Les partenaires sociaux du secteur de l'éducation regrettent, depuis des années, l'absence de réévaluation des réformes engagées par le précédent ministre de l'Education. C'est suite à ce constat d'impuissance que Achour Idir, secrétaire général du Conseil des lycées algériens (CLA), a relancé l'initiative d'une intersyndicale de l'éducation afin de faire face à ce qu'il nomme la stratégie de division du ministère qui a consisté à «diviser les acteurs de la scène syndicale afin de mieux asseoir ses instructions». M. Achour nous a indiqué qu'il n'avait pas encore pris attache avec les leaders syndicaux mais qu'il comptait le faire au courant de la semaine. «Des membres du bureau national vont contacter les secrétaires généraux des différents syndicats du secteur afin de discuter des modalités de cette initiative et créer une plateforme de revendications commune», nous a-t-il dit en espérant que cette initiative remporte l'adhésion du plus grand nombre afin de faire aboutir les revendications inhérentes au secteur. Hakim Aït Hamouda, chargé de communication au Syndicat national des travailleurs de l'éducation (SNTE), nous a indiqué que cette initiative, qui ne date pas d'hier, est une bonne proposition à laquelle son syndicat pourrait adhérer à condition d'en étudier le contenu. «Je ne suis pas habilité à décider, il faut consulter au préalable le bureau national mais pour l'idée, je ne suis pas contre», nous a-t-il dit, estimant cependant que cette proposition comme toutes les initiatives qui ont eu cours dans le secteur, doivent faire l'objet d'un débat approfondi pour ne pas échouer. «J'attends l'invitation de M. Achour, pour discerner si c'est sérieux et si cela nécessite l'implication de notre syndicat», nous a-t-il déclaré, indiquant partager l'analyse du responsable du CLA quant au peu d'efficacité des luttes syndicales opérées jusqu'alors notamment à cause de la division des partenaires sociaux. «Nous ne pouvons pas encore nous faire une idée quant à la stratégie du nouveau ministre de l'Education mais ses conseillers sont au fait de celle de l'ancien ministre qui consistait à diviser pour mieux régner. Jusqu'à présent, s'unir n'a pas été aisé d'autant que l'on sait que certains leaders syndicaux se sont acoquinés avec les pouvoirs publics pour obtenir des postes prestigieux. C'est pour cela que nos mouvements de protestations n'ont pas eu l'effet escompté. Certains leaders se sont empressés de casser la grève, alors je dis oui à cette initiative mais pas avec n'importe qui, ni de n'importe quelle façon», nous a-t-il affirmé. La question du leadership devra être prise en considération sous peine d'affaiblir l'initiative Aït Hamouda juge que les revendications du CLA sont légitimes mais que la demande de réouverture du nouveau statut particulier n'aboutira pas puisque la tutelle l'a examiné à deux reprises et qu'elle considère que l'affaire est close. «Chaque syndicat a des revendications qui lui sont propres mais dans l'ensemble, nous avons les mêmes valeurs», nous a-t-il dit, ajoutant qu'il pourrait adhérer à une plateforme commune, à un front de protestation uni mais pas si cela empiète sur les prérogatives de son syndicat. «Si le SNTE adhère à un débrayage collectif, il faut faire attention à la question du leadership. Il ne faut pas qu'un seul syndicat tire les bénéfices du mouvement de protestation alors qu'il possède moins d'adhérents. Il faut que la démarche soit claire dès le début, sinon la question du leadership risque d'empoisonner les relations entre syndicalistes et faire échouer le front commun. Je n'ai pas confiance en certains leaders. Il faudrait que toutes les questions soient débattues lors d'une réunion», a-t-il jugé. Interrogé sur la possibilité de fondre les syndicats du secteur en une seule union, M. Aït Hamouda nous a indiqué être contre cette idée qui s'apparenterait à un recul des avancées syndicales. «Il est inconcevable de retourner à un syndicat unique, nous éprouverons les mêmes difficultés qu'avec l'UGTA. Je préfère que le SNTE garde son existence propre car les adhérents ont confiance en nous. Si nous donnons des instructions contraires à nos idéaux, nos militants vont nous tourner le dos. Je pense que cette initiative mérite réflexion, nous en discuterons dès que l'on aura pris attache avec nous», nous a-t-il dit. Même son de cloche du côté de Salem Sadali, SG du Syndicat national des travailleurs de l'éducation fondamentale (Satef), qui est convaincu qu'une telle démarche peut faire aboutir le combat des forces syndicalistes. «M. Achour et moi-même sommes persuadés que la stratégie de dispersion opéré par le ministère a réussi. A cela, nous avons toujours opposé la stratégie d'union des syndicats depuis 2005 en créant une intersyndicale de l'éducation puis celle de la Fonction publique de 2006 jusqu'a 2010. Cependant, certains syndicats se sont démarqués de cette initiative surtout ceux qui ont reçu leur agrément un peu tard. Le projet de fédérer les forces syndicales ne réussira que si elle ne se construit sur des bases solides. Je propose la rédaction d'une charte qui stipulera les valeurs syndicales et les engagements mutuels vis-à-vis des travailleurs puis viendra dans un second temps la création d'une plateforme de revendications communes et des principes de négociations. Une seule délégation proposée par l'ensemble des syndicats irait négocier avec la tutelle», nous a-t-il expliqué, précisant que la question du leadership n'était pas un problème puisque la gestion serait collégiale. «Nous n'accepterons pas qu'une personne se mette en avant car nous sommes dans une démarche consensuelle. Nous savons désormais que si les syndicats autonomes ne se regroupent pas, la lutte est perdue d'avance. Il faut revenir à la famille éducative pour arracher l'essentiel de nos revendications. Nous avons souvent entamé nos débrayages ensemble mais certains syndicats négocient séparément. Ce n'est pas n'importe qui, qui pourra adhérer, il faudra partager les même valeurs, appartenir au même combat», a-t-il conclu.