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L'Histoire accable ses bourreaux !
TRAITE D'AMITIE ALGERO-FRANÇAIS
Publié dans L'Expression le 10 - 09 - 2005

La «pacification» de l'Algérie dans le sang et la barbarie...
Etait-ce le coup d'éventail le prétexte pour coloniser l'Algérie? Non ! Les visées expansionnistes de la France dataient depuis longtemps, en somme, un duel de trois siècles où se sont mêlés l'Eglise, les monarques et les ordres religieux. Tous se sont ligués contre notre pays, poussés par cette fièvre anti-musulmane. La France, plus particulièrement, a mené une guerre continue contre les Algériens, bien qu'en 1534, il y eut ce moment de répit quand François 1er, affaibli par la guerre contre les Espagnols, fit appel aux Algériens pour sauver sa couronne. Il y eut cette «Alliance du lys et du croissant» dont l'Histoire de France ne parle même pas.
Au XVIIe siècle, les rapports s'envenimèrent de plus en plus entre nos deux pays car le «renouveau religieux en France prêchait ouvertement la Croisade au Maghreb, et les prêtres, devenus consuls, propageaient l'emploi de la force pour résoudre les problèmes avec Alger». La situation allait connaître une recrudescence des conflits. Elle s'aggrava de plus en plus et, sous le Consulat, et ensuite sous Napoléon, en 1808, la France voulait atteindre coûte que coûte notre pays au moyen d'actions belliqueuses. Napoléon, selon Loverdo, envisageait l'occupation, non seulement de l'Algérie mais aussi des deux autres Régences, celles de Tunis et de Tripoli afin d'établir, dans ces pays, trois colonies militaires françaises. Il était confirmé, écrivait Moulay Belhamissi, que «Bonaparte voulait, par ce biais, résoudre certains problèmes intérieurs: occuper l'armée, se débarrasser de généraux rivaux, de chefs turbulents, entraîner l'obéissance immédiate d'un territoire égal au quart de l'Europe pour distribuer autour d'Alger des concessions afin d'indemniser les victimes de la révolution».
La tension entre les deux pays demeurera entière jusqu'au blocus et à l'expédition de 1830. C'est pourquoi, et nous le savons tous, la «France, par son agression, ne visait pas à liquider la querelle née de la mauvaise foi de ses gouvernants dans l'affaire des créances algériennes et de la provocation par laquelle son consul général avait piégé un Dey trop spontané et coléreux», écrivait Mohamed-Chérif Sahli. La France, comme expliqué auparavant, se préparait bel et bien, et depuis longtemps, à investir notre pays. Elle avait de sérieuses visées expansionnistes.
Ainsi, dans cette troisième partie, je mets en exergue cette barbarie - et le terme n'est pas exagéré -, par laquelle se sont caractérisés les tenants du nouvel ordre colonial français qui ne veulent pas reconnaître, aujourd'hui, à l'heure de la vérité, leurs crimes contre notre peuple..., en somme, contre l'Humanité.
Le tristement célèbre général de Bourmont disait à ses soldats qui saccageaient et dévastaient le pays: «Vous avez renoué avec les Croisés». Triste constat venant de gens qui s'affublaient de ces grandes étiquettes de «civilisateurs» et, encore plus, de «pacificateurs». Quant au préfet de Constantine de l'époque, il s'exprimait ainsi dans un discours qu'il avait prononcé à Khroub, en 1925: «Sachez que tout le sang des musulmans n'équivaut même pas à une goutte de sang d'un Français». Deux «convictions» de responsables, dont l'inspiration se trouvait à la même hauteur que leur répugnante vision de colonisateurs qui, engagés dans le triste métier de bourreaux, «allaient acquérir un Etat qui offrait des ressources considérables...». Peut-être n'y avait-il pas un endroit mieux choisi pour débarrasser la France de la partie mécontente de sa population?
Des voix s'élèvent, dans l'Hexagone pour dénoncer cette expédition. Le député Alexandre de Laborde s'exprimait en ces termes: «Mais enfin, cette guerre est-elle juste? Non, vraiment, je ne crains point de le dire, non. Un jury politique, un congrès européen, comme le rêvait Henri IV, ne l'aurait point pensé. Il aurait résumé cette affaire: le Dey réclame, on le vole, il se plaint, on l'insulte, il se fâche, on le tue».
