Ecrivain, journaliste, spécialiste de théâtre, Rolf C. Hemke a travaillé comme dramaturge au Theater an der Ruher/Muleheim an Der Ruher en Allemagne, son pays d'origine. Depuis 2007, il assure la direction artistique du festival Thearterlandschaft (paysage de théâtre) en Allemagne dont le thème actuellement est le théâtre arabe. L'écrivain chercheur et globe-trotter a déjà consacré plusieurs livres au théâtre sud-africain. Rencontré récemment lors de la présentation de son livre, Théâtre dans le monde arabe, il a accepté de répondre à nos questions. Le Temps d'Algérie : Parlez -nous de votre ouvrage ? Rolf C.Hemke : Cet ouvrage a été publié en 2013 en allemand et en anglais par la maison d'édition Theatre der Zeit à Berlin en Allemagne, puis a été traduit en français par Mohamed Moumen avant d'être édité en Tunisie en 2015 chez Sud Editions. C'est un ouvrage collectif qui rassemble divers articles recueillis et écrits à l'ombre des bouleversements politiques et sociaux qui ont bouleversé les pays arabes depuis 2010. Il parle du théâtre contemporain à travers les portraits d'une vingtaine de metteurs en scène, choisis sans aucun prétexte théorique, mais seulement basés sur mes propres recherches pratiques depuis 2010. Ce livre voudrait esquisser un panorama, un tour d'horizon, certainement subjectif des travaux de création théâtrale pratiquée dans le monde arabe dans ces temps tumultueux, contradictoires et tragiques qu'il est en train de vivre. Il questionne également le lecteur sur la position du théâtre dans les périodes de guerre.
Pourquoi vous intéressez-vous au théâtre arabe? D'abord, c'est à cause de ma curiosité des cultures étrangères. Cela a commencé durant mes études où j'œuvrais déjà en tant que critique théâtral. Ma passion est le voyage, la découverte des cultures étrangères, et le théâtre était toujours bien véhiculé dans les cultures que je découvrais. Déjà étant journaliste de 1991 à 2002, et durant mes études et bien après, le théâtre occupait une place importante pour moi. Ce temps-là, j'avais beaucoup voyagé, surtout en Egypte et en Tunisie, et aussi dans les pays sub-saharien, au Sénégal, en Mauritanie, en Afrique du sud... Ce livre, c'est aussi ma curiosité envers les rencontres que j'ai faites avec de nombreux hommes de théâtre. C'est une expérience très riche, qui rehausse et prolonge notre curiosité, en sort un peu du contexte du théâtre, dans sa boite noire. Le théâtre a d'autres importances, mineures mais partiellement pesantes dans la société. Chez nous en Allemagne, le théâtre est très représentatif ; même en politique, il est riche et doté d'éducation, sa place dans la société est très importante. Ici en Algérie, j'ai vu que le théâtre, après la décennie noire, avait une toute autre fonction sociétale, il rend un peu plus laïc, plus libre.
Pensez-vous que le théâtre peut influencer les mœurs de la société ? J'espère que oui, mais cela dépend aussi des sociétés où l'on vit. En Allemagne, je peux fortement répondre oui. En Tunisie aussi, à Béjaïa, je pense que oui, à Alger je ne peux me prononcer car je ne connais pas bien la société algéroise, encore moins son théâtre. Le théâtre se nourri de l'ouverture sociale...
Combien de temps vous a-t- il fallu pour récolter toutes les informations nécessaires pour réaliser cet ouvrage ? Je voyage beaucoup, je passe quelque chose comme 3 à 4 mois par an à l'étranger. J'assiste à beaucoup de festivals, rencontres, conférences. Ce livre est vraiment une photographie du moment. Il y a le portrait d'une vingtaine de metteurs en scène issus d'une dizaine de pays différents, du bassin méditerranéen mais aussi du Koweït, d'Irak, d'Egypte. On voulait aussi rendre le livre accessible en y mettant les annexes avec toutes les adresses et les contacts relatifs aux personnalités citées dans le livre ainsi qu'aux institutions culturelles de chaque pays, et c'est un travail exhaustif, précis qui demande du temps, mais qui reste très utile.
Pensez-vous le rééditer en Algérie et le traduire en arabe ? S'il y a intérêt, oui. Il faut aussi en discuter avec la maison d'édition tunisienne Sud Editions. Il y a aussi intérêt à le publier en arabe. Sérieusement parlant, c'était un projet qui aurait dû être édité en arabe et français en même temps…
Donc une traduction en berbère serait illusoire… Non, on peut tout faire. On peut le traduire et l'éditer dans toutes les langues du monde, c'est juste une histoire de financement, c'est là, la vraie question…
Avez-vous pensé à écrire une pièce théâtrale, ou faire une production avec le théâtre algérien ? Je suis plus dramaturge dans le théâtre. Ce n'est pas dans le sens que je n'écris pas des pièces, mais je les prépare. Je prends un texte classique et j'en fais une relecture, transférer des scènes du début vers la fin, des choses de ce genre. Moderniser, c'est ça mon travail dans le théâtre. Je ne suis pas quelqu'un qui écrit ou met en scène. L'année dernière, avec le théâtre d'Allemagne, on a monté une grosse production avec la compagnie turque. La aussi, il faut être clair, c'est toujours une question de financement, de moyens. Le théâtre en Allemagne est subventionné par l'Etat et notre budget est très lourd. Si le ministre de la culture algérien donnait un budget plus conséquent à Omar Fetmouche pour son festival, il serait en mesure certainement d'assurer une telle production.
Que pouvez-vous dire sur le théâtre algérien ? Il y a de grandes qualités dans le théâtre algérien. A Béjaïa, j'ai pu découvrir de magnifiques spectacles, un théâtre de rue, j'ai aussi remarqué l'intérêt que porte le public boujiote à cet art. Cependant, il faudra faire la différence entre un théâtre algérien fait pour les algériens et un théâtre algérien qu'on peut exporter à l'étranger. Ce sont deux qualités différentes et utiles si on veut prospérer.