Militaire de haut rang à la retraite, intègre, relativement jeune, bardé de diplômes, patriote pétri dans l'esprit de Novembre 1954, mais ce n'est pas suffisant pour conquérir le coeur des Algériens. Après une longue diète, ce ressort du désir, le général à la retraite Ali Ghediri s'est affiché au public à deux reprises en moins de 24 heures. La première en accordant une interview à un média Web, «Radio M» et la seconde en s'exprimant devant les journalistes au forum de Liberté. En observant le général, hier, sur Radio M, il était hésitant, presque effarouché par la caméra et les micros. Il avait des réponses concises, les idées brèves et la parole rare, des qualités qui renforceraient sa stature martiale de général, mais qui, en revanche, siéent mal pour un homme politique qui va à l'assaut de la présidentielle. On s'attendait à voir un candidat qui avait travaillé sa gestuelle, son regard, ses silences et ses réparties qui haranguent et rassurent et mettent en confiance le citoyen qui suit sa prestation. Mais pour cette première sortie publique, il y a comme une erreur de casting. Ghediri a raté son sujet. Certes, «le cinéma» médiatique n'est que l'écume d'une autre réalité mais quand on boxe à ce niveau de compétition, il n'y a pas de place au hasard, à l'improvisation et à la spontanéité. Le moindre geste doit être calculé et la moindre parole épiée. Militaire de haut rang à la retraite, intègre, relativement jeune, bardé de diplômes, patriote pétri dans l'esprit de Novembre 1954 mais ce n'est pas suffisant pour conquérir le coeur des Algériens. La qualité de sa prestation et le choix des supports médiatiques traduisent-ils une méconnaissance des ressorts de la société algérienne? Le général Ali Ghediri qui a sillonné le pays d'est en ouest, du nord au sud, ne l'ignore certainement pas. Si Ghediri aura la latitude de se ressaisir, sa mauvaise prestation soulève par contre un sérieux déficit loin d'exonérer le milieu médiatique algérien: avons-nous des gourous de la communication capables de faire admettre à l'opinion publique un nouveau candidat fraîchement sélectionné? Le cas Ghediri est éloquent à ce titre. L'Algérie manque de spécialistes en marketing politique qui peuvent installer une personnalité au coeur de la vie politique non pas comme un simple produit de consommation courante, vite posé, vite oublié, mais comme une «marque» destinée à durer et à être déclinée au moment opportun. Pour cela, il faut avoir des Jacques Séguala, le créateur de «La force tranquille», le slogan qui a porté François Mitterrand à la présidence de la République française en 1981. Nous n'avons pas de Jacques Pilhan, ce conseiller surnommé «le sorcier de l'Elysée», qui a façonné les relations de deux présidents, François Mitterrand et Jacques Chirac, avec les Français. Nous manquons de Spin Doctors à l'image de Karl Rove, le cerveau grâce à qui George Bush a été élu gouverneur du Texas, puis président des Etats-Unis. Ou alors pouvons-nous prétendre avoir un Chris Hughes, le fondateur de Facebook, qui a fait des réseaux sociaux un outil de propagande politique d'où a jailli, le président Obama? Nous manquons de tous ces ingrédients pour fabriquer un président. Finalement, le personnel politique ne foisonne pas en candidats présidentiables. Cela suppose en premier lieu que l'Algérie n'a pas de personnel médiatique à même de fabriquer des présidents. En 2019, au siècle du tout-numérique, l'Algérie doit se donner les moyens de «fabriquer» un président.