«Nous réclamons nos droits», «nous demandons à rencontrer Gaïd Salah», scandaient des dizaines d'anciens rappelés du Service national rassemblés depuis deux jours au jardin de la Grande-Poste à Alger. Livrés à eux-mêmes, ces oubliés de la tragédie noire sont déterminés à aller jusqu'au bout. «Nous n'allons pas bouger d'ici jusqu'à satisfaction de nos revendications», affirme Benyettou Abdelkrim, membre du conseil national des anciens rappelés. Ils réclament, entre autres, la promulgation d'un statut particulier, le droit à une pension mensuelle, l'accès aux soins et de bénéficier de la loi sur la Réconciliation nationale. Selon notre interlocuteur, une plate-forme de revendications a été remise au ministère de la Défense, en vain. «Nous avons rencontré les représentants de Gaïd Salah à trois reprises, durant le mois de mars et nous avons fixé un ultimatum, mais aucune suite n'a été donnée», explique notre interlocuteur en réitérant sa détermination à occuper les lieux jusqu'à ce qu'une décision soit prise.«Tous les dossiers relatifs à la décennie noire sont pris en charge, sauf le dossier des 123.000 rappelés de l'ANP qui ne sont pas réglés depuis plus de quatre ans dont nous avons fait part de son délaissement», déplorent les rappelés de l'ANP, sur place. Durant la période 1995-1999, ces derniers ont perdu 17.000 de leurs camarades dans la lutte contre le terrorisme criminel. Ces derniers affirment avoir attendu le rétablissement de la paix pour réclamer leurs droits. «Nous ne pouvions pas manifester avant la levée de l'état d'urgence», explique un autre agent sur place. Au-dessus de la mêlée politique et des querelles partisanes, les rappelés de l'ANP interpellent les consciences. «Nous sommes apolitiques. Aucun parti ou clan ne peut nous récupérer. Nous avons l'amour du pays dans le sang et nous n'accepterons aucun pardon contre la trahison du peuple», ont-ils ajouté. Relatant la situation très difficile qu'ils vivent actuellement, en plus du sentiment de délaissement, le regret des promesses non tenues, à commencer par celles qui ont été données à Aïn Arnat à Sétif: les rappelés demandent juste un devoir de reconnaissance. Très conscients de la valeur du devoir accompli, les manifestants qui sont venus des quatre coins du pays, attirent l'attention: «C'est grâce à nous que l'Algérie a retrouvé la paix et qu'elle est reconnue à l'échelle mondiale en termes de lutte contre le terrorisme, y compris les USA, la France et la Grande-Bretagne qui ont tiré des leçons de notre combat», ont-ils fait remarquer. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a, en personne, reconnu la légitimité de leurs revendications, mais dans la réalité, rien n'est fait afin de les prendre en charge à temps. Oubliés ou marginalisés, ces éléments qui ont affronté la mort jour et nuit durant la décennie noire avant de retrouver la paix et la stabilité nationales, devraient être les premiers à ouvrir droit à une considération nationale avant qu'elle ne soit matérielle, font partie désormais des Algériens qui revendiquent des droits élémentaires et légitimes. «Celui qui s'attaque au pays, se trouve dans la même position que celui et ceux qui s'attaquent à leurs parents. C'est le mandat de dépôt qu'ils récoltent après tout», ont-ils affirmé, avant de souligner que la patience a des limites pour rappeler leur longue attente et sacrifice pour le pays.