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La bombe, quoi qu'il en coûte à l'Algérie
Exclusif : Le rapport confidentiel des essais nucléaires français au Sahara
Publié dans Le Temps d'Algérie le 17 - 02 - 2010

Classé «confidentiel défense», le rapport sur les essais nucléaires français entre 1960 et 1996, dont nous détenons une copie, trace les étapes qui ont permis à la France de se doter de l'arme nucléaire.
Ecartée du projet Manhattan développé par les américains, la France se devait d'assurer sa position de nation dominante après la seconde guerre mondiale qui a vu l'émergence de deux nouvelles puissances : les Etats-Unis et l'Urss. La première avait déjà expérimenté sa bombe dans le désert du Nevada, puis par deux fois sur le Japon, la seconde a pu la fabriquer quelques mois après la fin des hostilités avec l'Axe.
Restait la France qui disposait d'un empire colonial comprenant des possessions en Afrique et en Asie qu'il fallait préserver de la«cupidité» des autres puissances. Les théories militaires en vogue après l'explosion d'Hiroshima et de Nagasaki mettaient en exergue le fait qu'une nation ne peut jouer un rôle majeur dans les relations internationales que si elle dispose du feu nucléaire.
Dans les années 1950, le général Ailleret parlait de «dissuasion proportionnelle» dans le petit cercle d'officiers français acquis à l'idée que leur armée devait se doter de la bombe pour faire contrepoids aux autres nations qui l'ont déjà.
Aussi, par étapes successives va se mettre en branle le programme nucléaire français qui aboutira aux premiers essais nucléaires dans le Sahara algérien.
Ce sera le tir atmosphérique des 4 «gerboises» qui ont explosé entre 1960 et 1960 à Reggane, au lieudit Hammoudia. Il s'ensuivra l'explosion souterraine de 13 autres bombes de différentes puissances dans le massif d'In Ekker, à quelque 150 kilomètres au nord de Tamanrasset.
Dans ce rapport épais de 260 pages, les rédacteurs reviennent sur un ensemble de questions scientifiques, principalement les conséquences des retombées radioactives sur l'environnement.
Le document fait part des études menées dans ce sens sur la pollution des nappes souterraines et les eaux de ruissellement (oueds) et dresse un bilan radiologique de l'ensemble de ces expériences, avec une série de relevés dosimétriques sur les équipements, les hommes et les objets.
En somme, un bilan qui permet d'étudier l'ensemble des phénomènes liés aux retombées d'une explosion nucléaire de quelque puissance qu'elle soit. Forcément, ces études ont servi à doter la France de précieuses connaissances sur la Bombe, d'abord pour en prémunir ses populations dans le cas d'un conflit nucléaire, ensuite pour répliquer à toute attaque où seraient utilisées des armes atomiques.
Dans le cas qui nous concerne, ce sont les conclusions sur les expérimentations nucléaires au Sahara qui méritent d'être relevées eu égard aux nombreuses remarques et annotations contenues dans ce rapport.
La France peut utiliser la bombe
L'élaboration du programme nucléaire a eu lieu entre 1955 et 1958. Le président du conseil, Edgar Faure déclara en 1955 ceci : «Nous voulons que la France devienne une grande puissance atomique, et dans cette phase de développement, nous entendons mettre l'accent sur toutes les possibilités pacifiques qu'offre l'énergie atomique en matière de réalisations industrielles.
Notre position ne signifie d'ailleurs pas que la France renoncerait à utiliser éventuellement pour sa défense les moyens qui résulteraient du développement des recherches et des installations atomiques». La messe est dite, et la course contre la montre va bientôt commencer.
Félix Gaillard autorise le 11 avril 1958 les opérations matérielles conduisant à l'organisation d'un tir nucléaire dans le cours du premier semestre de l'année 1960.
Le plus fervent des partisans de la bombe française, le général Ailleret, se rend en mission à Reggane explorer le site qui devait servir aux premiers essais nucléaires. Le rapport de mission est favorable à ce choix puisqu'il indiquera que, «du point de vue technique, et en dehors de toute évaluation ou prévision d'événements politiques futurs, il semble que seule la région du Tanezrouft se prête à l'établissement d'un polygone d'essais atomiques».
