Elle ne savait sûrement pas ce que qu'était un syndicat ni ce qu'était la fédération de France. Elle n'avait pas adhéré au FLN mais tout comme Baya Hocine et Hassiba Ben Bouali, qui avaient rejoint la zone autonome pour combattre le colonialisme français, l'âme révolutionnaire l'habitait déjà alors qu'elle n'avait que 15 ans. Elle, c'est Fatima Bedar, cette jeune fille qui était à Paris où habitaient ses parents, le 17 octobre 1961. La jeune collégienne ne pouvait rester de marbre devant le massacre des centaines d'Algériens sortis manifester pacifiquement et massacrés par les policiers qui agissaient sous les ordres de Maurice Papon. En ce jour, Papon, le tortionnaire, Papon le sanguinaire avait donné l'ordre à ses policiers d'user de tous les moyens, même en les jetant dans la seine, pour faire taire les manifestants algériens qui ne demandaient que leurs droits. A la vue de ces massacres, la jeune collégienne ne pouvait que rejoindre ses frères pour crier haut sa colère. Les policiers de Papon n'ont pas eu de pitié pour la jeune fille, malgré son âge, et la jetèrent également par-dessus la seine. Fatima Bedar ne savait sûrement pas que la haine de Papon et de ses policiers n'avait pas de limite et ne faisait pas de différence entre un homme et une femme, un vieillard et une jeune fille, venus pourtant tous, ce jour-là, pour manifester pacifiquement dans les rues de Paris. Fatima Bedar étudiait au collège commercial et industriel de Stains à St-Denis. En ce jour dramatique, la jeune fille qui est allée rejoindre ces Algériens qui manifestaient n'est pas revenue, alors que sa mère, Djida, lui avait demandé de garder ses frères et sœurs. Née le 5 août 1946 à Béjaïa, Fatima Bedar a rejoint son père Hocine qui travaillait chez Gaz de France mais ne savait pas que les policiers de Papon étaient aussi sanguinaires que les soldats de Bigeard et Massu. Elle ne savait pas aussi que la France allait également instaurer un couvre-feu aux Algériens même à Paris. Elle ne le saura que le 17 octobre 1961 en voyant comment les policiers allaient s'attaquer à des Algériens qui manifestaient pacifiquement sans haine ni arme. Sa seule présence parmi la foule lui coûtera sa vie car les ordres de Maurice Papon avaient été exécutés sans aucun état d'âme. Enterré en France, le corps de Fatima Bedar a été rapatrié, il y a dix ans, le 17 octobre 2006, pour reposer définitivement au cimetière des chouhada de Béjaïa (Tichy).