophr�nie). Toutes ces affections peuvent s�exprimer, en effet, par des troubles du comportement. Il est difficile de comprendre que le cerveau est un organe et que, tout comme les autres organes, le c�ur ou l�intestin, il peut pr�senter des perturbations. En pratique, ce qui est douloureux, c�est que tout retard dans la prise en charge, aggrave la maladie et compromet l�efficacit� du traitement. Nous continuons de recevoir des patients schizophr�nes qui ont �volu� pendant des ann�es, sans traitement. Il faut marteler � l�esprit des familles que sans le traitement neuroleptique, aucune am�lioration n�est possible.
Vous pensez que la soci�t� alg�rienne peut lutter contre la violence ?
La lutte contre la violence est, de mani�re essentielle, le r�sultat de la pr�vention. Ce sont les r�gles d�organisation sociale fond�e sur les principes d��quit� et de justice qui permettent la r�solution des conflits par la voie pacifique, en lieu et place de la m�thode violente. De ce point de vue, il est clair que la pr�vention s�exerce, prioritairement, � l��cole et au sein de la famille. Je pense, � cet �gard, que l��cole ne joue pas son v�ritable r�le. Ce r�le consiste � transmettre l�esprit de rationalit�, lequel se caract�rise par l�amour du savoir, la curiosit� scientifique et la soif de connaissance. Il n�est pas �tonnant que les pratiques de gouvernance renforcent, chez nous, les aspects n�gatifs sur lesquels se fondent les d�viances sociales. La m�fiance vis-�-vis des intellectuels, leur marginalisation et, parfois, leur pers�cution, font que le savoir n�est pas une valeur sure en Alg�rie.
Comment en �tes-vous venu � porter de l�int�r�t � la psychoth�rapie familiale ?
Au cours de la p�riode de violence que vous avez �voqu�, celle du terrorisme, nous cherchions un moyen qui nous permette d�aider les familles en difficult�, des familles endeuill�es, transplant�es et malmen�es�Nous mesurions , �galement, l�importance du lien familial dans notre pays et les risques de sa dislocation � un moment o� la s�curit� n��tait plus assur�e par l�Etat. Nous souhaitions, donc, une approche qui permette � ces familles de se rassembler, de partager leurs deuils et leurs douleurs puis de d�passer la difficult� subie. Nous avons demand� � des coll�gues Belges de venir nous aider pour former des formateurs en th�rapie familiale syst�mique.
En quoi consiste la th�rapie familiale syst�mique ?
Une famille est un syst�me en interaction. Toute la famille fait partie de ce syst�me qui est destin� � renforcer les liens familiaux pour permettre de faire face aux situations nouvelles, de partager les fardeaux et de traverser les deuils avant de parvenir � un nouvel �quilibre. Voici le soubassement fondamental de la th�rapie familiale.
Pouvez-vous nous d�crire, rapidement, les actions que vous avez entreprises et les r�sultats que vous avez obtenu en mati�re de th�rapie familiale ?
L��quipe a eu � suivre, de mani�re particuli�re, le cas d�une famille endeuill�e par l�assassinat du p�re. Au d�part, toute la famille faisait le deuil sans que ses membres ne puissent communiquer entre eux .Chaque membre assumait, donc, tout le poids �norme du deuil sans pouvoir aborder le sujet avec le reste de la famille. Notre r�le a consist� � provoquer puis � organiser cette communication intra familiale qui a permis d�apporter un relatif soulagement avant de parvenir � un �quilibre b�n�fique pour la famille. C�est une technique qui est appel�e � se r�pandre en Alg�rie. Nous avons d�j� form� 150 personnes � la technique et nous continuons sur notre lanc�e. Bient�t d�butera, � Alger, la formation d�une promotion de 25 personnes.
Le tableau de sant� mentale que vous dressez, les r�actions de souffrance et de d�fi de la soci�t�, ce n�est pas le fait de ce que les sociologues appellent le �d�senchantement social� ?
Je vous rappelle que je ne suis pas sociologue. C�est au niveau individuel que je peux comprendre le � d�senchantement � que vous mentionnez. Ce ph�nom�ne s�est install� chez les individus apr�s une p�riode postind�pendance o� l�espoir �tait au z�nith. Le d�senchantement de toute la soci�t� que vous �voquez n�en existe pas moins. Les �harragas� malheureux qui traversent la mer au risque de leurs vies en sont la preuve. A plus forte raison, les �harragas� sens�s �tre plus heureux, ces dipl�m�s qui fuient le pays pour aller d�velopper les pays qui le sont d�j�.
