Dans sa livraison d'hier, le quotidien marocain Al Massae, a annoncé que l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahara occidental sera reçu aujourd'hui par Salaheddine Mezouar, ministre marocain des Affaires étrangères. Si, pour les profanes, la rencontre entre les deux hommes est anodine, pour les spécialistes elle revêt un caractère de première importance. Elle symbolise le bras de fer entre le Maroc et l'ONU. La provocation du Makhzen lancée à la face de la légalité et du droit international. En diplomatie, il faut mesurer la portée de ses déclarations. Un art que ne maitrise pas le ministre marocain des Affaires étrangères qui, apparemment, ne redoute ni le retour de manivelle et encore moins le ridicule. Le chef de la diplomatie marocaine en fait les frais. Il doit se faire violence. Il déroulera le tapis rouge à l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahara occidental après l'avoir décrété persona non grata dans les territoires occupés il y a moins de trois semaines. Il y a des mots qui sont difficiles à prononcer lorsque l'on a face à soi la personne concernée ou ciblée. Mezouar prouvera-t-il le contraire? Osera-t-il le lui répéter les yeux dans les yeux? Certainement pas car il faut un sacré courage. Il préférera très probablement abdiquer, faire le dos rond, en attendant que le représentant personnel du secrétaire général de l'ONU ait tourné les talons pour revenir à la charge. Un type de couardise qui est devenu une marque de fabrique royale. «Il n'a rien à faire ici bien sûr. C'est hors de question qu'il se réunisse avec qui il veut à El Ayoune», a déclaré Salaheddine Mezouar dans un entretien accordé à l'agence de presse espagnole EFE en marge de la visite du souverain marocain à El Ayoune (capitale occupée du Sahara occidental) où il a célébré, le 6 du mois en cours, le 40e anniversaire de l'invasion du Sahara occidental. Il pousse l'outrecuidance jusqu'à fixer des lignes rouges au représentant personnel du SG de l'ONU tout en lui signifiant que de toute façon le dernier mot reviendra aux Marocains. «Le cadre de sa mission est de faciliter une négociation, et pour ce faire il peut se rendre à Alger, à Tindouf et à Rabat. Il peut proposer plusieurs choses que nous pourrons accepter ou pas; nous lui expliquons que cela ne s'inscrit pas dans le cadre de sa mission et lui il comprend et accepte», a indiqué de manière hautaine le chef de la diplomatie marocaine dans la foulée de l'appel du SG de l'ONU à une reprise de «véritables négociations» entre le Maroc et le Front Polisario. «J'appelle instamment toutes les parties dans la région et au sein de la communauté internationale la plus large de tirer profit des efforts intensifs menés par mon envoyé personnel (Christopher Ross) pour faciliter le lancement de vraies négociations dans les prochains mois», avait déclaré Ban Ki-moon, le 4 novembre dernier, à partir de New York. La sortie médiatique de Salaheddine Mezouar n'est en fait qu'un remake de la réaction de la diplomatie marocaine vis-à-vis de l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahara occidental il y a un peu plus de trois années. Christopher Ross, qui devait se rendre dans la région, à la mi-mai 2012, avait été contraint d'annuler sa visite lorsque le Maroc avait décidé de lui retirer sa confiance. «Les comportements contrastés de M.Ross s'écartent des grandes lignes qui ont été tracées par les négociations au Conseil de sécurité. Pour cela, le Maroc a décidé de retirer sa confiance à l'émissaire de l'ONU au Sahara occidental», avait indiqué un communiqué du gouvernement marocain daté du 17 mai 2012. Une situation qui confirme que Christopher Ross n'est pas en odeur de sainteté au royaume. Mezouar possède-t-il assez de cran pour le lui dire les yeux dans les yeux? Gageons à ce que les murs du Palais royal veilleront à ce que ne s'ébruitent de tels propos...
