Des hôtels en attente d'hypothétiques clients, des terrasses de restos désespérément vides, des magasins qui ont du mal à accrocher en dépit des soldes… C'est ce que remarque le visiteur qui met les pieds cet été pour la première fois à Béjaïa. Des vacanciers, il en manque vraiment cette année. Ils ont tourné le dos à un littoral qui fut il n'y a pas si longtemps que ça «la côte du saphir». A Tichy, destination de choix d'une certaine catégorie d'estivants, les commerçants qui se frottaient les mains en espérant faire une saison pleine avec un «été complet» pour reprendre les termes de l'un d'eux, ont vite fait de perdre leurs illusions. «Sur les quinze couverts de dispo, je n'ai servi que trois clients et ce, pendant toute la journée», déplore le gérant d'un restaurant du centre de cette station balnéaire. Sur sa terrasse, des assiettes sagement posées sur des nappes rouges d'une impeccable netteté, attendent d'improbables clients. «La sandwicherie c'est ce qui marche le mieux. Le touriste de classe moyenne qui avait ses habitudes ici chez nous a tourné le dos», nous confie un garçon de salle de l'hôtel Les Hammadites. Ce complexe hôtelier était il y a quelques années, un rendez-vous inévitable. Cette année, en dépit d'une politique fondée sur une offensive commerciale tous azimuts, l'hôtel qui dépend de l'EGT arrive difficilement à intéresser les touristes. «Même les tarifs concurrentiels pourtant, n'ont réussi à canaliser qu'un nombre réduit de vacanciers», regrette-t-on encore. A pareille époque, les hôtels de la côte affichaient complet pour tout le mois d'août. Ce n'est plus le cas maintenant. Les intentions de séjour fléchissent de jour en jour. Mais à quoi donc est due cette désertion ? A en croire certains hôteliers et restaurateurs, la sérénité retrouvée sur les côtes voisines de Jijel associée à l'agitation de la rue béjaouie viennent en tête des facteurs ayant généré cette perte d'attractivité pour les côtes de la wilaya. «Les axes routiers ont été fermés plus de cinquante fois depuis début juillet. Comment espère-t-on attirer un grand flux de vacanciers avec cette situation, d'autant que les réseaux sociaux n'épargnent pas les responsables sur l'état hygiénique dans lequel se trouve la wilaya ?», s'interroge un tour-opérateur bien en vue au quartier La Pépinère. Il est vrai que les villes de Béjaïa offrent un spectacle des plus repoussants avec un service de nettoiement des plus paresseux. Des ordures jonchent pratiquement tous les quartiers du chef-lieu de wilaya. La propreté et la sécurité des plages viennent, en effet, conforter cette opinion, d'autant qu'aucune plage n'a été nettoyée cette année. Ceci, sans compter le racket opéré par les gardiens de parking. Pour déguster une glace au rond-point du Vieux Bougie, il faut débourser 200 DA. «Cent dinars pour le gardien de parking et cent dinars pour le cornet de glace», se plaint un groupe de jeunes oranais venus «juste faire connaissance avec Yemma Gouraya». Même la place Guyedon qui offre une vue imprenable sur le golfe de Béjaïa est boudée par les visiteurs. Et les raisons ne manquent pas. «Regardez derrière la balustrade et vous comprendrez», nous invite un riverain. Des déchets en tout genre moisissent au soleil laissant s'échapper des odeurs insupportables de putréfaction. Le projet de rénovation de cette mythique place est tombée à l'eau en raison de l'opposition d'une association de quartier qui a eu la cocasserie d'exiger des services municipaux de déboulonner les bancs publics où viennent se reposer les visiteurs. Elle a même réussi à bloquer les travaux par l'ex-wali, laissant le sol à ce jour en chantier. Pour de nombreux tour-opérateurs, on a tout fait pour détourner les vacanciers de Béjaïa. Ce warning était déjà dans l'air du temps, il ne fait que se confirmer cette année. Les réseaux sociaux ont fait le reste. Des sites spécialisés en info locale épinglent chaque jour, en effet, les responsables de la wilaya avec photos à l'appui. «Qu'est-ce qui a été fait pour le plan de circulation de la ville ? Qu'est-il advenu du projet de l'échangeur ? Et de la pénétrante dont a dit qu'elle sera livrée à moitié en juillet ?», se demande un voyagiste bien en vue au quartier La Pépinière. Ces projets auraient pu contribuer à faciliter la circulation des vacanciers, soutient-il.