«Bouteflika avait en plus ce qui manquait aux autres: l'atout d'avoir été proche de l'ancien chef du Conseil de la révolution.» Ce que laissent entrevoir les bonnes feuilles extraites du livre du général Khaled Nezzar publiées dans certains journaux, c'est un renversement des rôles. Celui qui pendant longtemps a été le ministre de la Défense et le chef de l'armée algérienne est non seulement obligé d'éditer son livre à l'étranger, mais en plus il y révèle un talent de polémiste hors pair. On y découvre avec surprise, même si l'auteur a dû se faire aider par quelque styliste chevronné, un Khaled Nezzar réécrivant Les Châtiments, un homme du pouvoir revêtant le costume de Victor Hugo pour pourfendre Napoléon III, qui a eu l'heur de l'exiler à l'île de Jersey, et- qu'il surnomme l'aiglon. Par un raccourci fulgurant, Nezzar colle une étiquette cinglante au candidat du consensus de 1999 : celui de marathonien. M.Bouteflika mérite ce titre pour deux de ses qualités essentielles: d'abord celui de marathonien de la parole, qui parle mais n'agit pas, ne tient pas ses promesses électorales, laisse en jachère les réformes, creuse le sous-développement économique de l'Algérie, prolonge l'état de désespoir et de détresse sociale dans lequel baignent les Algériens, lasse ses auditoires ou ses intervieweurs par des logorrhées et des diarrhées de verbiages qui durent des heures et des heures! Ensuite marathonien des voyages à l'étranger, faisant le tour de la terre plus souvent qu'à son tour. Chacun de ces voyages coûte au Trésor public environ 10 millions de francs, en pure perte, puisqu'on chercherait à la loupe les retombées et les dividendes de ces tournées à l'oeil sur l'économie du pays. Le bilan établi par Khaled Nezzar s'intéressera à l'homme, à son style, à sa coterie, à ses précédents, à sa fourberie, à ses ambitions. Que nous dit le général du président de la République? Lisons plutôt: «Bouteflika avait en plus ce qui manquait aux autres : l'atout d'avoir été proche de l'ancien chef du conseil de la révolution.» A force de mimétisme, il essaiera de se donner le port et le maintien du défunt Houari Boumediène. Au pèlerinage de Guelma lorsqu'il s'écrie «Arfaâ rassek ya ba!» ceux qui n'avaient voulu voir en lui que le moins mauvais des candidats ont dû convenir qu'il était peut-être le meilleur. C'était de la poudre aux yeux, et le charme ne tarda pas à être rompu. L'homme apparut, dès qu'il prit les rênes du pouvoir, sous son véritable jour, «la répétition des violences verbales allait bientôt être agrémentée par la violence physique. Il agressera en pleine rue un enseignant qui manifestait son ras-le-bol».