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Les «m'naouliyate» de Constantine, un talent rare au service d'un art de vivre
Publié dans Le Temps d'Algérie le 03 - 08 - 2009

S'il peut arriver que leur talent de cordon bleu soit quelquefois contesté – encore que cela reste rarissime – ce n'est pas du tout le cas de leur intarissable faconde qui, elle, est parfaitement reconnue, faisant que l'on s'en gausse parfois à loisir à Constantine.
Qu'on le trouve amusant, ennuyeux, méchant ou désespérant, le phénoménal bagout des «m'naouliyate», ces femmes que l'on recrute dans la ville des ponts et sa région pour préparer les repas de fêtes, est devenu légendaire sur le Vieux Rocher.
Au point, d'ailleurs, où tout groupe d'individus surpris en plein commérage est invariablement taxé (à tort) de m'naouliyate, un peu à la manière des «tayabate el hammam» dans d'autres régions du pays. Avec cette différence, toutefois, que les m'naouliyate, elles, sont très loin d'être des commères ou des femmes médisantes s'occupant de ce qui ne les regarde pas.
Leur volubilité est plutôt tournée vers leur métier, les découvertes qu'elles font en l'exerçant, les égards avec lesquels elles sont accueillies et tout ce qui touche à la préparation de ces mets si particuliers qui font l'orgueil de Constantine.
Un savoir-faire et un savoir-vivre centenaires
Persifleuses ? Sans doute, mais pour la bonne cause. Mais s'agit-il pour autant d'une réputation qui remet en question leurs talents de cuisinières expérimentées et leur statut d'éléments incontournables dans les réjouissances de la cité du malouf ? Sûrement pas.
A Constantine, depuis plus de cent ans, les familles aisées et même celles qui le sont un peu moins font appel au savoir-faire des m'naouliyate pour la préparation des repas de fêtes.
Au fil des décennies, ce qui était une nécessité – les membres de la famille avaient autre chose à faire qu'à se confiner en cuisine – devint un art de vivre, une sorte de raffinement à l'aune duquel l'on mesurait la position de la famille dans la société.
Plus la m'naouliya était réputée, plus la famille était cotée dans la hiérarchie sociale. A l'inverse, conscientes du rôle qui leur était désormais dévolu, à leur corps défendant, dans la détermination du statut social des grandes familles constantinoises, les m'naouliyate en tirèrent tout naturellement des dividendes.
Aujourd'hui, les «prestations» des plus connues d'entre elles, voire leur seule présence devant les fourneaux, a un prix. Et il est loin d'être à la portée de toutes les bourses.
Stars des grandes fêtes
Elles sont devenues les véritables «stars» des grandes fêtes du Rocher et les invitées, au cours de leurs papotages, sont aussi curieuses de savoir qui a cousu et passementé la gandoura Fergani de Madame untel, que de connaître l'identité de la m'naouliya qui a préparé les «ch'bah essefra», ce mets coûteux à base d'amandes et de noix, qui flattent délicatement leurs papilles !
Généralement bien habillées, souvent chamarrées de bijoux (foin de la toque et du tablier !), les m'nalouliyate de Constantine, les authentiques qui constituent les chaînons d'une lignée et qui tiennent à leur statut de «beldiyate» (citadines), s'acquittent de leur métier comme d'un sacerdoce. Khalti Djamila est de celles-là et ça s'entend. En chants et en directives : «Kharjouli zouj sbaya... wahda fnaaar lokhra chamaâ dawwaya... dak ennahar.
Déplace donc un peu le couvercle !», tonne khalti Djamila, la m'naouliya chargée de préparer le repas de noces de Badro, le cadet «chouchouté» d'une grande famille de Sidi Mabrouk sur les hauteurs de Constantine. Après avoir rappelé à l'ordre son «apprentie», Djamila, la soixantaine, alerte, se remit tout naturellement à sa complainte : «dak en nahar».
Elle est l'une des m'naouliyate les plus cotées à Constantine. Fille de Sidi Djellis, d'une lignée de «cordons bleus» qui remonte à Salah Bey, sa carrière de grande confectionneuse de repas de fêtes (mais aussi de «grande chroniqueuse») remonte à une quarantaine d'années lorsqu'elle avait reçu le témoin de sa regrettée mère, M'ma Halouma, une autre icône à Constantine.
Assise, altière, sur un petit banc en bois, doublé d'un coussin aplati, khalti Djamila, la gandoura retroussée jusqu'aux genoux et ramassée en dessous d'elle, dans une posture pleine d'aisance et de sérénité, règne sans partage sur sa jeune apprentie et sur l'impressionnante panoplie d'ustensiles qui l'entourent de toutes parts.
La «nouba» des fourneaux
Et elle reprend de plus belle sa mélodie en dandinant la tête avec nonchalance et en agitant sa main à la manière d'un maestro dirigeant son orchestre.
Une façon bien à elle de participer aussi, depuis son espace réservé, à la fête qui bat son plein, de l'autre côté de la demeure, et que des enceintes acoustiques diffusent à pleins décibels.
Mais pour toutes celles et ceux qui côtoient «bit enoual» (l'espace cuisine de circonstance), la fête, l'autre «nouba», c'est khalti Djamila qui l'anime par ses belles envolées lyriques puisées du patrimoine du malouf. Plus la mélodie s'élève, plus l'assistance est captivée. Khalti Djamila ne tarde pas à entrer en transe rien qu'en chantant : en d'autres termes, «tet'khammar». Les marmites qui bouillonnent, sifflant à qui mieux-mieux, semblent accompagner les jeunes danseuses qui surgissent soudain de leur courette pour participer aux réjouissances.
Une façon d'affirmer que la fête n'est pas du seul apanage des maîtres de céans et de leurs invités.
De temps en temps, M'ma Z'heira, la propriétaire des lieux, jette un œil depuis le seuil de la cuisine, histoire de s'enquérir de l'avancement de la cuisson et s'assurer que tout va pour le mieux et que la m'naouliya ne manque de rien. Non, khalti Djamila ne manque de rien.
La preuve? Les mets mijotant tranquillement pour un bon bout de temps encore, la m'naouliya invite les jeunes filles du «service vaisselle», muées pour un temps en danseuses, à s'asseoir autour d'elle, s'assure que tout le monde est tout-ouïe, et entame son one woman show :
«Ce aârs (fête), c'est bien, tout a été bien planifié, mais l'année dernière, mes filles, chez M. et Mme untel, puis la semaine suivante chez le couple untel, même le poivre, il fallait hurler pour l'obtenir !»
Et ça continue : «L'année d'avant, au lieu de la journée convenue, je suis restée encore quatre jours dans la famille X, tellement ils ne voulaient pas me lâcher, il faut dire que les convives s'étaient régalés.»
Le monologue, ponctué de hochements de tête respectueux, dure ainsi jusqu'à ce que le riche repas, constitué d'au moins cinq plats, soit prêt à la dégustation.
C'est l'autre «génie» de khalti Djamila. Un génie qui fait son charme autant que ses talents de maître-queux.


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