Le phénomène de la fraude fiscale a pris de l'ampleur en Algérie. Le manque à gagner est estimé à 200 milliards de dinars par an, selon l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA). Cette association plaide pour la création d'une commission nationale rattachée à la présidence de la République pour prendre en charge cette problématique. C'est dans une salle quasiment vide que les responsables de l'UGCAA ont tenu à présenter hier dans la commune des Eucalyptus (Alger) à la presse nationale l'état des lieux de la fraude fiscale en Algérie. Le chargé de la communication et porte-parole de l'Union des commerçants, El Hadj Tahar Boulenouar, accompagné d'un entrepreneur de la région de Tadjenant, zone commerciale de la wilaya de Mila, Rahim Aich, également président d'une association locale des entrepreneurs, ainsi que le président de la Chambre de commerce et d'industrie de la wilaya de Tipaza, Kamel Bouhenaf, a dressé un état des lieux catastrophique et alarmant sur le phénomène de la fraude fiscale. S'agissant des raisons à l'origine de cette fraude, le conférencier a cité le système fiscal algérien qui ne favorise pas la contribution des commerçants aux ressources locales et favorise l'expansion du commerce informel. Les importateurs sont désignés comme les auteurs de la fraude. Ces opérateurs ne facturent pas leurs marchandises et recourent aux commerçants informels pour écouler leurs produits, tient à signaler le porte-parole de l'UGCCA, qui dit connaître parfaitement le terrain. "Les conséquences financières de la fraude fiscale sont plus importantes que celles estimées par l'Etat. Nous avons eu connaissance d'un chiffre de 70 milliards de dinars, l'équivalent d'un milliard de dollars. Ce chiffre ne reflète pas la réalité", a-t-il indiqué, tout en ajoutant que sur les 1 200 000 commerçants inscrits au registre du commerce, près d'un quart échappe à la fiscalité et recourt à des fausses déclarations. Environ 80% des commerçants ne facturent pas leurs marchandises, soutient-il, et ce, dans l'objectif d'éviter le paiement des impôts. L'entrepreneur de Tadjenant a apporté à l'occasion de cette conférence son témoignage, en avouant que des registres du commerce fictifs existent en Algérie. "Sur les 5000 commerçants que compte la zone d'affaires de Mila, il y a environ 2000 qui possèdent un registre du commerce. Face aux pratiques frauduleuses auxquelles recourent les commerçants non déclarés, les détenteurs de registre du commerce ont fini par procéder à des déclarations fausses et à tricher", signale-t-il. Rahim Aich a affirmé également que les commerçants de Tadjenant, ayant appris la veille la programmation d'une visite d'inspection des agents des impôts, ont tous baissé rideau. "Pendant dix jours, aucun des commerçants de la zone n'a osé lever le rideau, même ceux possédant un registre légal. Car ces commerçants n'ont pas tout simplement confiance en les services des impôts", a-t-il relevé, avant de souligner le rôle des autorités publiques dans la sensibilisation et la vulgarisation de la culture de contribution aux ressources locales. Le représentant de la Chambre de commerce et d'industrie de la wilaya de Tipaza a affirmé que les recettes fiscales de l'Etat sont le résultat des cotisations des salariés et non pas des commerçants (43 milliards de dinars pour l'IRG et 120 milliards de dinars pour les prélèvements de sécurité sociale). Cet intervenant a plaidé pour la réforme du système fiscal, seul moyen, à ses yeux, de favoriser la contribution des commerces.