L'Algérie décroche un siège dans le premier bureau exécutif de l'Organisation des jeunes du MNA    Le président de la République reçoit l'ambassadeur de la République libanaise en Algérie    Le Secrétaire général du ministère de la Défense nationale reçoit l'ambassadrice du Canada    Téléphonie mobile: Ooredoo Algérie investit 8,6 milliards DA au 1er semestre    Aïn Témouchent: plus d'un milliard m3 d'eau dessalée produite par l'usine de Chat El-Hilal depuis sa mise en service    Startups: Ouadah salue le lancement du premier fonds d'investissements privé dédié au financement des projets    Attaf reçoit le ministre nigérian des Affaires étrangères    Une plateforme de réservation en ligne supprime les références au "Maroc" sur ses offres d'hébergement au Sahara occidental occupé    Jeux africains scolaires: L'Algérie conserve sa seconde place au tableau des médailles après la 4e journée    Jeux scolaires Africains: la boxe féminine vise le plus grand nombre de podiums    Jeux scolaires africains/Natation: une nouvelle belle moisson de médailles pour l'Algérie lors de la 3e journée    Pluies orageuses accompagnées de chutes de grêle dans 3 wilayas du Sud à partir de jeudi après-midi    Oran: ensemencement de 20.000 alevins de Tilapia rouge    Agressions sionistes contre Ghaza : plus de 232 journalistes tombés en martyrs depuis octobre 2023    Persistance de la vague de chaleur et des orages sur des wilayas du Sud    Les six raisons du faible impact de la revalorisation de l'allocation devises en Algérie de 750 euros sur le cours du dinar sur le marché parallèle    La famine bat son record !    Victoire de l'Algérie devant le Koweït 86-74    Pierre-Emerick Aubameyang, le retour à l'OM    L'Algérie plaide pour une action urgente en faveur de Ghaza    Vers un véritable partenariat algéro-libanais    1,1 million inscrits ont consulté les résultats de leurs dossiers    Les citoyens sensibilisés à la gestion énergétique    Le sarcophage maudit    Du haut du ciel, cette brillance des étoiles nous éclaire    Ballalou met en avant le rôle du CNRPAH et du CRESPIAF dans la protection du patrimoine culturel algérien et africain    Ballalou appelle les opérateurs privés à investir dans les multiplexes cinématographiques    Le président libanais visite Djamaâ El-Djazaïr    Le héros national, le Brigadier de Police Mellouk Faouzi s'en est allé    Ghrieb et Mouloudji à Tlemcen pour mettre en valeur les synergies entre secteurs    CHAN-2025 Parole des Algériens : faire mieux que 2023    Le président de la République honore les champions du BAC et du BEM 2025    De nouveaux tracas    L'artisan de la scène culturelle    Hidaoui souligne l'importance d'encourager les jeunes dans le domaine des médias numériques    Mohamed Meziane installe le nouveau secrétaire général du ministère    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Abracadabrantesque
«L'ensorceleuse» de Abderrazak Bensalah
Publié dans L'Expression le 19 - 12 - 2019

La dernière page du livre tournée, on a poussé un grand soupir de soulagement. Ouf ! Au diable les djinns, les envouteuses, les exorcistes, au diable Lilia, Souheil, Adel, Mehdi, Asma et même la gentille Loubna, Nadjet et la petite et innocente Nardjes. Et puisqu'on y est, pourquoi oublier Antar l'armoire à glace marocaine ? Pourquoi oublier aussi le ripou général Abdesslam, mort de chagrin. Pas un chagrin d'amour, non, de ce côté-là pas de problème, à la place du cœur il avait un coffre-fort, non, chagrin d'un père qui a vu son fils faire la paire ( va pour la rime) et prendre la poudre d'escampette avec la vénéneuse Lilia, femme fatale. Si fatale qu'on s'est dit que l'auteur en fait des tonnes. Ce n'est plus un roman, mais un film de série B indienne. Ce n‘est pas possible qu'aucun mâle,ne lui résiste. Elle fait d'eux ce qu'elle veut, les rejette, les insulte, puis les reprend, puis les rejette, ouste ! Ça relève de la magie ? Non. D'un manque de profondeur des personnages.
Tout le mondeil est beau
Mais présentons d'abord les protagonistes de ce roman si particulier où tout le monde est d'une beauté renversante, tout le monde amoureux de Lilia, tout le monde qui a des réactions de roman de la collection Arlequin. Ce qui n'est pas mauvais en soi. Il fallait juste le mentionner sur la couverture du livre pour cibler un lectorat entre 6 et 16 ans. Non pas que l'intrigue soit puérile, non, à la limite elle se défend, mais dans la naïveté des personnages aux réactions primaires, aux situations abracadabrantesques et aux dialogues désynchronisés.
Il y a d'abord la veuve Asma à la tête d'une entreprise florissante : « Electronic-Algérie. » Elle a beaucoup de cœur et ce qui ne gâte rien, un grand sens des affaires. Elle n'a pas refait sa vie, même si son mari est décédé depuis 18 ans. En cela elle est algérienne jusqu'au bout des ongles.
On sait bien que les veufs se remarient avant même que leur défunte épouse, ne soit froide, alors que les veuves le restent jusqu'à la mort. Voici le portrait sans nuance d'Asma : « Douée d'un sens inné du business, d'une habileté parfaite, et malgré les entraves de l'administration algérienne, Asma fit prospérer la société. Bienveillante et honnête, elle sut former et s'attacher des employés sérieux, fidèles, en qui elle avait une confiance absolue. ». Notez-le : une femme parfaite. