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Le testament d'un gentilhomme berbère
Publié dans L'Expression le 03 - 02 - 2016

Cette année 2015 s'est terminée par un événement aussi émouvant qu'insolite. Je ne parle pas de la confirmation par le président des dispositions privant de la nationalité les terroristes condamnés. C'est une mesure assez mitterrandienne et qui me semble plus gratuitement maladroite que déshonorante (Matthieu Croissandeau a dit sur ce sujet tout ce qui me paraissait devoir être dit). J'évoque ici la solennité rurale avec laquelle les Algériens ont organisé en Kabylie même, territoire rebelle, les obsèques du dernier gentilhomme berbère de la révolution algérienne, Hocine Ait Ahmed. C'est presque une légende, mais lourde de signification. Voici un leader politique qui n'a pas cessé d'être écarté ou de s'éloigner de l'Algérie indépendante, et qui, soudain, sur décision du dernier président en date, se voit célébré au panthéon des héros révolutionnaires. Dans la foule venue de loin vers «la Colline oubliée» (titre du roman célèbre de Mouloud Mammeri), tous n'étaient pas forcément des inconditionnels de ce personnage à la fois redoutable et hautain, pathétique et intello, profondément rebelle et passionnément respecté.
Il était intensément attaché même aux aspects les plus sauvages de son pays, avec parfois des accents que Jean Giono a su trouver pour parler de Manosque et des Alpes-de-Haute-Provence. Quels sont les aspects politiques de cette célébration? Ils sont nombreux. Il faut d'abord se souvenir que ce pays a joué dans la vie des Français un rôle qui continue d'être actif, comme le montre bien le livre de Benjamin Stora et Alexis Jenni, «Les Mémoires dangereuses» (voir entretien p.59), mais aussi hélas dans la vie des Algériens quand les islamistes avaient gagné le premier tour des élections législatives en 1991, sans pouvoir atteindre le second puisque celui-ci fut supprimé sur ordre des généraux. Cette première victoire légale des islamistes, suivie de leur premier échec, a lentement mais sûrement «radicalisé», selon le mot en usage, toute une partie de l'islam méditerranéen. C'est de là qu'une guerre civile a éclaté, faisant plusieurs dizaines de milliers de morts. Quand on parle de la «guerre d'Algérie», nous évoquons nos lointains souvenirs, mais les Algériens, eux, pensent à leurs deuils récents et les islamistes, à leur échec. C'est d'Algérie qu'est parti le mouvement d'islamisation qui est passé par Londres, par l'Afghanistan pour aboutir plus récemment à la Syrie. L'actuel président de la République algérienne n'a dû le succès de son premier mandat qu'à la volonté générale d'en finir avec les atrocités. Il a longtemps été l'artisan de la réconciliation. Les Kabyles étaient en général de son côté tout en détestant les généraux. La longue expérience de la libération commença par la prospérité grâce au prix du pétrole. L'Algérie était un pays riche dont le peuple était pauvre. L'islamisme était contenu, mais l'islam y demeurait rigoureux. Il faut avoir en tête que, tant que dure la guerre de Daesh, le Maghreb est en danger. La Libye l'est déjà, et la Tunisie retient son souffle.
C'est dans ces circonstances conflictuelles qu'Ait Ahmed quitte la vie, ce qui donne à son départ des dimensions testamentaires. Une grande partie des Algériens voudraient retrouver les rêves de liberté et de démocratie qui étaient préconisés par le leader kabyle. Pour rester dans ce domaine, celui de la compatibilité de l'islam avec la démocratie, il y a eu comme d'habitude une profusion de débats chez les intellectuels selon leur expérience, leurs études, et peut-être leur idéologie. Je n'oublie pas - comment le pourrais-je? - ce qui s'est passé aux dépens de
«Charlie Hebdo» il y a exactement un an. Les images que l'on revoit à la télévision sur les manifestations d'unité nationale et populaire contre l'assassinat de nos confrères sont presque aussi réconfortantes que l'unanimité de l'horreur inspirée par le massacre. Alors, on s'affronte au sujet de l'islam et du droit au blasphème. Et sur ce sujet aussi il y a un petit livre très précieux («blasphème», de Jacques de Saint Victor, chez Gallimard) qui rappelle que, pour ne pas risquer d'offenser les fidèles de la religion musulmane, certains seraient prêts à restreindre la liberté de la presse, c'est-à-dire l'un des fondements de la démocratie.
C'est vrai que les caricatures posent un autre problème que les textes, et que la puissance émotionnelle de l'image et de l'humour l'emporte souvent sur celle des mots. Mais, sur ce chemin-là, on croise le danger de l'autocensure et de la restriction de pensée. Il y a surtout un sentiment que je n'arrive pas à comprendre quand il s'agit de penseurs libres. Je demande ainsi à Jacques Rancière, à Pierre Rosanvallon et à chacun d'entre nous au nom de quoi nous nous interdirions de poser les questions que des dizaines de milliers de fidèles se posent dans un monde musulman qu'ils veulent réformer. Parce qu'ils en sont les premières victimes, les intellectuels musulmans ont davantage de légitimité lorsqu'ils les posent que les moralistes de l'extérieur: ce sont leurs combats qu'il nous faut partout partager et propager. Ces questions sont bien sûr celles des raisons pour lesquelles l'islam sécrète l'islamisme. Afin d'éviter l'ancienne arabophobie coloniale et la nouvelle arabophobie antiterroriste, nous imposerions là une ethnologie préférentielle très particulière. Ce n'est pas ce que le cher, le grand Hocine Ait Ahmed aurait approuvé.


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