A quelques mois de la prochaine élection, l'armée fait preuve de neutralité. L'institution militaire, à travers les propos de son premier responsable, affiche une volonté de ne pas se mêler du jeu politique. En effet, la fameuse phrase du général Lamari qui a affirmé que l'armée reconnaîtrait le prochain Président de la République, même si celui-ci était d'obédience islamiste, résume parfaitement le comportement officiel de l'armée ces deux dernières années. Il semble que l'institution militaire veuille concrétiser le concept de séparation des pouvoirs et s'atteler à ses missions constitutionnelles que sont la défense des frontières et de l'ordre républicain de la nation. Les mêmes observateurs, qui notent la disponibilité de l'ANP à être sous les ordres de Abdellah Djaballah, retiennent aussi une absence d'opposition de sa part à la levée de l'état d'urgence. Deux aspects majeurs qui ont constitué une entrave à l'accomplissement du processus démocratique du pays et dont certains cercles rendaient l'armée premier responsable. On assiste donc à une véritable contre-offensive de l'ANP qui donne l'impression d'être de plus en plus décidée de ne plus assumer les échecs répétés de la classe politique dirigeante. C'est sur proposition d'une partie de cette même classe politique que l'institution militaire est intervenue en janvier 1992 pour stopper le processus électoral qui ne laissait que peu de choix. En effet, les deux seuls modèles de République islamiste dont pourrait se référer l'Algérie était l'Iran et le Soudan. Dans le premier cas, c'était un nettoyage systématique d'une bonne partie de l'intelligentsia militaire. L'Algérie était éloignée de ce cas de figure, pour la simple raison que contrairement à l'Iran l'arrivée au pouvoir des islamistes s'est faite par la voie des urnes et non après une révolution. Restait le scénario soudanais où l'armée a gouverné avec les islamistes, débouchant sur une dictature qui ne disait pas son nom. En interrompant le processus électoral, l'armée a rejeté cette option, mais du même coup, s'est vu empêtrée dans une logique où elle était en première ligne du combat pour la sauvegarde du caractère démocratique de la République algérienne. Et c'est toujours l'ANP qui a géré la transition en soutenant la candidature de Liamine Zeroual en 1995 et celle de Abdelaziz Bouteflika en 1999. Cela en plus des élections législatives et locales de 1997 où le mot d'ordre essentiel était d'empêcher les islamistes de prendre le pouvoir. Le semi-échec ou l'échec total (c'est selon) de cette démarche, a tout de même permis aux forces de sécurité de reprendre l'initiative sur le terrain de la lutte antiterroriste, de sorte à ce que les groupes islamistes armés, encore en activité ne constituent plus un danger pour la stabilité de la nation. Aussi, pourrait-on dire que le rôle politique de l'ANP s'est arrêté le 13 janvier 2001, date de la fin de l'application de la loi sur la Concorde civile. En effet, de l'avis de nombreux acteurs et observateurs politiques, l'institution militaire n'est pas intervenue dans les dernières élections législatives et locales organisées en mai et octobre 2002. Cela dit, depuis quelques semaines ces mêmes observateurs s'interrogent sur l'attitude que prendra l'armée concernant la prochaine échéance électorale. A ce jour, il semble qu'elle suive avec intérêt l'expérience turque, dont le scénario n'est pas invraisemblable, sachant que ce pays, confronté lui aussi au problème de l'islamisme politique n'est parvenu à la stabilité qu'après un deal entre son armée et les islamistes. Nos responsables militaires sont-ils tentés par un pareil cas de figure quitte à sacrifier la modernité au principe républicain? A lire de près les déclarations du général Lamari, on est tenté de répondre positivement à cette interrogation. Mais d'ici à avril prochain beaucoup de choses peuvent se produire.