Suscitée par le gouvernement pour financer le déficit de la balance des paiements qui a été vivement altérée par la chute des prix du pétrole, la dévaluation du dinar peut s'avérer dangereuse à moyen terme. A Port-Saïd, la vraie Bourse d'Alger, l'euro flambe. Un euro est échangé contre 192 dinars. Et la tendance haussière ne compte pas s'arrêter à ce niveau car elle constitue le résultat d'un processus de dévaluation du dinar sur le moyen terme. Selon Ali Benouari, expert financier international et ex-ministre algérien du Budget, celle-ci peut atteindre, d'ici 2017, plus de 60% en raison de la politique gouvernementale en cours. «Le budget 2016 pourra encore être financé par ce qui reste encore dans le FRR. Mais en 2017, et si le prix du pétrole ne remonte pas significativement (au-dessus de 80 dollars), ce qui est peu probable, il est à craindre que la dépréciation du dinar atteigne des sommets. Peut-être 300 dinars pour un euro, peut-être plus. C'est l'ampleur de cette dépréciation à venir qui explique sans doute que le pouvoir ait choisi de commencer à dévaluer dès 2016, afin que l'ajustement ne soit pas trop brutal. Comme on le voit, la marge de manoeuvre du pouvoir est étroite», explique-t-il. En effet, à l'en croire, la dépréciation actuelle du dinar est provoquée sciemment par le gouvernement afin d'éviter la brutalité d'une dévaluation surprise même si, pour des raisons politiques, il ne l'assume pas. Dans ce sens, Ali Benouari considère que «cette dévaluation rampante non assumée publiquement répond à un double souci: celui de financer l'important déficit budgétaire et celui de financer le déficit croissant de notre balance des paiements». «La dévaluation s'impose aujourd'hui comme la seule issue. La politique pratiquée jusqu'ici, depuis le commencement de la chute du prix du pétrole, fin 2013, a consisté à effectuer des ponctions sur le Fonds de régulation des recettes (FRR) et sur les réserves de changes pour financer les déficits en question. Cette politique de fuite en avant est en train de montrer ses limites. Car les réserves de changes s'épuisent dangereusement et il est vraisemblable que le FRR sera épuisé à la fin de cette année», analyse-t-il. De ce fait, est-il aisé de conclure, il ne reste que peu de choix pour le gouvernement. En effet, selon Ali Benouari, «pour financer le déficit de la balance des paiements, il faut, soit continuer à ponctionner les réserves de changes, qui s'épuiseront au plus tard à l'horizon 2019 (entraînant le pays vers une situation très grave, proche de la famine), soit adopter une politique volontaire de baisse drastique de la demande (ce qui se traduira immédiatement par des émeutes de grande ampleur qui risquent de déstabiliser le régime), soit laisser glisser le dinar progressivement, dans le but, là aussi, mais de façon non assumée, de faire baisser la demande solvable et donc in fine les importations». Néanmoins, prévient-il, «les effets seront quasiment identiques dans tous les cas de figure» et«se traduiront par une austérité générale qui conduira à la paupérisation du plus grand nombre et à la hausse du chômage». Sous un autre angle, ajoute-t-il dans le même sens, «pour financer le déficit budgétaire, qui est colossal (plus de 12% du PIB), la solution sera aussi la dévaluation du dinar car c'est le seul moyen de faire rentrer rapidement les recettes fiscales nécessaires». Toutefois, même dans ce cas, le choix est difficile à faire selon lui. Parce que, explique-t-il,«vu l'ampleur du déficit, la dévaluation à effectuer devra être nécessairement importante». En conclusion, Ali Benouari considère que cette politique monétaire du gouvernement ne donnera aucun résultat. Bien au contraire, il prévoit, à moyen terme, «une stagnation (récession + inflation) qui n'épargnera aucun secteur et entraînera des mouvements sociaux de grande ampleur».