Les archives sont là pour dire que ce fut une «sale guerre», dirigée par une horde de mercenaires, au profit d'un pays qui se targuait - et se targue toujours - d'être l'initiateur de la fameuse «Déclaration des droits de l'homme et du citoyen» du 26 août 1789 et qui reconnaissait, entre autres, les idéaux fondamentaux dont «la liberté..., la propriété..., la sûreté et la résistance à l'oppression». Et ces événements qui ont rapetissé la France et son corps expéditionnaire, dans sa politique de terre brûlée que ses généraux ont érigée en doctrine, ont-ils pris en considération cette déclaration, son contenu, ses idéaux fondamentaux? Ne peuvent-ils pas témoigner que rien n'a été suivi dans celle-ci, puisque la lutte qui fut imposée à notre peuple n'allait se terminer qu'avec plusieurs millions de morts. Oui, une sale guerre qui faisait dire à un historien socialiste français: Les généraux ne brûlèrent pas le pays en cachette et ne massacrèrent pas les ennemis en faisant des tirades humanitaires. Ils en firent gloire, tous...! Ou cet autre poète, moins connu que l'auteur des «Misérables», mais plus humain, qui lançait courageusement de sa prison ces mots amers, c'est-à-dire sa réprobation contre l'oubli, savamment tissé autour de pénibles événements: «Nous nageons dans la honte jusqu'au poitrail. Nous sommes devenus des porteurs de fumier!».
Citons encore des témoignages ahurissants. Voyons ce que fut cette soi-disant pacification de la France humanitaire. Et c'est à partir de là que nos jeunes comprendront pourquoi nous nous sommes élevés, ces derniers temps, contre cette inconvenante «reconnaissance» de l'action coloniale dans notre pays, en somme contre cette dangereuse atteinte à l'Histoire de l'Humanité.
N'est-ce pas hideux lorsqu'on évoque cette opération du 6 octobre 1832 et ses 12.000 morts, où le général Rovigo décrivait lui-même des monstruosités en se targuant d'être revenu «victorieux» d'une opération avec des trophées de guerre? N'a-t-il pas décrit, avec une parfaite précision, que des têtes coupées et accrochées sur des lances, que des membres arrachés de corps mutilés ainsi que des bijoux de qui ornaient encore des mains et des oreilles coupées, furent exposés à la rue Bab Azzoun? Cette sauvagerie, dont était fier le général, fut confirmée par un rapport de la commission française d'enquête qui notait: «Nous avons dépassé en barbarie ceux-là mêmes que nous sommes venus civiliser». Ce même général, de son vrai nom Savary, ancien préfet de police de Napoléon Ier, recommandait à ses soldats, dans un style lapidaire: «Des têtes!».
Un autre bourreau, le colonel de Montagnac, écrivait avec beaucoup de mépris et de cynisme: «Selon moi, toutes les populations qui n'acceptent pas nos conditions doivent être rasées. Tout doit être pris, saccagé sans distinction d'âge ni de sexe. L'herbe ne doit plus pousser où l'armée française a mis les pieds». Quant au maréchal Saint-Arnaud, ce sanguinaire qui n'avait rien à envier à Tamerlan, le sinistre barbare, il écrivait en ces termes à son frère: «Les beaux orangers que mon vandalisme va abattre ! Que ne puis-je t'envoyer cette jolie forêt-là à Noisy. Ta erait bien heureuse. Je brûle aujourd'hui les propriétés et les villages de Bensalem et de Belkacem Oukaci...Tu peux dire à Rousset que j'ai beaucoup détruit et brûlé. Il a raison de me traiter de Goth et de vandale...»
De cela, l'Histoire de France ne dit mot, mais notre peuple se souvient. Il se souvient et se souviendra toujours car ces «étincelantes performances» se transmettent de génération en génération. Il saura que, du temps de l'Emir Abdelkader, les batailles faisaient rage contre les troupes du maréchal Vallée et du général Bugeaud, dans la plaine du Gris, à Mostaganem et dans le reste de l'Oranie, à l'Arbaâ Nath Irathen, dans la Mitidja. Notre peuple apprendra que Constantine résista longtemps et que Ahmed Bey donna l'exemple par son courage et sa détermination en se détachant de l'administration turque qui semblait non concernée par l'invasion française. «Sachez que la mort sous les remparts de Constantine vaut mieux que la vie sous l'autorité française», répondaient de jeunes combattants au commandement des forces coloniales qui leur demandaient la reddition.
