Daech, qui étend continuellement ses tentacules à travers les continents, notamment en Afrique, dans le monde arabe et en Occident, n´est pas sorti de nulle part. Cette organisation terroriste qui rassemble, selon les experts, entre 25 000 et 30 000 hommes en Irak, a réussi, en peu de temps, à avancer sur le terrain pour élargir sa base jusqu´en Syrie. En moins d´une année, Daech a capté les organisations terroristes sévissant localement dans le monde arabe, au Sahel et jusqu´aux réseaux djihadistes dormants en France, en Espagne et dans la plupart des pays d´Europe. Les attaques meurtrières enregistrées durant la seule journée de vendredi en France où Yacine Salhi a failli faire exploser la centrale de gaz de l'Isère, en Tunisie où un jeune étudiant de Kairouan a commis le plus grand carnage terroriste que son pays ait connu, au Koweït et en Somalie où la barbarie humaine a encore fait parler d´elle. Au-delà de l´horreur qu´inspire, cette tragédie humaine, visant des victimes innocentes et un secteur-clé, le secteur-clé de l´économie tunisienne, le tourisme, la question aujourd´hui est d´admettre que Daech a acquis la capacité de frapper fort, n´importe où et n´importe quand. La «stratégie» des Bush au Moyen-Orient Plusieurs hypothèses peuvent être avancées avec plus ou moins de certitude pour expliquer cette réalité dont les causes sont assez lointaines dans le temps et dans l´espace. Il y a le travail d´endoctrinement, de captage et de recrutement qui n´a jamais cessé depuis qu´Al Qaïda, la mère de tous les groupes terroristes, a émergé sur le terrain face à l´occupation par l´ex-URSS d´une partie du territoire afghan. La CIA s´est impliquée dans cette guerre face à l´Armée rouge depuis près d´une quarantaine d´années, en finançant, en encadrant et en formant l´organisation de Oussama Ben Laden au maniement des missiles de type Pershing qui n´étaient pas à la portée de bien des Etats. Avec le départ de l´Armée rouge d´Afghanistan, les «afghans» de tous pays sont rentrés chez eux pour y poursuivre le djihad. En Egypte, au Soudan ou en Algérie, pays qui au début des années 90, a affronté seul ce phénomène qui jouissait, c´est prouvé, du soutien politique et financier extérieur, dans le monde arabe et en Occident. Jusqu´alors, la stratégie mise en place par la CIA excluait l´intervention militaire directe, préférant jouer sur les rivalités internes et régionales pour préserver les intérêts américains, particulièrement au Moyen-Orient, et la «sécurité» d´Israël. La première guerre du Golfe d´août 1991 va livrer tous les secrets de cette stratégie. Poussé à la faute, Saddam Hussein dont l´armée est la plus puissante de la région, sortie aguerrie après 8 ans de guerre avec l´Iran, occupe le Koweït ; l´élite de l´armée irakienne, la Garde républicaine, est encore intacte malgré la puissance de feu de la coalition internationale formée par G. Bush père dont c´est le dernier mandat. Son fils, G. Bush finira le travail en 2003 avec la seconde guerre d´Irak à laquelle prennent part tous les alliés occidentaux. La première conséquence de cette invasion qui a mis le pays en ruine est l´impossibilité pour le pouvoir chiite coopté de Nouri al Maliki de mettre en place un système de gouvernement inclusif et démocratique dosé d´un certain équilibre ethnique. Exclus de la coalition du pouvoir qui a été maintenue même après le départ de al Maliki, les sunnites vont favoriser, directement ou passivement, l´implantation d´Al Qaïda, puis l´émergence de l´Etat Islamique, plus connu sous l´abréviation de Daech.
Le «stratégie» de Sarkozy au Maghreb Le travail de Bush Jr. de redessiner la carte du Proche-Orient est suivi d´une même stratégie en Afrique du Nord et au Sahel, confiée, cette fois, à la France. Nicolas Sarkozy est porteur d´un projet qui séduit la planète : «Le Printemps arabe». Or, les objectifs de la France qui pilotera la coalition internationale en Libye, second pays du Maghreb après la Tunisie, à entrer dans une phase de rébellion en 2011, sont identiques à ceux des Etats-Unis en Irak. Le pétrole bon marché et les programmes de reconstruction pour les entreprises américaines, françaises, italiennes ou espagnoles de ce qui a été détruit. Les budgets de ces Etats occidentaux seront élaborés en partie sur la «part du pétrole et des contrats de construction» obtenus en Irak ou en Libye. 400 milliards d´euros à partager en période de grave économique en Occident ! Dans leur expansionnisme, les puissances occidentales ont ignoré une réalité fondamentale. Avec qui passer ces contrats qui se chiffrent par centaines de milliards d´euros ? L´Irak et la Libye sont devenus des territoires sans représentants, sans Etat et sans armée mais avec des richesses fossiles intactes. Daech, aujourd´hui, exporte du pétrole. Les groupes islamistes en Libye où Daech a installé ses bases dans la région de Derna en fait de même. Les missiles, des engins blindés et la drogue, principale source de revenu du terrorisme, se vendent dans ces pays à l´air libre. Plus de 3000 Tunisiens, autant de Marocains et de jeunes de pays arabes laissés pour compte ont enfin la possibilité d´avoir un salaire variant entre 1500 et 2000 euros dont ils ne pouvaient pas rêver dans leur pays d´origine. Il faut dire que le côté matériel est parfois secondaire. La plupart des recrues du djihadisme ont la conviction que «l´Islam est agressé par l´Occident». Il est déjà très difficile pour les moins fanatiques de croire que Nicolas Sarkozy s´est, comme il le soutenait, «porté au secours de la population de Benghazi», victime des bombardements de Kadhafi. D´ailleurs, cet aspect, le plus important du débat en cours sur la progression rapide de Daech, est tabou. De la responsabilité de la France et des Etats-Unis dans le démembrement des Etats irakien et libyen, aucun «expert» du plateau de France 24 n´en parle. Pourtant, c´est bien l´intervention de la France en Libye qui a radicalisé les groupes terroristes locaux que les armées tunisienne ou libyenne, bien entraînées et suffisamment équipées, auraient pu neutraliser ou du moins en limiter la capacité de nuisance.