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Kafka ou le monde de l'absurde
Publié dans Le Temps d'Algérie le 24 - 04 - 2009

Le Procès ! L'un des plus célèbres romans de Kafka commence par : «On l'avait sûrement calomnié Joseph K. ... Car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin.» Cette phrase est très significative dans le sens où elle donne déjà une idée des œuvres de Kafka, cet écrivain, peintre de l'angoisse, de la solitude et de ce monde de l'absurde.
Ses personnages ! Poignardé au cœur dans le Procès, jeté à la poubelle dans la Métamorphose, condamné à errer aux portes du château, Kafka s'exécute partout avec des raffinements de crève-cœur. Dans le Verdict, il se noie sur l'ordre de son père. Dans La colonie pénitentiaire, il passe à la fois à la herse et à la guillotine, au laminoir et à la poire d'angoisse.
Franz Kafka est né le 3 juillet 1883 à Prague. Il est mort le 3 juin 1924 au sanatorium de Kierling près de Vienne. La plupart de ses œuvres sont posthumes et inachevées. C'est grâce à son ami Max Brod que ses livres ont connu le jour.
De son vivant, Kafka n'a laissé que quelques nouvelles, parmi lesquelles, le Verdict, la Métamorphose, la Colonie pénitentiaire, Un médecin de campagne, Un Champion de jeûne et le Chauffeur.
Mais l'humour noir et tout ce qui symbolise Kafka se trouvent particulièrement dans le Procès, cette histoire d'un monsieur qu'on arrête et qui ne sait pas de quoi on l'accuse. Alors, il passe toute sa vie de liberté provisoire à essayer de défendre une cause qu'il ignore dans un monde que rien n'explique devant un juge qu'il n'atteint pas.
Il suffit pour certains d'un clin d'œil ou d'un petit geste pour que tout soit à leur disposition
Il meurt finalement de la main d'un bourreau, égorgé dans une carrière. Ce roman brillamment mis en scène par Orson Welles eut beaucoup de succès. Nous vivons dans un de ces mondes. Pour le notre ! Ceux qui en sont y vivent aisément. Il suffit pour certains d'un clin d'œil ou d'un petit geste pour que tout soit à leur disposition. Ils s'y meuvent aussi aisément, parce qu'ils savent faire de la «géométrie».
Mais lorsque nous rentrons dans quelque autre monde, les cartes se brouillent et on étouffe, parce qu'on respire mal. Mais ceux qui ont pris le risque de s'y aventurer ne sont pas sortis indemnes. De labyrinthe en labyrinthe, et le plan d'après lequel est bâti l'édifice à travers lequel nous errons, ne sachant pas s'il faut monter ou descendre. On ne saurait alors où l'on va. On connaîtrait les chemins qu'il faut prendre et on ne serait plus embarrassé quand on se trouve engagé dans une impasse ou arrêté par un palier… C'est le monde de l'absurde.
«Que ferais-je donc parmi eux ? Il y a des couloirs qu'ils ne voient pas, et ils marchent comme si on pouvait aller toujours plus loin sans devoir faire le tour ou s'arrêter devant un mur. Comment peuvent-ils vivre ainsi sans connaître
la loi ?»
Plus étrange que celle de Poe, plus lunaire que celle de Rimbaud
C'est le monde de Kafka. Il n y a pas de vide où l'on puisse se réfugier. La ligne est tracée. Vous la suivez. Et à mesure que vous la suivez, elle se raccourcit d'autant. A droite et à gauche, il n'y a rien, pour vous du moins, car vous ne sauriez atteindre les lignes des autres. Ici, on regarde sans comprendre. Le non-moi est avant le moi.
Dans une des introductions de ses ouvrages Alexandre Vialatte écrivait : «On ne devrait pas parler de Kafka. Il y a trente ans que je le traduis, que je me suis fait son propre prophète et son cheval, sa nourrice et son homme de peine (….) on a eu cette chance inouïe de trouver tout à coup dans la littérature une œuvre unique qui ne ressemblait à rien de connu, plus étrange que celle de Poe, plus lunaire que celle de Rimbaud…»
Ainsi donc, le monde de Kafka peut être ici ou ailleurs, un monde fort obscur… un monde absurde, et pourtant on voit des êtres comme nous tous, parlant la même langue, des maisons et des routes comme on en voit tous les jours, des gardiens de la paix, des chefs de bureau, des sous-directeurs de banque et des dactylos. Mais quand on veut savoir le pourquoi de ce qui se passe, il ne faut pas essayer d'y comprendre.
Ce n'est pas que la raison manque, mais tout se raisonne en quelque sorte à l'envers et les raisonnements se poussent sans arrêt et sans conclusion possible. Kafka est en quelque sorte un martyr de la chasse au vrai, à la justice, à l'absolu. Il tâtonne armé d'une loupe dans les dédales de la vie. Tout est ainsi fait de présences et d'absence. Quand on n'est pas de ce monde, on s'enfonce chaque jour un peu plus dans des raisonnements.
Dans sa vie, Kafka luttait pour la solitude de l'écriture et l'exigence de la vie
Mais on ne raisonne jamais si bien que dans un rêve, quand l'illogique et le désordre font loi, l'absurde est roi. Il y a ceux qui sont nés. Il y a aussi ceux qui n'en sont pas. Ceux-là ne possèdent rien par droit de naissance, ils n'ont rien. Ils ne connaissent qu'une grande nostalgie, celle d'être et d'aimer, et une grande angoisse, celle de naître et ensuite de ne pas pouvoir dire : je t'aime. Ainsi, sont les personnages de Kafka.