Blida et Médéa se souviendront-elles aussi de Clauzel qui, seul, avait rempli des pages d'horreur dans les chroniques de l'occupation française? Boumezrag et son fils, de valeureux chefs, ont eu à subir se s. Icherridène, dans les montagnes de Kabylie, se souviendra du maréchal Randon et les jeunes apprendront l'épopée glorieuse de cette héroïne, Fathma N'Soumer qui, par sa bravoure et sa dignité mena cette grande armée d'envahisseurs aux méthodes répressives.
Oui, le peuple se souviendra de 1860 quand 200.000 colons dépossédèrent leurs frères algériens des meilleures terres et s'installèrent de force à leur place. Il se souviendra de ces 100.000 hommes que la France avait opposé, en 1864, au soulèvement des Ouled Sidi Cheikh, dans le Sud oranais. Là aussi, elle s'était distinguée dans la destruction et la barbarie.
Notre peuple se souviendra de 1871, après que tant de généraux, experts en férocité, ont démontré ce dont ils étaient capables. Il se souviendra de cette date puisque ses aînés s'étaient organisés, d'est en ouest et du nord au sud, pour généraliser le combat et faire subir de grandes pertes au colonisateur. Il se souviendra de tout cela, bien sûr, et ne pourra jamais oublier ses bourreaux dont l'évocation des noms, seulement, le fait tressaillir. Ces noms représentent pour nous, Algériens, ces coupeurs de têtes, ces spécialistes des enfumades, ces destructeurs de mosquées, ces brûleurs de récoltes, ces dévastateurs de jardins et d'arbres fruitiers, ces saccageurs de cimetières..., ces sinistres tueurs qui avaient fait de la violence et de la sauvagerie leur credo, ce qui faisait dire à un député d'alors qui constatait la bestialité dans la ville d'Oran: «Nous avons plus ruiné et plus dévasté que le tremblement de terre de 1789».
Franchement, la France peut-elle être fière de sa «pacification» de l'Algérie lorsqu'elle revisite les «exploits guerriers» de ses armées? Celles-ci n'ont-elles pas fait la même chose que les pionniers américains quand ils voulaient exterminer les Indiens? Le colonisateur de 1830 avait, en plus de ses velléités annexionnistes, éloquemment confirmé dans la pratique, comme une résurgence de cette doctrine des «fameuses croisades». N'est-ce pas l'avis de l'archevêque de Paris, après la prise d'Alger: «C'est la croix victorieuse du croissant, l'humanité triomphant de la barbarie?» Ou celui du général de Bourmont qui affirmait: «Vous avez renoué avec les croisés, vous venez de rouvrir la porte du christianisme en Afrique?»
Mais ces hommes avaient oublié qu'ils n'étaient pas plus nobles et plus humains que ces Algériens qui avaient, de tout temps, démontré ce que voulaient dire la noblesse et la générosité, des qualités ancestrales, prônées par l'islam dont le Coran est sa source de foi. En effet, quand l'Emir Abdelkader, le victorieux combattant de l'époque, écrivait à la reine Amélie, épouse de Louis Philippe: «Au lieu de m'envoyer tes glorieux fils pour me combattre, ils ne viendront que pour m'aider à jeter dans mon pays les fondements d'une civilisation à laquelle tu auras aussi coopéré...», ses ennemis, Saint-Arnaud, Pélissier et autres Bugeaud et Trézel, lançaient à leurs troupes: «On ravage, on brûle, on pille, on détruit les maisons et les arbres...», ou encore: «Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sheba. Fumez-les à outrance comme des renards». Deux conceptions hélas différentes et des moyens fortement inégaux!
Ces colonisateurs n'ont-ils pas de remords, quand des jeunes d'El Eulma et d'ailleurs ne peuvent leur pardonner d'avoir baptisé leurs villes du nom de ces criminels Saint-Arnaud ou cet autre, le colonel de Montagnac qui avouait lui-même: «Pour chasser les idées noires qui m'assiègent quelquefois, je fais couper des têtes. Non pas des têtes d'artichauts mais des têtes d'hommes?»
Rien n'est épargné
Même les lieux du culte et les sanctuaires du savoir n'ont pas été épargnés. Il y a eu la profanation des mosquées, la destruction des valeurs culturelles de notre peuple et l'importation d'une autre «culture» aux dimensions sociales et politiques dangereuses. Dans Alger seulement, il y avait, avant la colonisation, pas moins de 159 mosquées et lieux de culte et 17 zaouias. C'est dire la floraison d'établissements cultuels avant l'arrivée des colons. Mais l'arrêté du 7 décembre 1830, qui était venu pour froisser les sentiments religieux des musulmans, avait transformé en églises, en casernes et en administrations abritant ses services militaires, des mosquées et des zaouias, vieilles de deux ou trois siècles. La mosquée Ketchaoua a été baptisée cathédrale et occupée de force par le Duc de Rovigo, commandant de la place militaire, le 17 décembre 1831. «La croix et l'étendard de France seront fixés au minaret et salués par des batteries de terre et de mer», répondait-il à l'imam de la mosquée qui protestait énergiquement.
