La pièce de théâtre Babor Ghraq de Slimane Benaïssa, présentée dans la soirée d'avant-hier au public du Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi, a prouvé qu'elle est intemporelle Ecrite et mise en scène il y a de cela 35 années, la pièce Babor Ghraq de Slimane Benaïssa revient parler à son public, comme si rien n'a changé et rien n'a bougé depuis. C'est l'histoire de trois personnages surpris par une panne de carburant sur leur bateau, au beau milieu de la mer. Au bout d'un certain temps, ces trois personnages, interprétés par Slimane Benaïssa, qui est également l'auteur et le metteur en scène de la pièce, Omar Guendouz et Mustapha Ayad, ne résistent plus à la faim et la soif et cherchent un moyen de se nourrir. S'ensuivent, alors, des dialogues «minés» de messages politiques subliminaux. C'est une équation évidente dans une époque où «soit tu fais de la politique, soit on te fait de la politique», suggère Babor Ghraq. A noter que cette pièce avait été montée à l'époque du parti unique et de persécution de tout ce qui appelle à l'ouverture démocratique. Emotion Le texte est très courageux et audacieux, du fait qu'il aborde, sans aucune concession, des sujets tabous et qui peuvent exposer leur auteur à de graves soucis à cette époque-là. La pièce se termine par un texte époustouflant, déclamé par Slimane Benaïssa. Il raconte en quelques chapitres seulement l'histoire millénaire de l'Algérie, qui remonte dans ses origines amazighes les plus anciennes. Le comédien remonte l'histoire dans tous ses déboires et les misères qu'elle fait subir au «grand-père Amazigh». De colonisateur en colonisateur, de victoire en victoire, jusqu'au jour où l'on se retrouve seuls, libres, indépendants et sans envahisseur. Une liberté, une solitude qui obnubile au point que le fils ne reconnaît plus son grand-père, ni son père ni ses frères. Applaudissements Slimane Benaïssa, n'ayant perdu aucune once de sa verve, a fait vivre un moment très fort et riche en émotion aux centaines de personnes venues voir la pièce. 35 ans plus tard, Babor Ghraq parle aux spectateurs de sa génération tout comme à ceux de la génération actuelle. Les messages subliminaux sont on ne peut plus d'actualité. Imposture identitaire, régionalisme, volonté de cloître la société dans le système de la pensée unique, la bureaucratie, les conflits sociaux et autres passe-droits ont encore la peau dure de nos jours. Cette magnifique pièce, écrite en 1982, semble intemporelle de par son texte et ses personnages. Le spectacle a reçu de chaudes acclamations du public, présent en force pour cette première soirée du nouveau programme. A noter que cette pièce, qui a retrouvé les planches du TNA durant l'été dernier, 35 ans après sa première présentation, est au menu du TNA jusqu'au 17 décembre prochain. Les représentations sont programmées tous les jours de la semaine à 18h30 sauf les vendredis et samedis à 16h00. Le public est donc invité à ne pas rater cette pièce qui reste dans l'histoire du théâtre algérien.