Très vite, on va forer des puits, installer des baraquements et, dans le même temps, il sera procédé à la création par décret d'un centre saharien d'expérimentation militaire.
Ce sera sur le site de Hammoudia, une élévation d'où l'on pouvait dominer toute la zone prévue pour l'explosion de la bombe. Le rapport donne les détails techniques des installations (souterrains, blockhaus, tourelles de contrôles, consistance physique des bâtiments et abris et nombre d'autres indications sur le polygone.
Plus important, il rend compte des débats entre le général Ailleret et les scientifiques à la veille de l'explosion de la première Gerboise : si le vent venait à tourner vers Reggane, située à 50 km du point d'impact, que risquerait la population ? Sûr de lui, l'officier français releva que le Tanezrouft n'est pas aussi encombré que le Nevada où eurent lieu les premiers essais nucléaires américains.
Un rapport rédigé pour la circonstance minimisera les craintes en s'appuyant sur de pseudo-conclusions scientifiques. En fait, l'objectif est d'accélérer les préparatifs car changer d'endroit équivaudrait à mettre plusieurs mois de retard. Ce que refusent d'emblée l'oligarchie militaire et les politiques dont le prestige et l'aura avaient été sérieusement écorchés par la résistance armée du FLN/ALN.
Des doses au-dessus de la norme
Le 13 février 1960 explose Gerboise bleue. Les américains installés dans leur base libyenne de Welus relevèrent une radioactivité anormale, mais ceci n'inquiètera pas les français qui, au contraire, montrèrent leur satisfaction quant à la réussite de leur premier essai atomique.
L'expérience, note le rapport, fut tellement concluante que l'on fit procéder, le 1er avril 1960, au tir de la seconde Gerboise. Un cratère immense se crée et une pollution très importante est relevée. Sans inquiéter les militaires qui accélèreront les préparatifs pour les autres essais.
«Les études de décontamination de l'eau montrèrent l'importance des produits de fission jeunes et que l'eau était toujours moins contaminée qu'on pouvait le prévoir», indique le rapport en précisant, entre autres, qu'il a été admis que «les doses (de radiations) acceptables pour les travailleurs professionnels exposés, ou le personnel participant (0,3 r/semaine 3r/trimestre) peuvent être étendues aux personnels auxiliaires tant militaires que civils y compris les PLBT».
Plus troublant, il relève ceci : «La règle de 7% (pourcentage maximum de population susceptible d'être exposée) serait facilement respectée étant donné d'une part la diversité du recrutement du contingent et des PLBT, et d'autre part, le petit nombre d'employés civils susceptibles d'être irradiés.»
Les discussions entre scientifiques et politiques sont reprises dans le document qui révèle qu'après la série d'explosions atmosphériques, il a été suggéré la publication de données minimisant les risques de contamination et d'irradiation nucléaires.
Le souhait du gouvernement est que l'on démontre «scientifiquement» que «les risques encourus par la population sont pratiquement nuls» car il fallait bien rassurer les pays riverains (le Maroc et la Tunisie) qui s'opposent aux expériences atmosphériques (le FLN le fera d'ailleurs en organisant dans les villes du sud, à Ouargla notamment, des manifestations, qui furent réprimées par la Coloniale, ndlr).
Le 19 avril 1962, une explosion accidentelle survint à In Amguel dans une cuve proche d'une source de 25 grammes de plutonium.
Dix personnes sont blessées ; elles seront transférées à l'hôpital Percy pour un «meilleur suivi radiologique». On ne sait pas ce qu'il est advenu d'elles.
Le rapport revient par la suite sur les raisons qui ont prévalu lors du choix d'In Eker pour la suite du programme nucléaire.
Le site est resté ouvert jusqu'en 1966. Il sera procédé au tir de 13 bombes de différentes puissances au cœur du massif de Tan Affela. Ce ne sera pas sans danger puisqu'une explosion fera sauter une partie de la crête de la montagne où a été creusé un puits de près de 4000 mètres de profondeur. Le nuage qui s'en échappa allait faire fuir toutes les populations nomades alentour, estimées à l'époque à 2000 personnes.
L'eau irradiée ? Aucun danger !
