Le monde va-t-il une nouvelle fois retenir son souffle ? Le jeune dictateur nord-coréen Kim Jong Un, réputé pour ses humeurs changeantes, a menacé hier ses voisins du Sud de frappes militaires «aveugles» s'ils n'arrêtaient pas la «guerre de propagande» diffusée par haut-parleurs de l'autre côté de la frontière. Plus grave encore, le maître de Pyongyang bombe le torse face aux Américains qu'il menace «d'attaque à l'arme nucléaire» s'ils maintenaient un prochain exercice militaire conjoint avec la Corée du Sud. Ce n'est certes pas la première fois que le régime nord-coréen annonce ce genre de scénarios apocalyptiques sans lendemain, habitué qu'il est aux effets de manches. Mais il y a une telle tension ces derniers jours dans la péninsule coréenne que ces menaces doivent être prises au sérieux. A commencer par cette attaque à la mine antipersonnel imputée par Séoul à Pyongyang, le 4 août de ce mois, qui a provoqué la mort de deux soldats sud-coréen complètement mutilés. Le régime de Kim Jong Un a évidemment démenti vendredi avoir joué le moindre rôle dans ces explosions. Insuffisant pour faire baisser la tension puisque Séoul a ordonné cette semaine la reprise de la guerre de propagande à la frontière avec la Corée du Nord, la plus militarisée au monde, appelée «DMZ», en signe de représailles. Le ministère sud-coréen de la Défense a annoncé que les haut-parleurs installés à la frontière allaient reprendre du service pour la première fois depuis 11 ans et diffuser des messages dénonçant les provocations nord-coréennes. Alerte maximum De quoi prendre la menace d'une confrontation directe entre les armées des deux Corées très au sérieux. Pour cause, Pyongyang a exigé que Séoul arrête sa guerre de propagande sous peine de déclencher une action militaire sous forme de «frappes aveugles», selon l'agence de presse officielle nord-coréenne KCNA. Face à la détermination de la Corée du Sud à ne pas se laisser intimider, un dérapage guerrier n'est donc pas à exclure à la veille du 70e anniversaire de la libération de la péninsule après la capitulation du Japon en 1945, dont les célébrations avaient suscité l'espoir d'un début de rapprochement entre les deux Corées. Et comme si cette menace de confrontation ne suffisait pas, le régime de Kim Jong Un, détenteur de l'arme nucléaire, a également menacé hier les Etats-Unis, principal allié de Séoul, d'une «très forte riposte militaire» si l'exercice conjoint annuel à grande échelle prévu à partir de demain lundi était maintenu. Il y a assurément une grosse tension dans l'air pourri entre les deux Corées qui sont officiellement encore en guerre depuis l'armistice de 1953. Des dizaines de milliers de soldats sud-coréens et américains seront mobilisés pendant deux semaines pour cette manœuvre militaire qui se déclinera sous forme de plan de riposte - par ordinateur - à une invasion de la Corée du Sud par le Nord. Chaude tension à «DMZ» Cette opération est vécue par Pyongyang comme une guerre froide de Séoul en attendant le déclenchement des hostilités sur les champs de bataille. Signe de ce regain inquiétant de tension, le régime nord-coréen a décidé de retarder depuis hier de 30 minutes son heure officielle, pour se démarquer de l'heure imposée par le colon japonais après l'invasion de la péninsule en 1910… La célébration du 70e anniversaire de la libération de la péninsule qui aurait dû être une occasion pour les deux Corées de faire des pas vers la réunification risque ainsi de virer à l'escalade militaire. Le régime fermé de Pyongyang, fortement soutenu par la Chine qui n'apprécie pas la présence militaire des Etats-Unis dans la région, constitue le dernier vestige de la guerre froide. Son dirigeant Kim Jong Un ne rate aucune occasion pour faire une démonstration de force et étaler ses missiles, menaçant régulièrement ses frères ennemis du Sud de les réduire en poudre. Faut-il pour autant le prendre au sérieux ? Si jusque-là il s'est contenté de déclarations explosives destinées à mobiliser ses troupes, il ne faudrait pour autant pas ignorer sa capacité à (r)allumer le feu. Soumis à un embargo international étouffant additionné aux défections en série dans ses rangs, le régime commence à paniquer. Les exécutions publiques de certains hauts responsables sont le signe d'un désarroi que pourrait expliquer cette rhétorique belliqueuse.