Ne pouvant souffrir son expulsion par arrêt définitif, Abdellah B. se comporte en... vandale! Un beau flash-back pour nos lecteurs juillettistes qui prennent des bains de soleil un peu partout... Maître Nora Ould El Hocine-Chelli et Maître Hamoudi avaient, il y a quelques années judiciaires, avant même l'arrivée des deux «Tayeb» à la chancellerie, eu à affronter la délicieuse Souraya Benhamiche qui présidait alors aux destinées de la section correctionnelle de Sidi M'hamed, Alger, avec un doigté du tonnerre. Abdellah B, né en 1941 et ayant vécu assez longtemps les affres de l'émigration (la période du pauvre Malik Boussekine), est poursuivi pour destruction de bien d'autrui, fait prévu et puni par l'article 407 du Code pénal, un délit pas si sucré que l'on puisse l'imaginer. Dans ce délit, il y a beaucoup à dire et écrire. C'est un délit où les circonstances atténuantes sont «persona non grata»; au contraire, elles sont souvent aggravantes... Et rien qu'à voir le prévenu blond de 1,82 m, beau mais meurtri par les poursuites, on a peine à imaginer ce bel «athlète» assis au milieu de malfrats, d'inculpés, de récidivistes, en attendant son passage à la barre. Il pleure. Il pleure à grosses larmes. Un avocat souffle à l'oreille de Maître Chelli-Ould El Hocine: «C'est de la pure comédie!» Elle hausse les épaules, préférant plutôt suivre l'interrogatoire et préparer mentalement son énergique et brève intervention qui fera certainement «boom!» Entre-temps, le détenu répond en gigotant avec de grands gestes du bras gauche, le droit étant immobilisé dans une attelle au bandage blanc sale avec cette humidité noire qui occupe les lieux toute l'année, faute d'aération par la présence quasi éternelle de rideaux rouges pleins de poussière, aussi noire que la robe des magistrats et des avocats. Et les réponses avec une gestuelle comique font que la présidente fait un effort pour retenir un fou rire légitime car l'inculpé se ballade maintenant entre le pupitre du taciturne procureur et la juge qui accepte avec fair-play qu'il approche de son pupitre. Il ouvre sa chemise verte d'où il sort des documents qui n'ont rien à voir avec l'inculpation. Et l'inculpation repose sur les rudes termes de l'article 407 (loi n°82-04 du 13 février 1982) qui dispose que: «Quiconque, volontairement détruit ou dégrade par tout autre moyen, en tout ou en partie, l'un des biens visés à l'article 396, appartenant à autrui, est puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 500 à 5000 DA, sans préjudice de l'application des dispositions des articles 395 à 404, s'il échoit. La tentative du délit prévu au présent article est punie comme le délit lui-même. Le comble pour Abdellah B, c'est que son fils lui aussi poursuivi pour le même délit, est absent à la barre. Pour excuser son rejeton, l'inculpé balance qu'il se trouve à El Menia (Laghouat) chez son oncle maternel, malade, alité, mal en point. Les débats vont donc permettre à l'assistance d'apprendre que la partie civile représentée par une jeune et coquette femme ingénieur, gérante d'un local spécialisé dans la sécurité, était à la barre en vue de réclamer des dommages et intérêts de 45 millions de centimes, montant de redevances téléphoniques. «Il venait souvent appeler longuement ses soeurs installées à l'étranger», avait marmonné Akila Z., qui a été presque surprise par la réplique de l'avocat: «Si vous n'êtes pas d'accpord avec votre frère Ali pour la location du local, c'est votre problème!» Là aussi, Abdellah pleure et à chaudes larmes. Benhamiche, la juge, refuse la position de l'inculpé. «Eh! inculpé. Vous n'êtes pas question dans le dossier de coups de fils abusifs, onéreux. Alors, calmez-vous et ne tentez plus de répondre à la victime. Ne répondez qu'au tribunal en évitant de regarder du côté du siège du ministère public!» La juge avait cessé de gronder. Maître Ould El Hocine a des questions à poser. La présidente marche. Elle n'aura pas les réponses attendues par l'avocate blonde d'Alger qui plaidera juste ce qu'il faut, en droite ligne, avec le mini-réquisitoire du parquetier qui a demandé une peine d'emprisonnement ferme d'un an! L'inculpé, lui, a repris ses mouvements dans la «surface de réparation» de la barre. Il marmonne des mots. Il invoque Allah, l'index levé vers le pupitre du tribunal où Benhamiche avait enfin «lâché» son fou rire tu depuis le début du procès. L'hilarité générale avait noyé l'atmosphère de la salle dans une ambiance qu'avait créée l'inculpé alors que le procureur avait retrouvé sa sérénité, son attitude austère d'où le sourire avait fondu comme neige au soleil. Seule Maître Nora Ould El Hocine avait elle aussi retrouvé son beau visage marqué par sa passion: défendre les faibles et les opprimés. En annonçant la mise en examen sous huitaine du dossier, la présidente allait, encore une fois, se farcir le énième numéro de Abdellah B. qui quittera la salle d'audience, en levant le bras et les doigts en «V» signe qu'il avait saisi qu'à l'issue du verdict, il allait retrouver sa liberté pour un délit qu'il n'aurait jamais pu effectuer, car, mon Dieu, briser des vitres, des persiennes du local loué, en guise de sales représailles à la suite de son expulsion par arrêt de la cour, relève de la seule et unique psychiatrie et au lieu des «Quatre Ha» on aurait pu l'envoyer à «Drid Hocine» où les soins valent mieux que l'incarcération signe de la sauvagerie de gens qui ne respectent pas la société et ses institutions. Quant à Benhamiche, elle était passée à une autre grave affaire relevant de la loi 04-18 du 25 décembre 2004 qui n'existait pas à l'époque mais étudiée sous l'appellation de trafic de came.