Les pressions diplomatiques de dernière minute de Donald Trump et de sa représentante à l'ONU, Nikki Haley, n'auront pas suffi. L'Assemblée générale des Nations unies a adopté, jeudi 21 décembre, à une large majorité (128 votes favorables, 35 abstentions et 9 votes défavorables), une résolution sur le statut de Jérusalem, parrainée par la Turquie et le Yémen. C'est un véritable camouflet infligé aux Etats-Unis qui, la veille du scrutin, ont menacé de couper les aides aux pays qui vont soutenir la résolution. Le président Donald Trump et son ambassadrice à l'ONU, Nikki Haley ont intensifié ces deux derniers jours l'escalade verbale contre les pays qui s'opposent à leur décision. Le texte adopté reprend pratiquement les mêmes termes du projet de résolution auquel les Etat Unis ont opposé leur veto lundi dernier. La résolution, présentée par le Yémen et la Turquie au nom des pays arabes, souligne qu'el Qods occupé est «une question relevant du statut final et qui doit être réglée par la voie de la négociation, comme le prévoient les résolutions pertinentes des organes de l'Organisation des Nations unies» et déplore au plus haut point les récentes décisions relatives à son statut. Elle affirme que toute décision ou action qui visent à modifier le caractère, le statut ou la composition démographique de la Ville sainte n'ont aucun effet juridique, sont nulles et non avenues Le texte demande à tous les Etats de s'abstenir d'établir des missions diplomatiques dans la Ville sainte, en application de la résolution 478 (1980) du Conseil de sécurité. Appelant à nouveau à «inverser les tendances négatives sur le terrain qui mettent en péril la solution à deux Etats», la résolution a demandé de mettre fin à l'occupation israélienne afin de parvenir à une paix globale au Moyen-Orient. Prenant la parole peu avant le vote, le ministre des Affaires étrangères de la Palestine, Riyad al-Malki a déclaré que la décision américaine affectait «le statut des Etats-Unis dans le processus de paix et non pas celui de la Ville sainte», affirmant que les palestiniens n'allaient pas être intimidés par les menaces proférées par les Etats-Unis. «Ceux qui veulent la paix doivent voter pour la paix», a-t-il lancé aux délégations des pays présentes à cette session d'urgence sur El-Qods. L'adoption de la résolution marque néanmoins un échec de l'administration Trump, qui avait fait du vote un quasi-référendum sur sa crédibilité au Proche-Orient. Un revers qui ne semble guère soucier le locataire de la Maison Blanche, avant tout motivé par des considérations de politique intérieure. «Le président a montré qu'il était prêt à tenir tête au reste du monde au nom d'Israël, ce qui représente un cadeau de Noël idéal pour beaucoup d'électeurs républicains», juge Richard Gowan, expert au Conseil européen des relations internationales. Mahmoud Abbas : «Nous n'accepterons aucun plan de paix américain» Les Palestiniens n'accepteront aucune feuille de route des Etats-Unis visant à raviver le processus de paix avec Israël compte tenu de la décision «partisane» de Washington sur le statut de Jérusalem, a prévenu, hier, le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. «Après la décision du président Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, les Etats-Unis ne sont plus un médiateur honnête dans le processus de paix», a-t-il dit lors d'une conférence de presse, à l'issue d'un entretien avec Emmanuel Macron à l'Elysée. «Nous n'accepterons aucun plan de la part des Etats-Unis à cause de l'esprit partisan et à cause de la violation du droit international» liée à la décision américaine, a-t-il ajouté. «En faisant cela, les Etats-Unis se sont disqualifiés eux-mêmes». Depuis son arrivée à la Maison blanche il y a un an, Donald Trump a adopté une ligne en rupture avec la politique traditionnelle des Etats-Unis qui jouent depuis le début des années 1990 un rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien. Après avoir estimé que la «solution à deux Etats» n'était pas la seule voie possible, le président américain a annoncé le 6 décembre la reconnaissance par les Etats-Unis de Jérusalem comme capitale d'Israël et le transfert de l'ambassade américaine actuellement basée à Tel Aviv. Cette décision, qui a provoqué une onde de choc à l'international et de nombreuses manifestations, a été une nouvelle fois condamnée jeudi à l'Assemblée générale de l'Onu, où près de 130 pays ont appelé le président américain à revenir sur cette reconnaissance. L'administration américaine avait averti avant le vote qu'elle couperait son aide financière aux pays qui voteraient en faveur de la résolution, une menace jugée inacceptable par Mahmoud Abbas. «On ne peut pas imposer au monde des positions en utilisant l'argent, on ne peut pas payer des Etats en exigeant qu'ils adoptent une position politique donnée», a-t-il dit, tout en remerciant la France pour son vote en faveur du texte. A ses côtés, Emmanuel Macron – qui depuis son élection met en garde contre la multiplication des initiatives dans le dossier israélo-palestinien – s'est gardé d'annoncer une initiative française à l'image de celle lancée sans grand succès sous le quinquennat précédent. Réaffirmant la position de Paris en faveur de la «solution à deux Etats», le président français a assuré que la Palestine n'était «pas seule» et que tout serait fait pour qu'elle vive «dans des frontières sûres et reconnues en sécurité aux côtés d'Israël, avec Jérusalem comme capitale des deux Etats». Pas question pour autant pour la France de reconnaître unilatéralement l'Etat de Palestine, a-t-il souligné. «Nous commettrions une faute profonde (…) A partir du moment où on se marginalise pour choisir un camp, on n'aide plus pour construire la paix», a-t-il dit. «Les Américains se sont marginalisés, je cherche pour le moment à ne pas faire de même». La France «prendra ses responsabilités en lien avec l'Onu et ses partenaires pour aller vers cette direction, mais je souhaite le faire au bon moment et au moment où ce sera utile pour construire la paix sur le terrain», a-t-il dit. «Au moment où je le jugerai opportun, je le ferai mais je ne le ferai jamais sous la pression de situations extérieures aux choix de la diplomatie française».