Dénonçons encore les atrocités de la colonisation et n'oublions pas le génocide de 1945, tout juste après la Seconde Guerre mondiale. Les Algériens pensaient qu'après avoir contribué largement, et de leur plein gré, aux côtés de la France, à la victoire des alliés sur les forces du nazisme et du fascisme, les Français leur seront reconnaissants en accédant à leur demande : rediscuter les problèmes de souveraineté ou, tout au moins, leur donner plus de liberté et de droits. La réponse à cette demande, considérée comme une sérieuse provocation, leur fut donnée le 8 mai de la même année, ce jour où le monde entier fêtait la victoire contre les forces du mal.
A Sétif, en ce triste jour, Soual Bouzid, un jeune scout et porte-drapeau, s'écroulait sous les balles des policiers commandés par le commissaire Olivier. Son crime: il chantait l'hymne Min Djlibalina que reprenait en choeur la foule de jeunes qui participaient au défilé de joie. C'était le prélude à la mort de milliers d'Algériens (45.000 exactement) qui allaient tomber sous les balles assassines et dans de terribles massacres dont, entre autres, celui de «Kef El Bomba», à Héliopolis, tout près de Guelma ou ceux des gorges de Kherrata.
Ainsi, «le monde basculait en même temps pour des centaines de milliers de jeunes Algériens. Dans l'horreur des massacres perpétrés sous leurs yeux, ils pressentaient déjà confusément, qu'un jour, pour conquérir la liberté de leur peuple, il leur faudrait à leur tour entrer dans la fournaise», disait un analyste de la Guerre d'Algérie. En effet, de jeunes Algériens, conscients de la gravité de la situation, devaient prendre les armes et, à minuit, en ce 1er novembre de l'année 1954, ont fait entendre aux colonisateurs ce dont ils étaient capables. Ces jeunes ont travaillé dur. Ils ont imposé la lutte armée. Et, pour créer l'unanimité du peuple autour de cette action concrète de recouvrement de la souveraineté nationale et éveiller de grandes sympathies à travers le monde, il fallait aller plus en avant par la prise de possession politique du pays. Le congrès de la Soummam venait juste à temps pour faire le bilan de cette période et prendre de grandes décisions pour revigorer les institutions déjà en place, clarifier le combat politique et tracer un programme d'action avec des structures redéfinies pour soutenir et accroître la lutte jusqu'à la victoire finale. C'était noble de la part des Algériens qui, après avoir épuisé toutes les voies pacifiques devant un colonialisme qui refusait à entendre raison, ont eu recours à la lutte armée pour arracher l'indépendance nationale. Ils avaient compris qu'il fallait combattre un «indu occupant» qui s'était spécialisé dans la brutalité et la férocité et, dans ce cas, comme l'affirmait Bouteflika, ministre de la Jeunesse et des Sports de l'époque, «la violence devient alors un acte de culture!».
Mais les autres, ces indus occupants, ont-ils été des adversaires respectables dans leur acharnement à ne pas vouloir quitter notre pays? Non! Et c'est de notoriété internationale..., la France coloniale a commis d'affreux crimes de guerre dans notre pays. Nous l'avons bien développé pour la période d'avant 1954 et nous nous sommes appesantis, avec des preuves et des déclarations de nobles citoyens français.
1954-1962 fut une période également difficile, douloureuse, pénible pour notre peuple qui a, encore une fois, versé beaucoup de sang et payé un lourd tribut pour recouvrer sa souveraineté nationale. Nous n'allons pas raconter cette guerre car, par sa bestialité et l'injustice qui ont été imposées au peuple algérien, des encyclopédies entières ne pourraient la contenir. Nous nous contenterons de stigmatiser l'aspect criminel qui a présidé à sa conduite du côté de l'armée coloniale et l'attitude fort raciste des gouvernements français, notamment de gauche, qui se sont succédé tout au long de cette guerre.
