Il paraît que le poisson-lièvre, à moins que ce ne soit le poisson-lapin, sème la terreur. Avant de faire peur par la toxicité de sa chair, il fait parler de lui en raison de la controverse qui entoure son appellation. Poisson-lièvre ou poisson-lapin ? La confrontation aurait pu être simple si elle opposait les partisans du gibier aux amoureux du lapin d'élevage. Ce ne serait qu'une différence de goût. Et comme les goûts et les couleurs ne se discutent toujours pas, on aurait trouvé un compromis qui aurait arrangé tout le monde et détendu l'atmosphère, à couper au couteau. S'entendre par exemple pour que chacun l'appelle selon son appartenance au clan du poisson-lièvre ou à la secte du poisson-lapin. Il y aura toujours de petits problèmes de coexistence mais on finira par dépasser cela. Avec le temps, tout finit par s'arranger. Des couleuvres beaucoup plus grosses que ça ont bien pu être avalées et puis, on ne va tout de même pas parler tout le temps du poisson-lièvre-lapin. Mais on aura tout de même quelques situations d'une succulente cocasserie, quand deux antagonistes seront obligés d'en parler. Ces situations seront certainement très rares, mais elles promettent tellement que des âmes particulièrement inspirées songeront à en créer de toutes pièces. On s'amusera, c'est certain, et dans ce pays tout ce qui peut faire sourire est le bienvenu, puisqu'il n'y pas beaucoup de raisons de se marrer. Le problème est que ce poisson, qu'on lui accole un lapin ou un lièvre, sera vite oublié. Dans quelques jours, personne ne s'en souviendra, jusqu'à la prochaine «marée haute» dont on ne connaîtra jamais avec exactitude l'échéance, les voies du seigneur étant impénétrables. Une chose est sûre, ce poisson est toxique et ce n'est pas en lui changeant de nom qu'on y… changera quelque chose ! Personne n'en est mort jusque-là parce que nos côtes ne sont pas vraiment l'espace de prédilection de cet animal, parce qu'on ne mange pas de poisson et parce ce n'est pas encore sûr qu'il est mortel. On connaît le bonhomme qui se félicitait après un accident ferroviaire que le train ne roule pas en largeur parce que les dégâts auraient été bien plus graves. Voilà qu'on découvre son élève à l'humour bien singulier. Voilà sa trouvaille, inspirée par l'actualité du moment : et si les sardines étaient toxiques ? Qu'à Dieu ne plaise, parce que dans ce cas, il n'y aurait pas beaucoup de monde pour polémiquer sur le nom de l'anchois. De toute façon, les vrais lièvres et les vrais lapins vont bientôt entrer en scène et ce ne sera certainement pas pour un poisson d'avril. Ils ont chacun un nom bien propre à lui, mais le nom n'est pas tout, même si la bataille pour le poisson-lièvre ou le poisson-lapin semble très rude. Slimane Laouari