La confusion était totale hier au lendemain de législatives très serrées qui laissent un arrière-goût dans la classe politique allemande. «Confusion», la ‘'pire des choses'' qui pouvait arriver, ‘'scénario catastrophe'', les commentaires allaient bon train hier dans la classe politique, les colonnes des journaux et des médias allemands. De fait, en renvoyant dos-à-dos les deux grands courants allemands, les conservateurs du CDU-CSU de la possible nouvelle chancelière, Angela Merkel, 59 ans, -qui remportent de justesse les législatives avec 225 sièges-, et les socialistes du SPD du chancelier sortant, Gerhard Schröder, 61 ans, -qui calent à 222 sièges-, l'électorat allemand -en ne désignant pas un franc vainqueur- a rendu complexe la tâche du futur cabinet, le mettant d'ores et déjà face à une introuvable coalition de gouvernement. Mais rien n'est en fait joué et plusieurs options d'alliances sont possibles, soit entre le CDU, les libéraux du FDP -ce qui serait une première- et les Verts, soit encore la reconduction de l'alliance sortante, SPD-Vert avec les libéraux du FDP. Mais ce cas de figure reste improbable face au refus des libéraux -qui contestent la politique économique menée ces dernières années par le chancelier Gerhard Schröder- d'entrer dans une telle coalition. Par ailleurs, autant le CDU-CSU que le SDP excluent une alliance entre eux comme cela a pu se faire en 1966-1969 sous les auspices du chancelier Kurt Georg Kiesinger. Mais tout reste possible, d'autant plus que la circonspection de Dresde -qui ne votera que dimanche prochain- sera très disputée entre les deux grands courants politiques, conservateur et socialiste, dans la perspective d'améliorer leur score, encore que les analystes estiment que le scrutin de Dresde n'influera pas grandement sur le résultat d'ensemble. De fait, la classe politique allemande se trouve confrontée à un scénario kafkaïen et bien malin celui qui en démêlera les suites. De fait, autant Schröder que Merkel, -au vu des résultats officiels des législatives de dimanche-, estiment être en mesure de former un gouvernement. Gerhard Schröder, que les analystes donnaient largement perdant, réussissant à sauvegarder l'essentiel, insiste sur le retour spectaculaire du SPD, malgré «la manipulation médiatique» qui le donnait hors course, et a assuré qu'il se sentait en mesure de conserver la tête du gouvernement fédéral, indiquant: «Pensez-vous vraiment que mon parti acceptera de discuter avec Frau Merkel?», dans une première déclaration, dimanche soir. «J'ai le sentiment de disposer du mandat pour garantir qu'il y aura dans notre pays, au cours des quatre prochaines années, un gouvernement stable sous mon autorité.» Conviction que sa concurrente conservatrice, Angela Merkel, est loin de partager et qui indiquait pour sa part: «La tâche de former le gouvernement revient au parti le plus représenté au Bundestag, je trouverai un moyen de discuter avec les sociaux-démocrates». C'est vrai dans l'absolu, mais pas obligatoire, d'autant que l'écart de trois sièges est insignifiant, même s'il donnait, a priori, à Mme Merkel de prétendre conduire le prochain gouvernement allemand. Mais ce n'est pas aussi simple que cela peut paraître alors qu'entrent en ligne de compte les alliances politiques où il sera question de programme, notamment économique, vecteur sur lequel l'unanimité est loin d'exister entre les différents courants politiques. Schröder, autant que Merkel, ont besoin d'une solide coalition pour gouverner, le premier afin de poursuivre les réformes qu'il a initiées, la seconde pour faire ses preuves à la tête de la première puissance économique européenne. Résumant la situation ainsi créée, le quotidien populaire Bild synthétisait la nouvelle donne en titrant hier: «C'est la guerre des chanceliers» alors que le Suddeutsche Zeitung avertit: «Les semaines à venir appartiendront aux machiavels et aux grands stratèges». C'est dire le doute qui régnait hier dans le landernau politique et médiatique allemand. Aussi, unanimes, les médias allemands mettaient hier en exergue les difficultés qui attendaient le prochain gouvernement quelle que soit la couleur politique de la majorité. Les premiers enseignements à tirer de ces législatives allemandes est que Mme Merkel n'a pas réussi, au bout du compte, à concrétiser sur le terrain le capital confiance dont elle semblait bénéficier. En revanche, donné quasiment hors course par les sondages et les médias, Gerhard Schröder a su puiser dans sa hargne, et aussi servi par une longue expérience, rebondir et contester la victoire à sa concurrente conservatrice et néanmoins novice dans le champ politique allemand. Cela a d'ailleurs fait la différence lors des débats télévisés directs entre les deux candidats au poste de chancelier, qui montraient un Schröder à l'aise et maîtrisant ses dossiers, face à une Merkel quelque peu hésitante. C'est tout là l'art de la politique, quelque peu insuffisant chez Angela Merkel, qui a permis à Gerhard Schröder de rétablir une situation présumée désespérée.