Maître Amine Morsli avait quitté Sidi Aïd pour Koléa avec la ferme résolution de relaxer Hocine L... Hadj Rabah Baric, le président de la section détenus du tribunal de Koléa (cour de Blida) a eu le déplaisir de voir deux dossiers se suivre sur son pupitre et deux jeunes sniffeurs poursuivis pour détention et usage de stupéfiants, faits prévus et punis par «la loi n° 04-18 du 25 décembre 2004, relative à la prévention et à la répression de l'usage et au trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes». Heureusement pour les deux jeunots, il ne s'agit pas de l'article 17 qui dispose «qu'est punie d'un emprisonnement de dix à vingt ans et d'une amende de cinq millions à cinquante millions de dinars, toute personne qui, illicitement, produit, fabrique, détient, offre, met en vente, vend, acquiert, achète pour la vente, entrepose, extrait, prépare, distribue, livre à quelque titre que ce soit, fait le courtage, expédie, fait transiter la drogue». La première affaire a vu Omar B., dix-neuf ans, complètement out à la suite des nuits passées en taule pour avoir touché au poison en attendant de passer en flagrant délit, comparaître, la face démontée, le moral bas et surtout le regard cloué ou sol à telle enseigne qu'il donnait l'impression de chercher une alliance au milieu du sable, au crépuscule. Il n'a pas d'avocat et n'a surtout pas voulu en avoir pour des raisons qu'il a volontairement tues. Son codétenu Hocine Djem, vingt-deux ans, un gaillard qui fait physiquement le double de son âge. Il a un casier chargé et c'est Maître Amine Morsli, le jeune des Morsli de Sidi Aïd, de Boufarik qui va se couper en quatre pour tenter d'arracher une relaxe face au jovial mais non moins redoutable Baril, un magistrat à qui on ne la fait jamais. Avec le président c'est soit l'inculpé qui a commis le délit et il est bon pour un séjour en taule, soit il n'a rien à se reprocher et il passera la nuit chez lui au chaud en ce mois de janvier, parmi les siens. Pour arracher la liberté de Houcine, Maître Morsli va jouer son va-tout. Auparavant, il va suivre le chaud interrogatoire auquel assiste le discret Tarek Moussaoui, le jeune représentant du ministère public, qui tentera de pousser le tribunal à la condamnation des deux inculpés qui risquent plus que gros, surtout le pauvre Omar qui a beaucoup plus été silencieux que bavard. Houcine, lui, a tout nié. Il a reconnu que son passé est en... technicolor en «Vistavision», mais que pour ce dossier, il n' y était pour rien. «C'est une méprise!» dit-il, avant que Hadj Rabah Baric n'insiste autour d'un point précis: «Pourquoi vous êtes-vous enfui à la vue des policiers si vous n'aviez rien à craindre?» murmura le juge. C'est un réflexe propre à tous les ados de la cité, la police n'est pas un signe de...paix. A leur arrivée il n'y a que des problèmes, s'ils ne cherchent pas une arme blanche lors de la fouille corporelle, c'est l'examen d'une plaque d'immatriculation d'une voiture garée dans les parages..., remarque Houcine qui est stoppé d'une manière cavalière par le président. -C'est une bonne information, cela prouve que nos policiers ne font pas du tourisme. Vous n'avez toujours pas répondu à la question du tribunal concernant votre fuite à la vue des agents de police! insiste le juge. -Si, si je vous l'ai expliqué, je suis allergique à la vue de l'uniforme. Cela me rappelle d'affreux souvenirs du temps où j'étais un voyou... répond Houcine qui était surtout réconforté par la main gauche de son avocat sur son épaule. Un signe pour signifier au tribunal que ce gars est innocent et qu'il était important pour la défense qu'elle réussisse son intervention de sauvetage... Moussa réclame une peine de quatre ans ferme pour détention et usage de stupéfiants pour les deux détenus. Cela suffit pour que Maître Amine Morsli enfourche un étalon noir et chevauche en pleine plaidoirie! «Monsieur le Président, je suis très satisfait lorsque je sais que le casier judiciaire ne se trouve plus sur le pupitre mais dans la chemise. C'est un signe qui annonce que vous allez juger ce délit et pas ceux du passé. Dans le contexte, je regrette souvent que notre pays n'ait pas adopté la pratique britannique qui veut que le juge ne consulte jamais le casier judiciaire et ce pour des raisons objectives. Chez nous, il y a des magistrats qui éprouvent un réel plaisir à parcourir des casiers à... trois tomes! C'est une ineptie!» s'est écrié l'avocat de Boufarik qui a vivement réclamé la relaxe car la came n'a jamais été trouvée sur Houcine mais sur Omar qui a reconnu les faits. «Relaxez-le. Il est innocent même s'il traîne le boulet d'un casier super chargé. Ce n'est pas le moment de le renvoyer en taule. Ce serait malheureux car il n'a aucun doute qu'il ait sniffé au moment de l'arrivée des policiers et même au cours de leurs recherches» a conclu le plaideur qui avait remarqué au passage que le magistrat avait transcrit de larges passages de la plaidoirie, signe qu'il avait été intéressant donc, percutant, rassurant et probablement... gagnant. En annonçant le verdict et sous peu, Baric venait de rassurer; effectivement la bonne nouvelle puisque trente minutes plus tard, alors que Omar B. écope de dix-huit, mois ferme, Houcine est relaxé. Et voilà Maître Morsli, heureux comme un bébé qu'on venait de jeter dans un bassin d'eau en août, laisse éclater un ravissant sourire signe d'une profonde satisfaction d'avoir fait mouche surtout que Houcine qui rêvait de ne plus retourner en taule, avait lancé un gros clin d'oeil à ses deux copains venus soutenir le malheureux voisin victime d'une méprise des policiers dont le mérite est de se... tromper car ils bossent et bien, dans bien des cas où la came est la star des investigations quotidiennes, de jour comme de nuit. Quant à Hadj Rabah Baric, il était déjà sur un dossier lourd mettant en cause le vol de voitures par une association de malfaiteurs qui devront encore attendre car leur procès sera renvoyé sous quinzaine...