Des explications hydrogéologiques avaient été fournies pour faire accroire le faible impact radiologique sur l'environnement. Le rapport note ceci : «Une partie des précipitations s'infiltre dans le Tan Afella par ses anfractuosités.
Elles peuvent alors s'arrêter dans les cavités naturelles internes du massif ; celles-ci sont de très faible volume. L'expérience a montré lors du creusement des galeries que les venues d'eau étaient minimes. Elles cheminent à travers le réseau de fissures et rejoignent, à plus ou moins longue échéance, les oueds qui entourent le massif».
Des conclusions hâtives sont tirées des expériences projetées. Entre autres, que les échappées de nuages radioactifs sont minimes, voire nulles, qu'il vente ou non, et qu'il suffisait de faire évacuer la zone de tir jusqu'à une certaine limite pour éviter de contaminer les nomades.
Qu'au cas où la roche fracturée contient de l'eau fossile, cette eau s'écoulerait vers les oueds. «Leur volume serait cependant limité et ces eaux s'infiltreraient rapidement dans le sol». Et les rédacteurs du rapport de commenter : «Finalement, ces eaux contaminées s'infiltreraient dans le sol où par le jeu de l'absorption par les sables elles se décontamineraient progressivement. Les éléments radioactifs insolubles dans l'eau ne seront que transportés et se déposeront à la surface du sol».
Le plus déroutant est que l'on ait mis sciemment en danger la vie des personnels participant aux essais. «Pour un travail en atmosphère contaminée, l'autorité responsable peut autoriser les travailleurs à ne pas porter le masque jusqu'à des concentrations de 100 fois la CMA, et leur faire inhaler en un jour, à titre exceptionnel, ce qui est normalement autorisé en trois mois».
En outre, il a été décidé que «les déchets radioactifs solides, notamment les roches contaminées à extraire des galeries (éventuellement plusieurs centaines de tonnes), seront stockées sur le flanc sud du Tan Afella en aval du point de forage, en un endroit entouré d'une enceinte sommaire».
Former le combattant moderne
Le rapport reconnait que le tir Béryl (1er mai 1962) a laissé échapper des nuages radioactifs qui se sont déplacés jusqu'à Djanet. Des personnels ont été contaminés de même que les populations nomades et leurs troupeaux. La décontamination a concerné plusieurs dizaines de personnes affectées aux essais. Certains militaires seront gravement touchés. Des nomades aussi mais le rapport ne donnera pas leur nombre.
Il indique seulement que des unités de méharistes avaient reçu ordre d'interdire certaines zones aux nomades et de les dissuader de boire les eaux contaminées. Mission impossible, vu l'immensité de cette région qui s'étend sur plusieurs centaines de km⊃2;.
Le rapport met en exergue les opérations de sécurisation des zones qui pourraient éventuellement être traversées par les nuages contaminés.
Des plans d'évacuation ont été prévus pour plusieurs villages touaregs dont Mertoutek. Une diversion sans plus, car la protection de l'environnement ne semblait pas trop intéresser les autorités en charge du programme. Bien au contraire, des expériences ont été menées pour mesurer le degré de contamination des sols et la manière dont pourraient se disperser dans la nature des résidus radioactifs.
Dans la partie bilan des expériences menées au Sahara, le rapport note ceci : «Des études des conditions de combat en ambiance nucléaire, sur la détection de la radioactivité et de la décontamination, ou concernant les ravitaillements et les évacuations en ambiance nucléaires ont été conduites».
Il est clair en effet que l'objectif primordial est d'étudier toutes les facettes de cette arme de destruction massive et de préparer la France à une probable troisième guerre mondiale qui ne peut être que nucléaire. Les conclusions du rapport sont très claires à ce propos : étudier les effets de la bombe sur le comportement du soldat (français, ndlr) «afin d'obtenir les éléments nécessaires à la préparation physique et morale du combattant moderne».
Sans l'ombre d'un doute, le rapport conclut qu'il est impossible de venir à bout de la contamination de certains sites. Ce qui est le cas présentement, puisque les zones contaminées par la bombe atomique (Hammoudia et In Eker) représentent encore un danger pour les populations de transhumants.


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