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Quand l'homme bleu perd sa couleur...
TAMANRASSET
Publié dans L'Expression le 06 - 03 - 2012

«D'où vous ramenez ces téléphones?» Les Africaines sont très nombreuses à Tam
Lorsque modernité et tradition ne font pas bon ménage, c'est la révolte assurée.
A Tamanrasset la situation n'est pas aussi dramatique que cela mais elle est tout de même bouillante. En effet, la jeunesse de la ville se retrouve perdue entre le désir de modernité et les traditions qui ne sont pas là pour faciliter les choses. Mais le pire c'est le sentiment d'abandon, de la part de la patrie, qui prévaut chez ces jeunes, particulièrement chez les Touareg. «Ne nous parlez pas! Vous les journalistes vous êtes comme l'Etat, vous ne vous souvenez de notre existence que lorsque vous avez besoin de nous», nous lance avec colère un homme bleu à qui nous voulions parler. «Pour vous les Touareg c'est le folklore, chtih oua ardih (danses et chants) mais personne ne s'interroge sur nos problèmes de fond», ajoute-t-il tout aussi sèchement. «Les élections, c'est pour bientôt, c'est pour cela que vous êtes là», nous balance avec tout autant de colère, Abdellah, un jeune rencontré dans la rue. Abdellah, avec qui nous avons sympathisé par la suite et réussi à gagner sa confiance, s'excuse. «Excusez-moi mes frères mais on est tellement marginalisés que l'on se méfie de tout le monde, particulièrement vous les gens du «Tel «(Nord)». «Notre méfiance est encore plus grande quand il s'agit de journalistes venus couvrir ces mascarades», précise-t-il. Et par mascarade, il parle du Festival international des arts de l'Ahaggar et du Amni Namis, le festival dédié au dromadaire. «Par peur d'une propagation de la révolte des Targuis maliens et nigériens, ils organisent ce genre d'événements qui n'ont rien à voir avec la dure réalité», assure-t-il. «Est-ce que vous pensez que les dromadaires et les arts sont nos préoccupations?», nous demande-t-il. «Ils essayent juste d'occuper nos esprits par autre chose. Mais nous, on est au courant de ce qui se passe aux frontières...», rapporte-t-il avec des sous- entendus qui ne laissent présager rien de bon. «Le pire pour nous, c'est le mépris», révèle de son coté Abdelkader. Menacés par la pauvreté, négligés par le pouvoir et dans l'impasse face à la rebellion de leurs frères du Mali et du Niger, les Touareg sont devant un dilemme. Patienter et faire confiance aux pouvoirs publics, à leur tête le wali, pour obtenir un meilleur partage des richesses engendrées par l'exploitation du pétrole et bientôt l'or, ou se rebeller! «Même si les tribus de Tam sont les tribus Touarègues régnantes, on n'a pas voulu rejoindre nos frères. Pour le moment on est patients on fait confiance à sidi el wali qui est en train d'essayer de rattraper les gaffes de son prédécesseur», atteste-t-il. «Mais on verra par la suite, Dieu seul sait ce qui se passera demain....», ajoute-t-il. Après ces brefs témoignages que nous avons difficilement recueillis que les Touareg se murent devant un silence de marbre et refusent d'évoquer ces questions qu'ils considèrent comme taboues, nous avons décidé de demander à la population locale quels sont les problèmes des jeunes de la région. «Eh bien, comme tous les jeunes d'Algérie, on aspire à trouver du travail, avoir des loisirs, se loger et se marier. Malheureusement, on ne trouve rien de tout cela ici», répond Lakhdar, chauffeur de taxi. Nous lui avons alors dit que ce n'était pas que Tam qui souffrait de ces fléaux. «Oui, je sais, mais ici c'est pire. Regardez, vous voyez tous ces jeunes dehors, eh bien aucun d'eux ne travaille», justifie-t-il.