A propos de �harraga�, justement, c�est un d�clic li� � la biologie, � la physiologie ou � l�anatomie qui explique le passage � l�acte ou des facteurs culturels et socio�conomiques exclusifs ?
De toute �vidence, ce sont les facteurs socio-�conomiques.
Aspects particuliers de la psychiatrie
La pathologie infanto-juv�nile c�est une branche particuli�re de la psychiatrie ?
Pour m�moire la p�dopsychiatrie est une sur sp�cialit� de psychiatrie. Le certificat d��tudes sp�cialis�es, option p�dopsychiatrie, a �t� institu� en 2000. C�est en 2007, seulement, que la premi�re promotion de p�dopsychiatres a �t� form�e. Une deuxi�me promotion est en cours de formation.
Quels sont, pour la discipline, les troubles les plus fr�quents chez l�enfant ?
Ce sont les troubles du d�veloppement, les troubles diagnostics qui apparaissent g�n�ralement durant la scolarit� (locution, b�gaiement, troubles sphinct�riens). Ces troubles diff�rent, totalement, des troubles que nous diagnostiquons chez l�adulte. Nous nous abstenons, g�n�ralement, de prescrire des m�dicaments aux enfants. Nous faisons recours, plut�t, � des cures de psychoth�rapie confi�es � des psychoth�rapeutes sp�cialis�s. Huit services r�partis sur le territoire national fonctionnent d�j�. Dix sont en projet. Cela reste, pourtant, insuffisant.
Comment avez-vous introduit cette sp�cialit� en Alg�rie ?
En tous les cas, c�est une pathologie dont nous avons pris connaissance tardivement. C�est seulement en 2000 que nous avons cr�� un service de psychiatrie d�enfants. C�est en 2007, seulement, que nous avons form�, gr�ce � l�aide de l�OMS et des coll�gues fran�ais, la premi�re promotion sp�cialis�e de psychiatres infanto-juv�nile. Cette promotion de m�decins psychiatres va �tre renforc�e par une deuxi�me qui a entam� sa formation au mois de f�vrier dernier. Parall�lement, nous avons cr�� une douzaine de services de psychiatrie de l�enfant et suscit� beaucoup de vocations. L�, �galement, un plan de d�veloppement ad�quat fait d�faut. Un plan de d�veloppement qui comporte un accompagnement central, r�gional avec un �ch�ancier de mise en �uvre. Cela s�int�gre, �galement, dans les pr�occupations de politique de sant� mentale que nous �voquions, tout � l�heure.
Le renouveau mondial de la psychiatrie
Quelles sont, selon vous, les avanc�es essentielles de la psychiatrie moderne ?
La psychiatrie a connu, ces derni�res ann�es, un essor sans pr�c�dent. Les bouleversements intervenus au niveau de la discipline concernent, d�ailleurs, les trois champs constitutifs de la psychiatrie. Sur le plan biologique, la psychiatrie a enregistr� des progr�s en neurobiologie, en g�n�tique (d�codage du g�nome humain) et en imagerie (r�sonance magn�tique et scanner � trois dimensions). Des progr�s ont �t� obtenus, �galement, dans le domaine des th�rapies biologiques (antipsychotiques et antid�presseurs de 2�me g�n�ration). Sur le plan de la psychopathologie et des psychoth�rapies, des avanc�es ont �t� faites avec l�apparition de nouvelles techniques de prise en charge. La place de la psychanalyse dans les traitements est, actuellement, un centre d�int�r�t majeur. Sur le plan social, la psychiatrie, rappelons- le, est intimement li�e � l��tat de la soci�t�. L�environnement social et institutionnel ayant �volu�, cela n�a pas manqu� de produire ses effets au plan de l��thique, des lois, de l�organisation des soins et, naturellement, de la r�adaptation des patients au sein de la soci�t�. Les patients sont, d�sormais, consid�r�s comme des invalides qui peuvent b�n�ficier d�un traitement gratuit et m�me d�une pension. C�est l� une grande victoire pour le malade, pour les soignants et pour les familles. De nouvelles pathologies (addictions � stress � anxi�t� �) sont venues enrichir, par ailleurs, l��tude du fonctionnement psychique humain. La prise en charge de ces maladies et l��tude de leur psychopathologie font l�objet de travaux de recherches avanc�s.
Quels sont les avanc�es en psychopharmacologie ?