Dans sa vie, Kafka luttait pour la solitude de l'écriture et l'exigence de la vie. Cette exigence, comme on le sait, passe nécessairement par des relations avec les êtres. De nombreux passages dans des correspondances le confirment. A peine il commençait à écrire à celle qu'il venait de connaître, il se confie à elle sans réserve : «Ma vie consiste et à consisté au fond depuis toujours à essayer d'écrire et le plus souvent à échouer.
Même la pensée de vous est en rapport avec l'écriture, seul le mouvement de vagues de l'écriture me fascine, et sûrement, dans une période d'écriture fatigué, jamais je n'aurai eu le courage de me tourner vers vous…»Félice s'étonne alors de ce comportement et le conseille, en personne raisonnable, pour plus de mesure. Cependant, de ce monde viennent, en effet, toutes les tentations, pas celles de la séduction de la chair, mais plutôt parce qu'elle semble à ce point étrange qu'elle reste étrangère à la culpabilité.
Mais l'attrait fait aussitôt de lui un coupable en le détournant de lui-même, voué désormais à la tromperie du détour et promis à l'enchantement de l'oubli. C'est en quelque sorte l'un des sens du Procès et, pour une part aussi, du Château, œuvres, l'une et l'autre écrites sous la provocation de l'étrangeté féminine.
A celle qu'il considère déjà comme une compagne de vie. Il lui décrit son idéal d'existence : «Souvent, j'ai pensé que, pour moi, la meilleure manière de vivre serait de m'établir avec mon matériel d'écriture et une lampe, dans l'espace le plus intérieur d'une cave étendue et fermée.
On m'apporterait de quoi manger, mais toujours loin de l'endroit où je me tiendrais, derrière la porte la plus extérieure de la cave. Mon unique promenade serait d'aller chercher, en robe de chambre, cette nourriture en passant sous toutes les voûtes de la cave, puis je reviendrais à la table, je mangerais lentement et avec componction et, tout aussitôt, je recommencerais à écrire.
Qu'est-ce que j'écrirais alors ! De quelles profondeurs je t'arracherais ! Sans effort ! Car l'extrême concentration ne connaît l'effort.»
La cave ! Eclairée par les illusions de la jeunesse. Kafka voulait en quelque sorte fuir de ce monde et de lui-même. Il lui semble aussi croire que Felice comprendrais la nécessité de la vie souterraine, et qu'elle sera heureuse, heureuse de la cave, car la cave lui appartiendra à elle aussi.
Un éternel combat où il est impossible de fuir
Il croyait aussi que la cave pourrait suffire à son isolement et lui apporter de l'aide.La cave ! Le vide d'une présence pleine en son retrait, habitable et confortable. Cette conduite semble aussi s'expliquer par la volonté de protéger son travail et par le désir de ne pas tromper sa fiancée sur les conditions de leur avenir commun. (S'il y a jamais un avenir).
L'importance qu'il donne à son travail, c'est-à-dire à l'écriture et plus que tous : «Tu ne pouvais pas voir la puissance qu'a le travail sur moi, tu l'as vue, mais incomplètement... Tu n'as pas été seulement la plus grande amie, tu as été en même temps la plus grande ennemie de mon travail ...»
Dans le conflit de l'écriture et de la vie, Kafka fait de sorte que l'apprentissage dans l'essai obstiné, interrompu, jamais rompu, jamais démenti, de s'unir à Félice, de la rejoindre .Ses relations avec la jeune fille s'établissent d'abord et principalement au niveau des mots écrits.
Comme disait l'écrivain Maurice Blanchot : «Ecrire détruit la vie, préserve la vie, exige la vie, ignore la vie et réciproquement... L'écriture reçoit de la vie, comme la vie reçoit de l'écriture.»Ce qui était pénible à supporter pour Kafka, ce n'est pas le contact d'un visage féminin, mais plutôt, pour lui, l'approche de la conjugalité, et ce qu'il appelle «le mensonge de ses obligations institutionnelles», ainsi que tout ce qu'évoque le mot mariage. Toutes ces choses qui lui inspirent le dégoût.
Un éternel combat où il est impossible de fuir. Un an plus tard après sa séparation de Félice , il se lie à Julie Wohryzeck ; puis la saison suivante, il s'adonne à la passion de Melissa, quand enfin, il demande en mariage Dora Diamant, mais il sera reçu par un hochement de tête d'absolue négation, un refus silencieux.
Avant même que le mariage avec Dora Diamant ne soit récusé, Kafka, passe outre, et, en opposition avec les convenances sociales, arrange avec l'adolescente une sorte de vie commune. Dora a dix-neuf ans, il en a quarante, puis il y a aussi l'énigmatique amie des deux fiancées qu'est Grete Bloch.
Dans une de ses correspondances, Félice lui écrira : «Le mariage nous conduirait à renoncer l'un et l'autre à beaucoup de choses ; nous ne voulons pas peser de quel côté se trouverait le poids le plus lourd ; pour tous deux ce serait beaucoup.»Le vérité est là, elle resurgit dans une de ses réponses : «Une vie commune durable est pour moi impossible sans mensonge, de même qu'elle serait impossible sans vérité. Le premier regard que j'adresserais à tes parents serait mensonger.»
De fiançailles en ruptures et de ruptures en fiançailles. Ecrire aussi ne voulait pas dire exactement pour lui le maintien dans la pureté du cercle fermé, c'est aussi attirer vers le haut des puissances obscures, se donner à leur étrangeté perverse et peut-être... Se lier à ce qui détruit...
Echec interminable de son histoire avec Félice, clarté toujours dérobée sur son avenir d'écrivain...
Les deux mouvements s'indiquent l'un par l'autre. Ils se répètent à des niveaux différents avec la condition d'absence, la rupture, mais dans la rupture, l'impossibilité de rompre.


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