Le royaume de la contrefaçon
Il est vrai qu'il n'est pas aisé de trouver du boulot à Tamanrasset. C'est une réalité, les jeunes de là-bas ne travaillent pas! Les commerces sont majoritairement tenus par des commerçants venus d'autres régions du pays. L'alimentation est la spécialité des Kabyles. Il y a aussi beaucoup de commerçants venus de l'est du pays qui se spécialisent dans le reste. Le marché de l'Assehal est, quant à lui, occupé par des commerçants venus du Mali et du Niger où ils vendent divers produits de leurs pays qu'ils font passer en contrebande. D'ailleurs, à l'entrée de ce marché qui est le royaume de la contrefaçon, on est accueillis par des commerçants maliens qui vendent de la noix de coco bien de chez eux. Ces noix de coco sont vendues dans des brouettes par des jeunes Maliens mais sous l'oeil vigilant du «patriarche». Gare à vous si vous vous querellez avec l'un d'eux, le «papa poule» intervient immédiatement pour s'expliquer...A l'intérieur du marché on est accostés par toujours, des Maliens et Nigériens qui nous proposent des téléphone portables. «Un I-Phone 4 S 64 G à 5200 dinars, vous en prenez deux je vous les fait à 4800 dinars», nous dit Salif qui essaye de nous fourguer sa marchandise. Voyant que l'I-Phone à la batterie Nokia ne nous accroche pas, ils nous montre alors son produit phare! «Celui-là il est un peu plus cher, il coûte 9000 dinars. C'est un Balckberry-Nokia (les deux firmes ne savent pas encore qu'elles ont fabriqué ensemble un téléphone...) c'est un smart phone qui fait télévision aussi. Il suffit juste de tirer cette antenne (une antenne de transistor). Vous voyez», essaye t-il de nous convaincre. «D'où vous ramenez ces téléphones?», lui demandons-nous. «Ah, ça! c'est pas vos affaires vous achetez sans poser de question», nous répond-il avant que son copain ne nous révèle qu'ils «viennent de Chine mais qu'ils passent par le Mali», sans donner plus de détails, ni comment ils rentrent, ni qui les fait rentrer. Chez Salif et ses amis on ne trouve pas que des téléphones portables mais également des appareils photo, des cartes mémoires...enfin tout ce qui est équipement électronique. Dans ce marché très «exotique» on trouve pratiquement de tout...sauf des produits algériens. On se croirait d'ailleurs à Dakar ou Bamako. Des tenues africaines en basane, des imitations de parfums, des produits cosmétiques venus de diverses régions d'Afrique et même des plantes et des herbes venues tout droit des brousses d'Afrique. «J'ai une herbe pour chaque maladie», nous propose Aïcha qui vend ces herbes avec son mari dans ce marché de l'Assehal. «Dites-moi de quoi vous souffrez et je vous prépare un cocktail magique», poursuit-elle avant de nous proposer des sauterelles grillées. «Goûtez! c'est bon pour la santé», nous lance-t-elle.
Les billets de 1000 da très appréciés...
Ce marché est donc une petite Afrique subsaharienne en plein territoire algérien. On peut même dire que c'est une zone de non-droit qui échappe à l'Etat. Ce sont les commerçants qui dictent leur propre loi. «Vous n'avez vu que la face émergée de l'iceberg. Ces marchandises de contrebande ne sont rien comparées à ce qui se trame en douce», nous confie El Khier, le Sétifien de l'Assehal. «Tout ce qui est illégal se vend ici. Vous n'avez qu'à trouver la bonne personne et elle vous ramènera de quoi vous avez besoin», rapporte-t-il. «Illégal fait référence à quoi?», nous sommes nous demandés. «Drogues, armes...?» Il esquisse un sourire avant de nous repondre. «Chut! vous voulez me faire tuer? Moi je ne vous ai rien dit», tient-il à préciser. Néanmoins, il accepte de nous révéler un de ces trafiquants. «Vous n'avez pas remarqué que les vendeurs africains apprécient les billets de 1000 et 2000 dinars», nous interroge t-il. «Et ils ne rendent jamais ces billets comme monnaie. Ils vous donnent à la place, des vieux billets de 200 dinars tout déchirés», dit-il. «Eh bien, il y a deux raisons. La première c'est que ce sont ces billets qui sont utilisés pour payer les contrebandiers et deux de ces modèles sont envoyés au Mali et au Niger pour être scannés et en faire de faux duplicata», lâche t-il comme un pavé dans la mare. L'Assehal est donc le marché de toutes les surprises. Il y a également un autre produit qui a, le moins que l'on puisse dire, attiré notre attention. Son nom est «Tchipalo». C'est une bière traditionnelle venue du Mali. Selon ceux qui la vendent, elle fait fureur. «Il ne faut pas se voiler la face, les gens du coin sont des bons vivants. Ils aiment bien boire et le Tchipalo répond à leur besoin que ce soit pour la qualité ou le prix», atteste Keïta qui se décrit comme le roi du Tchipalo. Après notre virée au marché ou comme il est appelé par les locaux, «la foire», nous avons fait un tour au centre-ville pour savoir les commerces qui sont prisés en ville. Encore une fois ce sont les étrangers qui ont la palme. La «Mainama» un plat venu tout droit du Mali, a un succès fou. Les restaurants, qui proposent ces grillades, fleurissent comme des champignons dans la perle du désert algérien.