Un million et un demi-million de martyrs, disent les chiffres. N'est-ce pas un peu exagéré répondent «certains philosophes» qui n'ont connu cette historique révolution que de loin ou dans les salons feutrés de la diplomatie française? Non, ce n'est pas exagéré parce qu'il y a plus et nous n'aurons aucune gêne pour dire qu'il y a eu le double, peut-être même le triple..., qui sait. Effectivement, qui sait, puisque à l'heure où nous écrivons ces papiers, nous découvrons encore d'inqualifiables charniers qui racontent, éloquemment, à leur façon, des massacres collectifs perpétrés dans les zones rurales, contre des populations désarmées et innocentes. Un des proches de Robert Lacoste ne disait-il pas: «Il était à prévoir que des abus se commettraient, sans bien sûr pouvoir en évaluer l'importance...»?
Des abus, toujours des abus, pendant cette guerre qui nous semblait ne jamais se terminer. Nos combattants ne désemparaient pas, nos jeunes se mobilisaient de plus en plus et les colonialistes invétérés déclaraient, dans leurs discours triomphalistes, que nous étions affaissés, cloués au sol par leur pacification, par la torture et la peur. Ils n'évaluaient pas le danger qu'ils causaient à l'humanité, en oppressant un peuple comme le nôtre qui ne demandait que ses droits légitimes.
Notre problème était posé devant le monde entier et les représailles contre les civils redoublaient de cruauté, de même que l'intensification de l'action militaire, la création de «zones interdites» et de «camps de regroupement», le vote de pouvoirs spéciaux pour les généraux en place, la mascarade du «13 mai» avec la «fraternisation» et la création des comités de «salut public». Oui, le monde entier connaissait les souffrances et les larmes de notre peuple assoiffé de liberté.
Messieurs de la colonisation, pouvez-vous cacher à la face de ce monde les massacres de populations, même si vous vous défendez de les avoir commis? Pouvez-vous occulter ce massacre, pire ce génocide des 4 et 5 mai 1959, lorsque vous avez déchiqueté, froidement, à la grenade, dans la grotte du Kouif, 112 Algériens, en majorité des et des enfants? Pouvez-vous taire cette barbarie que vous avez si rapidement ressuscitée en ces manifestations du 11 décembre 1960 où les jeunes étaient sortis, les mains vides, pour crier leur refus du colonialisme et de l'exploitation, ont été fauchés par vos balles assassines! Ils n'ont même pas eu le temps de relever la tête pour faire leur dernière prière. Vos mitrailleuses étaient là, pointées avec insolence, pour ravir l'innocence de ces pauvres gamins. Le journal le Monde annonçait «135.000 soldats, cinq compagnies de CRS et de gendarmes mobiles qui étaient sur le pied de guerre, dans la seule ville d'Alger». Le Figaro écrivait, après avoir décrit des scènes hallucinantes, fantasmagoriques, c'étaient les termes qu'il employait: «Un avion d'observation donnait l'alerte. Gendarmes mobiles et «paras» interviennent rapidement...L'accrochage a fait des morts et des blessés. Les mêmes scènes sanglantes devaient se répéter à Miliana, Bérard, Zéralda et en de nombreuses localités de l'Algérois».
Le jugement de l'Histoire
Allez-vous nous obliger à oublier ces odieuses chasses au faciès et ces lynchages en séries tolérés par votre armée de «pacification»? Allez-vous nous obliger à vous pardonner cette répression monstre «d'Octobre à Paris», lorsque la réponse fut donnée avec une brutalité d'une telle violence à 80.000 Algériens qui ont défilé pacifiquement pour clamer à la population française et à l'opinion internationale leur indignation contre votre politique colonialiste? Sauriez-vous cacher les massacres, les «ratonnades», et les centaines de cadavres d'Algériens que charriait la Seine, indifférente, insensible..., ces Algériens qu'on a précipités et noyés dans ses eaux glacées en cette nuit d'octobre?
