Le roi Mohammed VI n'a jamais abandonné son rôle d'autorité suprême du Maroc Dans un éditorial sans concession datant du 2 octobre, le Washington Post affirme que le souverain marocain a signé son retour vers des pratiques autocratiques tout en faisant un parallèle avec le coup d'Etat militaire en Egypte. Perçu comme un «modèle potentiel» pour les autres monarchies arabes, telles que la Jordanie et les Etats du Golfe persique après les révolutions qui ont eu lieu en Tunisie et en Egypte, «Le roi du Maroc renonce aux réformes» titre le Washington Post. Mohammed VI est en disgrâce. Il déçoit ses amis américains qui ne se gênent pas de le lui dire. Et lorsque c'est le prestigieux quotidien US qui s'y met il faut croire que Rabat est dans l'oeil du cyclone. Eclaboussé par l'affaire du pédophile espagnol violeur de 11 enfants marocains qu'il avait gracié, black-listé par les Américains en ce qui concerne le trafic de cannabis et de cocaïne, épinglé par l'Office des Nations unies pour la drogue et le crime, accablé par les rapports des ONG internationales de défense des droits de l'homme (Amnesty international, RFK Center, Human Rights Watch...) sur la question des violations des droits de l'homme au Sahara occidental, le roi du Maroc est à nouveau au coeur de la tempête après l'arrestation et la mise sous les verrous du directeur du média indépendant Lakome. Le Maroc est-il en train de faire marche arrière après avoir promulgué une nouvelle Constitution le 29 juillet 2011 visant à promouvoir les droits de l'homme, les libertés individuelles... dans le sillage de l'arrivée au pouvoir des islamistes? L'arrestation d'Ali Anouzla - «un des plus importants journalistes du pays» - sous couvert de la loi antiterroriste signe «un retour aux pratiques autocratiques» du régime marocain, à l'instar de ce qui s'est passé en Egypte suite au coup militaire contre le gouvernement élu des Frères musulmans égyptiens souligne le célèbre journal américain qui constate que «le roi Mohammed VI, cependant, n'a jamais abandonné son rôle d'autorité suprême du Maroc, gardant le contrôle des forces armées et de la Justice». L'affaire de la vidéo d'Aqmi est cousue de fil blanc. Le Washington Post le démontre. «Les autorités marocaines savent très bien que M. Anouzla, qui a repoussé les limites du journalisme et de la libre expression depuis une décennie, n'est pas un ami d'Al Qaîda», affirme le très vénérable le quotidien d'outre-Atlantique qui note que: «Si le roi Mohammed VI souhaite préserver sa crédibilité en tant que réformateur, il donnera l'ordre de relâcher son détracteur». Le gouvernement américain «soutient la liberté d'expression et de la presse ainsi que les droits universels qui sont un élément indispensable de toute société», a déclaré, lors de son briefing quotidien, Marie Harf la porte-parole du département d'Etat au sujet de cette affaire. Le royaume n'en est pas à un casse-tête près. Il doit faire face à de nombreux foyers de tension. La guerre du carburant Depuis que l'Algérie a pris la décision de s'attaquer aux trafiquants de carburant à sa frontière Ouest c'est toute la frontière orientale marocaine qui en a pâti. Le secteur agricole de cette région pauvre du Maroc touchée par un chômage chronique tournait grâce essentiellement au carburant de contrebande en provenance du territoire algérien. Son tarissement s'est traduit en «séisme socio-économique». Colère et angoisse de lendemains difficiles et incertains s'entrechoquent. «L'essence, c'est... le nerf de la guerre, qui fait vivre entre 3000 et 5000 familles, chiffres à multiplier par cinq pour obtenir le nombre de personnes concernées» confie le président de l'Association de protection des consommateurs de l'Oriental (Apco), Mohammed Benkaddour dans une enquête publiée le 2 octobre par le quotidien français Le Monde. Une source d'économie de devises qui se traduit depuis plusieurs années en milliards de dirhams dont se trouve privé le Maroc et qui par contre saignait l'Algérie. «Nous avons 1,5 milliard de litres qui sortent du pays d'une manière illégale. Cela représente une perte d'un milliard de dinars», avait déclaré, le 22 juillet dernier à El Oued, le ministre de l'Energie, Youcef Yousfi. De quoi faire tourner 600.000 véhicules! Les conséquences peuvent être désastreuses sur le niveau de vie de la population de cette région (Oujda, Taourirt, Berkane, Figuig, Saïdia, Jerrada..., Nador et sa périphérie qui représentent la plus grande zone économique du Nord-Est marocain à 70 km de la frontière algérienne et Al Hoceima). «70% de l'économie de la région du Maroc oriental dépendent de la contrebande et nous estimons le chiffre d'affaires moyen de cette activité à 6 milliards de dirhams par an. Le secteur informel emploie plus de 10.000 personnes et couvre l'essentiel des besoins de consommation», avait fait constater la Chambre de commerce, d'industrie et de services d'Oujda dans une étude qui avait été consacrée à la pratique du commerce illégal. «La hausse s'est répercutée sur les produits de première nécessité comme l'huile ou le lait», témoigne Youssef Gsir, secrétaire général de l'Apco à Oujda cité par Le Monde. «Tout ça, c'est la faute aux gouvernants et c'est encore nous qui payons la facture», accuse un père de trois enfants qui vivait de contrebande depuis une dizaine d'années. «Avant, je recevais dix ou douze bidons de trente litres le matin et le soir, maintenant à peine trois ou quatre; résultat, je gagne trois fois moins...», indiquera t-il désespéré. La disparition de cette économie informelle met cette région sensible du royaume, sur une vraie poudrière. Un retour de bâton pour le pouvoir marocain qui s'est beaucoup plus attelé à favoriser une économie prédatrice et nocive à l'égard de l'Algérie qu'à développer une des régions les plus pauvres du royaume.