Les professeurs de biologie demandent souvent quel est l'animal qui tue le plus de gens. Leurs pauvres élèves se ridiculisent en s'écriant «l'ours gris! », «le tigre! », «le cobra ! » ou même «l'hippopotame! » La bonne réponse, bien sûr, c'est le moustique femelle ! Pas de fourrure, pas de crocs, rien qu'une aiguille hypodermique ailée. Sa longueur dépasse à peine cinq millimètres, elle a six pattes, et c'est le vecteur de maladies le plus efficace de tout le règne animal. C'est grâce à son odorat qu'elle nous repère, attirée par l'acide lactique et d'autres ingrédients de notre transpiration. Elle sent aussi le dioxyde de carbone que nous expirons et arrive jusqu'à notre visage en remontant le sillage de notre respiration. Plus on sue et plus on halète en la chassant, plus on l'intéresse. Il y a des millions d'années ou davantage, un moustique primitif, peut-être presbyte, a pu confondre un végétal et un mammifère qu'il a piqué accidentellement, ce qui lui a donné le goût du sang. A présent, les femelles de ces 80 espèces dangereuses ont évolué et utilisent du sang pour produire des œufs. Le sang des mammifères contient un mélange très riche de protéines, de fer, de graisses et de sucre qui déclenche le fonctionnement des ovaires d'une femelle de moustique. En 90 secondes à peine, elle peut aspirer jusqu'à trois fois son poids de sang. Pour accomplir cet exploit, elle se sert de sa trompe Les ciseaux rudimentaires de ses ancêtres, les moucherons, se sont agrandis et développés sur des générations pour devenir un outil efficace permettant de percer la peau et de boire le sang. Cette trompe est faite de deux tubes entourés par des paires de lames coupantes. Quand elle se pose pour se nourrir, les arêtes tranchantes glissent l'une contre l'autre, comme celles d'un couteau électrique à découper, et fendent la peau. Pendant qu'elle cherche un petit vaisseau sanguin pour l'entailler, son tube salivaire injecte un anticoagulant dans l'étroit tube aspirateur pour éviter qu'il ne se bouche. Les protéines de sa salive provoquent une réaction de notre système immunitaire – une enflure et une démangeaison. Tous les organismes pathogènes qu'elle transporte traversent ses glandes salivaires. Ensuite, les moustiques se sont multipliés dans l'eau stagnante. Et bien trop vite: l'œuf de cet insecte buveur de sang peut donner un adulte en cinq jours seulement et ces œufs sont très nombreux. Le moustique porteur du paludisme en pond plusieurs centaines, un par un ; d'autres espèces en font des quantités à la fois. Le vivier qui leur sert de piscine n'est sans doute pas plus grand qu'un vieux gobelet ou un couvercle de pot de confiture et il peut être très sale – de l'eau des égouts, par exemple. Une larve de moustique ressemble à un teckel aquatique à poils durs ou, si vous préférez, à un asticot velu. Sa tête et son corps sont suspendus à un tube respiratoire qui monte à la surface de l'eau. Au fur et à mesure que ce tube aspire l'air, des cils filtrent l'eau à la recherche de protozoaires et de bactéries. Les premiers moustiques sont apparus il y a plus de 200 millions d'années. Ils buvaient probablement le nectar des nouvelles plantes qui fleurissaient ou le sang des dinosaures.