Et la torture, ce «moyen judiciaire convaincant» pour arracher des «vérités» de la bouche d'innocentes victimes, devrions-nous l'oublier également? Oui, la torture a été institutionnalisée par les généraux Massu, Bigeard, et autres Challe et le colonel Godard. Paris ne disait mot. Tout baignait. Pour elle le corps expéditionnaire faisait son travail..., un bon travail en Algérie. Les autres? Qui les autres? Les intellectuels français, les Jean-Paul Sartre, André Malraux, Martin du Gard, François Mauriac, Germaine Tillon, le général Paris de Bollardière, pour ne citer que ceux-là, qui ont condamné avec une extrême indignation cette pratique odieuse que ni la morale ni le respect de l'homme ne peuvent accepter? N'étaient-ils pas des «existentialistes» excités ou des traîtres patentés, comme ces porteurs de valises qui ont aidé les «fellagas», les «terroristes» et les «hors-la-loi» du FLN? Peut-être, leur répondaient d'autres Français de souche, mais Jules Roy, bien connu dans les milieux médiatiques et politiques, n'a-t-il pas publié son fameux livre sur la torture: J'accuse le général Massu? Et cet autre, Henri Marrou, professeur à la Sorbonne, n'écrivait-il pas dans le Monde du 5 avril 1956: «Passant à la torture, je ne puis éviter de parler de Gestapo. Partout en Algérie, la chose n'est niée par personne, ont été installés de véritables laboratoires de torture, avec baignoire électrique et tout ce qu'il faut, et cela est une honte pour le pays de la Révolution française et de l'affaire Dreyfus. Je ne puis sans frémir penser au jour où je fus chargé de représenter le gouvernement de la République à une exposition organisée par l'Unesco, en l'honneur de la Déclaration des droits de l'homme. Il y avait là tout un panneau consacré à l'abolition, et non, ô hypocrisie, au renouveau de la torture judiciaire» ?
L'Histoire vous accable, messieurs les bourreaux ! C'est cela, la réalité. Personne ne peut échapper à son jugement. Mais aujourd'hui, au moment où nous voulons tous consolider la prospérité et la stabilité dans notre région méditerranéenne, une loi scélérate du Parlement français vient pour injurier l'Histoire et, du même coup, porter atteinte à la mémoire des millions d'Algériens qui sont tombés pour que vive la liberté et renaisse l'espoir entre les peuples. C'est insensé de vouloir, comme cela, à la faveur d'un texte provocateur, voté par des nostalgiques d'une période de triste mémoire, glorifier «l'oeuvre positive du colonialisme». De quel droit ? Avez-vous pris la peine de mesurer le préjudice que vous alliez causer au pays souverain et au peuple indépendant que nous sommes, et reconnu par vous, en ces termes du général de Gaulle, le 3 juillet 1962 : «La France a pris acte des résultats du scrutin d'autodétermination. Elle a reconnu l'indépendance de l'Algérie. En cette solennelle circonstance, je tiens à vous exprimer, M. le président, les voeux profondément sincères, qu'avec la France toute entière, je forme pour l'avenir de l'Algérie», pour essayer de tempérer vos ardeurs bellicistes ? Et de plus, avez-vous consulté vos consciences ? Avez-vous pensé à toutes ces malheureuses victimes, à leur peine incommensurable, à tous ces dégâts que vous avez produits et à leurs conséquences au sein de notre société ?
A ce propos, nous disons, en bons citoyens, jaloux de leur culture, de leurs repères et de leurs constantes, que la France doit admettre ses torts à l'égard de la nation algérienne. Elle doit avoir ce courage pour reconnaître qu'elle a fourvoyé notre pratique de l'islam, par le biais de ses généraux et de son clergé, qui nous ont promenés dans les prospères anfractuosités de l'obscurantisme, qu'elle a fait de grandes prouesses pour réduire l'influence de notre culture, l'occulter même, pour nous enjoindre sa culture qui ne tenait compte, malheureusement, d'aucune objectivité historique et, encore moins, qui ne répondait à aucune honnêteté intellectuelle, enfin, qu'elle s'est «distinguée» dans l'art de la répression en nous infligeant des sanctions inhumaines. Mieux encore, elle doit aller au devant d'une repentance pour tous les crimes commis par les Saint-Arnaud, Bugeaud, Cavaignac, Rovigo, Pélissier, de Bourmont, Belcourt, Massu, Challe, Papon, et des centaines, voire des milliers d'autres, contre le peuple algérien, durant la période coloniale de 1830 à 1962. Le président Bouteflika s'est longuement exprimé dans ce contexte, il n'est pas le seul à penser de la sorte, c'est tout le peuple algérien qui exige que cette loi soit abrogée et que les Français demandent officiellement, publiquement, pardon...Ils pourront le faire..., c'est un acte courageux, simple, un acte de gens civilisés qui conçoivent l'avenir commun dans la franchise..., un avenir qui «commande d'effacer encore une fois tous les obstacles objectifs et subjectifs pour construire un projet dont le traité d'amitié sera la route et le fondement constitutif d'une relation privilégiée dans tous les domaines».
K. B.


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