L'art de la débrouille
Si tous les commerces sont tenus par des étrangers, que reste-t-il donc aux habitants de Tam. Comment font-ils pour survivre? «On se débrouille», nous raconte Mohamed, un clandestin. Et que signifie donc cette débrouille? Etre chauffeur de taxi clandestin est par exemple, une forme de débrouille. Tous les habitants de la ville possédant un véhicule sont des clandestins. A notre arrivée à Tamanghast, on a cherché comment nous déplacer en ville. Le réceptionniste de l'hôtel nous a dit qu'il suffit de lever la main dans la rue et quelqu'un s'arrêtera.
«N'hésitez pas, même les véhicules neufs font cela», nous signifie-t-il. Au début, on ne l'avait pas cru mais il s'est vite avéré que c'était une réalité. Levez la main, tirez 50 dinars et on vous emmène où vous voulez en ville. C'est un tarif unique que tout le monde applique. Voilà donc une manière de se débrouiller. Mais il ny a pas que cela. Mouloud, un Kabyle installé à Tamanrasset depuis plus de 15 ans et qui nous a pris en stop explique que la contrebande est un autre moyen que les habitants utilisent pour régler leurs problèmes. «La contrebande est la «propriété «exclusive des habitants de Tam. Les Africains n'ont pas leur mot à dire dans tout cela. Rien ne rentre ou ne sort sans la bénédiction des gardiens du temple. Les marchandises vendues dans le marché, le carburant...enfin tout ce qui rentre et qui sort des frontières, c'est eux», avoue-t-il. «Oui, l'Etat est au courant et il laisse faire les choses. Il préfère les laisser s'adonner à leurs petits trafics que de les voir ramener des armes ou pire...prendre les armes», affirme-t-il. «Les responsables ont peur de voir une rébellion touarègue telle que celle du Mali s'ils leurs interdisent leurs petits trafics. Ils laissent donc les choses en l'état», certifie-t-il «En plus, c'est du donnant-donnant, c'est un échange mutuel de service: l'Etat laisse faire les choses et eux ils protégent les frontières», témoigne t-il. Nous lui racontons alors les témoignages des Touareg recueillis au début du reportage. «Ceux qui vous ont raconté ça sont soit des Touareg qui ont adopté la vie des citadins soit ils vous ont menés en bateau», ironise-t-il. «Vous savez, il y a une entente mutuelle entre eux et l'Etat sinon ça fait longtemps qu'ils auraient pris les armes pour aider leurs frères Maliens. Mais les Touareg sont des nomades qui savent très bien où se situent leurs vrais intérêts...», dit-il. Cette virée à Tamanrasset, cette vaste terre aride, au milieu du Sahara algérien, un territoire plus grand que celui de la France, nous a permis de découvrir des populations, au caractère ouvert (les femmes se baladent dans les rues à n'importe quelle heure), humble mais surtout très mystérieux. La capitale du Hoggar n'a donc pas encore livré tous ses secrets...


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