Diplômé de l'Ecole nationale d'administration, il a occupé le poste de cadre supérieur au ministère de la Culture durant de longues années. Membre du Conseil national économique et social, professeur du patrimoine culturel, il est aussi producteur d'émissions de télévision. Il a été, également, président du Conseil national de la musique et commissaire général du Festival national de la chanson chaâbi et aussi chanteur de chaâbi. Actuellement, commissaire du Festival culturel national de la poésie du melhoun et président du Conseil national des arts et des lettres, Abdelkader Bendamèche a, à son actif, plusieurs ouvrages consacrés au patrimoine culturel algérien, tels que les Grandes figures de l'art musical en Algérie, en trois tomes, plusieurs œuvres sur la vie et le parcours d'artistes algériens. Abdelkader Bendamèche revient avec nous dans cet entretien sur l'origine du Festival de la poésie melhoun et sur le travail de la commission du Conseil national des art et des lettres. Le Temps d'Algérie : Peut-on parler de l'origine de ce festival, ou comment l'idée est-elle venue pour son organisation ? A. Bendamèche : Le Festival national de la poésie populaire, dédié à Sidi Lakhdar Benkhlouf, est une vieille idée qui existe depuis 1982. En effet, cette année-là, j'avais participé à la création d'un petit festival local en hommage à ce chantre de la poésie melhoun, mais le festival se faisait de manière locale et non dans le cadre des festivals institutionnalisés, créés par le ministère de la Culture. De là, on a eu l'occasion d'instituer un festival national, ce derniers existent depuis 2006. J'ai eu l'occasion de diriger un festival national de la chanson chaâbi de 2006 à 2012 et c'est à partir de cette date qu'on a institué un festival national de la poésie melhoun. C'est la 3e édition consécutive et on a tenu à y introduire le livre, la revue, le film… Tous les moyens d'expressions qui durent à travers les générations. Pensez-vous qu'avec un festival dédié à la poésie melhoun, cela contribuerait à sa promotion et au développement de cet art ? Bien sûr. L'une des grandes missions du festival est la contribution et la sauvegarde du melhoun et sa propagation, sa définition de façon technique aussi. Ce festival est aussi l'occasion de parler des grandes lignes, les grandes ramifications du melhoun dans son histoire, dans sa composition, dans les modes qui existent à l'intérieur de sa poésie. Il ne faut pas que le melhoun, qui recèle une grande histoire truffée de richesse historique, soit oublié. C'est pour cela que j'ai tenu à ce que, pour cette édition, on diminue le budget consacré aux divertissements (musique, grand repas…) et à la place, édite des livres, des diwans de poètes aujourd'hui inconnus et qui n'ont pas l'occasion ou les moyens de publier leurs livres. Donc à partir de cette année, les jeunes poètes du melhoun pourront présenter leurs ouvrages qui seront édités gratuitement par le festival ? Effectivement. L'institution du festival, comme beaucoup d'autres festivals, doit se présenter chez les éditeurs pour éditer des livres et revues du festival et c'est toujours difficile de se faire comprendre par l'éditeur ! Donc, à partir de cette 3e édition, on a décidé de devenir éditeur et distributeur nous mêmes avec le noble but de préserver et porter le riche patrimoine poétique algérien. Y-a-t-il un engouement des jeunes pour la poésie du melhoun ? Oui, il y a un énorme engouement des jeunes pour cette poésie populaire. Ils s'expriment avec liberté et ont confiance en eux dans cette forme d'expression culturelle et artistique. C'est une muse à laquelle ils s'adonnent, qu'ils choient et adulent et qu'ils subliment à travers le verbe et la richesse de la langue. A chacun son don et à chacun de le découvrir. Une fois trouvé, il faut avoir confiance en soi et se donner les moyens de concrétiser son rêve. Les artistes sont choisis dans la société, ce n'est pas n'importe qui, qui peut créer le beau. Toute expression artistique a un dénominateur commun, c'est l'art, le don et la passion. Le melhoun, s'est-il modernisé à travers le temps, surtout par la nouvelle génération qui veut y introduire sa touche ? Le melhoun est un langage, c'est une expression populaire. On a l'arabe, classique, la poésie classique, on a aussi l'expression populaire. Cette poésie est ancienne avec un bâtisseur de fer au nom de Sidi Lakhdar Benkhlouf, poète, sage, anthropologue et combattant algérien qui a vécu plus de 126 ans. Ce chantre de la poésie melhoun a voyagé à travers trois siècles. Il est né à la fin du XVe siècle, a vécu tout le XVIe siècle et est mort au début du XVIIe siècle. Le prophète Mohamed, QSSSL, nous dit, de «s'adresser aux autres avec le langage qu'ils comprennent», donc les poètes populaires d'avant sont partis sur cette base. Les grands poètes populaires ont parlé le langage des gens qui les écoutaient. Benkhlouf s'exprimait dans tous les domaines de la vie, mais surtout, il consacrait beaucoup de poèmes à la mouvance islamique, toute l'histoire de notre religion, son amour pour la nation, pour le prophète Mohamed QSSSL, pour notre Créateur, pour la langue. Tous les préceptes de l'islam sont consignés dans les poèmes de Benkhlouf et des autres aussi. Car en effet, ce barde était le premier poète de melhoun. Bien d'autres ont émergé après lui. Aujourd'hui, en Algérie, on trouve des jeunes, talentueux à l'exemple de Yacine Ouabed, khaled Yacine Chahlal, Bachir Touhami… le livre de ce dernier a d'ailleurs été édité cette année par le festival.
Est-il possible de délocaliser le festival de Mostaganem à Alger ? On ne peut pas le déplacer à Alger, car il a été créé pour la région de Mostaganem. On peut en parallèle organiser d'autres événements dans d'autres wilayas du pays mais le Festival de la poésie melhoun doit rester à Mostaganem, sur les lieux de son histoire.
En tant que président du Conseil national des art et des lettres, que comptez-vous apporter pour améliorer la situation de l'artiste et de l'écrivain algérien ? C'est difficile et très dur. Moi et les membres du conseil, qui vient de se reconstituer pour encore trois années, avons un grand travail à faire pour améliorer la situation de l'artiste algérien. Il y a des travaux d'urgence qui ont été faits. La sécurité sociale pour les artistes est acquise. C'est sorti dans un décret publié au Journal officiel. On est là pour aider l'artiste et faire comprendre aux différentes institutions de l'Etat la nature de son travail.
Quelles sont les critères sur lesquels vous vous appuyez pour attribuer la carte de l'artiste ? Tout d'abord, il faut présenter une fiche de renseignements qui nous servira pour le service national. Une deuxième fiche est nécessaire, celle qui comporte les documents officiels, extrait de naissance… Mais la pierre angulaire de la reconnaissance de l'artiste, c'est son CV. C'est-à-dire le produit de l'artiste. Ce dernier passe par une commission de validation qui évalue le produit. La première commission s'est arrêtée le 1er juin. Elle a travaillé sur beaucoup de dossiers et la deuxième reprendra le travail le 10 septembre prochain. Cependant, il y a beaucoup de dossiers qui ont été rejetés car il n'est pas donné à tout le monde d'être artiste. La reconnaissance de l'artiste, on l'a délivre par une carte, mais que veut dire réellement cette carte ? Historique, elle veut dire que l'Etat algérien, indépendant depuis 1962, reconnaît pour la première fois le statut de l'artiste. Cet élément utile pour la société n'existait pas juridiquement. Aujourd'hui, l'univers de l'artiste dans toute sa diversité est reconnu en Algérie. Un grand chantier reste à réaliser… Il faut faire un travail de recensement dans toutes les catégories (combien de peintres, de comédiens, de chanteurs…). C'est un point très important…
Quels sont vos projets, mis à part le diwan que vous finalisez sur Sidi Lakhdar Benkhlouf ? L'ouvrage sur Benkhlouf est terminé, je viens juste de peaufiner les derniers détails. En ce moment, dans ce tumulte du festival, je trouve la paix. Je suis en train d'écrire sur Cheikh El Badji. C'est un ouvrage complètement différent des autres… En même temps, je termine aussi d'autres livres qui vont sortir vers la fin de l'année en cours, en plus d'un 4e tome du livre les Grandes figures de l'art musical en Algérie, tous édités chez l'Enag.