La psychopharmacologie a fait d��normes progr�s. Elle a permis de comprendre le fonctionnement du cerveau et l�origine des troubles trait�s par les psychotropes. Nous disposons, actuellement, de m�dicaments d�une redoutable efficacit� qui sont bien tol�r�s et chaque ann�e, nous recevons de nouveaux autres produits plus sp�cifiques. Nous en sommes � la deuxi�me g�n�ration des antid�presseurs (IRSS).Nous disposons, �galement, d�antipsychotiques particuli�rement efficaces, les neuroleptiques atypiques. Au total, nous pouvons mener des actions m�dicales plus sp�cifiques avec des effets secondaires r�duits. Il existe, en effet, une plus grande tol�rance qui permet un usage plus accept� du m�dicament. Pour m�moire, les anxiolytiques et les tranquillisants agissent sur l�anxi�t�, l�inqui�tude, la panique et le sommeil. Ils sont d�action rapide dans un d�lai de 10 � 15mn. Certains m�dicaments pouvaient entra�ner, justement, des addictions, c'est-�-dire des accoutumances s�v�res. Les antid�presseurs, pour leur part, agissent sur la tristesse pathologique, les TOC les phobies et les �tats de panique, dans un d�lai plus long, deux � trois semaines. La derni�re g�n�ration de cette classe de produits est symbolis�e par le fameux Prozac. Malheureusement, tous ces produits sont d�couverts dans les pays du nord, surtout aux USA et en Europe et leurs prix restent �lev�s.
Vous voulez dire que ces m�dicaments ne sont pas disponibles pour les patients alg�riens ?
Pas du tout. Ces m�dicaments ont �t� introduits en Alg�rie o� ils sont prescrits et rembours�s par la S�curit� Sociale. Le syst�me de protection sociale en vigueur en Alg�rie est l�un des plus performants au monde. C�est gr�ce � lui que la soci�t� maintient, en partie, sa coh�sion.
De mani�re plus large, � l�aube du troisi�me mill�naire, quels sont les horizons qui s�ouvrent � la psychiatrie ?
Les prochaines d�cennies seront, probablement, marqu�es par des progr�s en psychiatrie biologique. Le d�veloppement des neurosciences qui est constant est, aussi, spectaculaire. Nous nous orientons, lentement mais s�rement, vers une sp�cialisation de plus en plus complexe comprenant la psychopharmacologie et la neuro- endocrinologie. Cela conduira � ouvrir le champ de l�activit� psychiatrique � d�autres intervenants comme les neuropsychologues.
La psychiatrie est-elle d�sormais, une discipline autonome par rapport � toutes les autres sciences ?
Il est facile, je suppose, de comprendre que nous ne sommes r�ductibles ni � notre partie biologique, ni � notre partie psychologique, encore moins � notre partie sociale. Nous sommes donc des �tres biopsychosociaux. Pour �voquer une maladie biologique par excellence, je reprends l�exemple du �mongolien�. Son comportement entra�ne, obligatoirement, des r�percutions psychologiques et sociales. Inversement, une maladie psychologique, comme la phobie grave, va, n�cessairement, modifier les rapports sociaux du malade � son environnement et son �quilibre biologique. Le traitement psychiatrique comporte un versant biologique, psychologique et social. Chaque prise en charge doit �tre envisag�e sous les trois axes compl�mentaires.
Partant du fameux ouvrage de Sigmund Freud, �le cas Wilson�, quelle lecture faites-vous de la qu�te pathologique effr�n�e du pouvoir qui impulse certains leaders politiques et que dites-vous du mode dont ils l�exercent apr�s l�avoir conquis ?
Le cas Wilson de Sigmund Freud est une caricature. C�est un pr�texte dont s�est saisi Freud pour analyser les rapports entre pouvoir et personnalit�. L�envers de la pi�ce que le commun des mortels imagine sans jamais le voir. La personnalit� de fond de ceux qui sont attir�s par le pouvoir de mani�re pathologique. Le fait le plus int�ressant, � cet �gard, se rapporte � la mystique du pouvoir avec la relation suppos�e avec Dieu. Rappelez-vous ce que le Pr�sident du Zimbabwe Robert Mugabe, avait r�pondu, tout r�cemment, � ceux qui le pressaient de quitter le pouvoir : �C�est Dieu qui m�a permis d��tre l�, lui seul peut m�enlever.� Il existe, en effet, un moment o� le sentiment de la toute puissance pousse l�individu qui en jouit � consid�rer que c�est l��uvre d�une puissance divine que d��tre dot� du pouvoir dont il dispose. Un moment o� le sentiment de la toute puissance donne l�illusion d�un destin unique qui ne peut �tre compris par le hasard, la chance, les circonstances historiques. Je ne crois pas que ce m�canisme psychologique soit sp�cifique au pouvoir politique. L� aussi, c�est votre domaine d�expertise. Cette croyance est battue en br�che lorsque de v�ritables contre pouvoir institutionnels fonctionnent dans le cas du syst�me d�mocratique qui lui, est bien une construction humaine.
