L'outrage à fonctionnaires de police dans l'exercice de leurs fonctions va-t-il se transformer en un autre délit : retour de manivelle ? Il faut le voir, car beaucoup de jeunes à qui on a demandé les papiers suite à une infraction ignorent que les armoiries de la République sur l'uniforme du policier ne sont pas portées pour être salies par des propos grossiers, des insultes et autres provocations, surtout si l'incident a lieu dans un endroit où se trouvent beaucoup de citoyens, curieux de passage ou tout simplement des bienfaiteurs venus séparer les auteurs de ces incidents regrettables, mais qui s'achèvent à la barre. A Hussein Dey, c'est une famille qui est entendue par une présidente patiente, vigilante et tolérante. Il y avait les policiers victimes et les membres de la famille poursuivie. Et pour le tribunal, il ne lui restait qu'à tirer au clair les déclarations faites. Les seuls témoins n'ont pas éclairé ce même tribunal qui n'a pas eu à trop s'éreinter pour saisir les tenants et les aboutissants de ce triste dossier qui a tendance à avoir des petits. Rien n'est plus ardu pour une magistrate que d'entendre un inculpé d'outrage et de coups et blessures volontaires à l'encontre de policiers dans l'exercice de leurs fonctions. Et entendre un inculpé détenu, c'est aussi entendre les victimes venues en civil à la barre. Ouafa Ahmed-Chaouch, la présidente du pénal de Hussein Dey (cour d'Alger), a écouté toutes les parties dans un silence pesant. Et pour une fois, voilà une juge du siège qui a eu le mérite de n'interrompre personne à la barre. Et c'est pourquoi nous avons suivi de bout en bout les déclarations des uns et des autres, sans peur de rater les détails. Ce sera d'abord l'inculpé qui allait se plaindre du comportement des policiers durant l'incident ! - «Ce qui m'a fait mal, ce n'est pas tant l'interpellation ni le passage de la paire de menottes, mais les mots méchants lancés par les flics alors que j'étais en famille dans la voiture», a dit avec beaucoup d'amertume le détenu devant le duo de victimes dont les versions seront dramaticalement opposées. Le détenu était si éprouvé en racontant l'incident qu'il lui était arrivé à un certain moment des débats de se tourner carrément vers ceux qu'il a nommés ses «bourreaux». «Non seulement ils m'avaient passé les menottes, mais encore insulté, humilié, moi je n'ai pas riposté et je...» - «Attendez, attendez inculpé. Nous sommes des Algériens et nous connaissons très bien ce qu'est capable de faire ou de dire quelqu'un qui est dans votre situation. Vous n'allez pas me faire avaler une couleuvre en me répondant que vous n'avez pas répliqué.» - «Non, je me suis défendu...», coupe l'inculpé qui est lui-même interrompu par la juge du siège. - «Et voilà, vous vous êtes défendu !» Mais Ahmed-Chaouch appelle les témoins tous du même avis que l'inculpé. Le témoin n°1 aura été le papa qui a juré par Allah que son fils n'a pas frappé les policiers. La juge n'apprécie pas comme la nouvelle génération des magistrats du siège, elle ne supporte pas que l'on jure à la barre lors du témoignage, surtout que le papa avait été entendu à titre indicatif, c'est-à-dire sans prestation de serment. Il n'apprendra pas grand-chose à ce que savait déjà le tribunal dont la présidente a préféré prendre du recul avant d'infliger une amende aux coupables.