La presse française, d'une moins une grande partie, a-t-elle eu raison de tartiner sur ce court-circuitage de l'Elysée qui aurait cloué au pilori le nouveau chef de la diplomatie, Alain Juppé, désigné pour faire le grand ménage au Quai d'Orsay ? Assurément, elle a échoué à provoquer l'étincelle de trop. Bien qu'elle soit déjà taxée d'agressive, la diplomatie française est restée droite dans ses bottes face au front allemand qu'Angela Merkel a cru pouvoir mobiliser dans les travers de l'Union européenne. Seïf El Islam, porte-parole et fils de Kadhafi, n'a pas eu tort de déclarer que l'idée d'un embargo aérien est dépassée. Tout à fait vrai mais non pas du fait que les forces loyales libyennes ont eu l'ordre de finir le massacre dans les fameuses 48 heures. Si l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne est un projet désuet c'est parce que le Conseil de sécurité a fini par autoriser le recours à la force contre le clan de Kadhafi. Malgré cinq abstentions - le Conseil national libyen est libre de classer chacun à part, ses amis et ses ennemis -, Nicolas Sarkozy n'est plus seul. Ses collègues européens n'ont plus à être surpris, les frappes ciblées font désormais partie du réel. Après ses réticences de démocrate anti-guerre, Barak Obama accepte finalement de coordonner l'action militaire en Libye avec David Cameron et Nicolas Sarkozy d'autant que ceux-là ont pris leurs responsabilités en tant que chefs du commandement opérationnel. Plus question donc de se rejeter la balle d'autant que des pays arabes ont donné leur accord pour prendre part à l'offensive ne serait-ce qu'à titre symbolique. Ce, sans parler de leur apport financier qui éviterait aux euro-américains de s'enfoncer dans la crise, une semaine de frappes ciblées coûterait la bagatelle de 600 millions de dollars. Franco Frattini, le chef de la diplomatie italienne, aura juste le temps d'assister à une tripartite arabo-afro-européenne à Paris, le gouvernement de Berlusconi a déjà mis ses bases militaires à la disposition de la coalition. Après leurs railleries sur les plateaux télé, allant jusqu'à traiter Sarkozy de clown, les Kadhafi, père et fils, ne peuvent plus que se soumettre à la volonté de la communauté internationale et saluer une défaite qui est d'abord la leur. Pauvre roi sans couronne qui a cru jusqu'au bout de la nuit que Russes et Chinois allaient se servir du droit de veto alors que les premiers ne l'ont pas brandi à la veille de la guerre du Kosovo et que les seconds ne s'en serviraient que s'il s'agit d'une menace régionale dont ils seront directement concernés. On verra bien si les deux géants vont réussir à défendre leurs intérêts économiques et autres contrats d'armement en suspens, l'heure est à l'arrêt immédiat de l'effusion de sang que Kadhafi voudrait prolonger en se servant de boucliers humains. Sinon, pourquoi ses forces se dépêcheraient-elles à entrer au cœur des villes si ce n'est pour revenir devant ce même Conseil de sécurité de l'Onu et le prendre à témoin d'éventuels dégâts collatéraux que commettrait la coalition occidentalo-arabe contre des civils ? Mais ce que le Guide perdu oublie c'est que les armées étrangères ne ressembleraient en rien à la sienne qui, elle, ne semble être conçue que pour mater l'opposition faiblement armée . Et ce n'est pas fortuit d'entendre Seïf El islam déclarer que la reconquête de Benghazi n'est plus à l'ordre des priorités tactiques. Qu'est-ce qu'il est encore ? Un cessez-le-feu et un dialogue auxquels Kadhafi a appelé très tardivement ? Plus une minute à perdre, les Occidentaux seraient prêts à aller en enfer que leur promet le 7e sosie de feu Saddam Hussein. Non sans avoir un œil ouvert sur le Yémen et sur la «diversion assassine» du clan Salah qui semble lui aussi en train de perdre tout espoir de rester au pouvoir. La dernière partition n'est pas seulement celle que Kadhafi va devoir être contraint de jouer jusqu'à sa fin.