De mani�re plus formelle, consid�rez-vous qu�il existe un champ d�application politique � la psychopathologie ?
Certainement. J�avoue, cependant, mon incomp�tence. Vous voulez parler de l��tude de la personnalit� des hommes politiques de mani�re � pr�voir leur comportement et leur influence sur l��volution d�un syst�me ou d�un pays ? Ce serait un champ sp�culatif et non plus clinique. Nous avons l�habitude de faire des analyses sur des personnes qui consultent avec une demande d�aide � laquelle nous appliquons une �thique caract�ris�e par le secret professionnel et la prise en charge de l�int�r�t exclusif du patient.
Les maladies d�Alzheimer et l�autisme sont-elles des maladies sp�cifiques aux soci�t�s d�velopp�es ?
Absolument pas. Ce sont des maladies g�n�tiques dont le rapport � l�environnement social et culturel n�a pas �t� �tabli. Il existe des normes universelles, des ratios, en quelque sorte. L�Alg�rie ne semble pas concern�e plus que les autres pays. Mais, il est clair que la maladie d�Alzheimer, en raison du vieillissement de la population va s�amplifier.
Quels progr�s on �t� r�alis�s dans le traitement de ces maladies ?
Pour la maladie d�Alzheimer, il existe, actuellement, un m�dicament de derni�re g�n�ration commercialis� en Alg�rie qui donne des r�sultats int�ressants. Ce traitement est renforc�, cependant, par des centres dit �de m�moire� implant�s aux h�pitaux Ait Idir et Bab El Oued. Ces centres de m�moire permettent d��tablir un diagnostic pr�coce de la maladie et de la prendre en charge suffisamment t�t. L�esp�rance de vie en Alg�rie est de 72 ans pour les hommes et de 77ans pour les femmes. La maladie d�Alzheimer risque, par cons�quent, de s�amplifier au sein de la population �g�e. Concernant l�autisme, les diagnostics se faisant de plus en plus t�t permettent une prise en charge rapide de la maladie. Les services de p�dopsychiatrie qui existent actuellement dans le pays comportent, g�n�ralement, des centres de prise en charge pour autistes. Il existe, au niveau de Ch�raga, un h�pital de jour, indispensable dans ce domaine particulier de la psychiatrie.
A propos de d�veloppement de la m�decine. Vous �voquez, avec fiert� le laboratoire de sommeil que vous avez r�alis� au sein de votre service et qui est le premier du genre, dites-vous, en Alg�rie. Quelles sont les analyses qui sont effectu�es au sein de ce laboratoire ? Quel en est l�usage ?
Faut-il pr�ciser que le laboratoire du sommeil est une innovation en Alg�rie, pas dans le monde? C�est apr�s avoir institu�, depuis deux ann�es, une consultation du sommeil au sein de notre service que nous avons identifi� une demande insistante d�informations sur le manque de sommeil qui accompagne, g�n�ralement, des troubles psychiatriques. C�est pour satisfaire � cette demande et, surtout, pour faciliter nos propres investigations cliniques que nous avons r�alis� ce laboratoire du sommeil. Cet �quipement nous permet de r�aliser tous les types d�examens utiles pour analyser le fonctionnement du cerveau (�lectroenc�phalogramme, �lectrocardiogramme, enregistrement de la respiration et enregistrement des contractions musculaires ou �lectromyographie) Cela nous permet d��tablir les diagnostics dits d��apn�e du sommeil�, d��tudier �l��pilepsie morph�ique� pour orienter, en cons�quence, nos th�rapeutiques.
Vous pensez que la psychiatrie va subir des transformations de substance ?
Vous voulez parler de l�extension du champ d�investigation de la psychiatrie ? Les moyens th�rapeutiques actuels permettent d�j� � la psychiatrie d�avoir sa place dans les neurosciences. En Alg�rie, il existe, d�abord, un probl�me de disponibilit� des soins. C�est aujourd�hui, seulement, que l�acc�s aux soins psychiatriques commence � se banaliser et que le besoin commence � �tre exprim�. Les familles prennent, doucement, conscience de l�efficacit� des traitements et des prises en charge psychologiques. Nous recevons de plus en plus de demandes de soins et les demandes sont de plus en plus vari�es. De l�enfant turbulent aux conflits conjugaux en passant par les addictions. Je pr�vois que la demande va rapidement d�passer l�offre de soins dans toutes les grandes villes du pays.


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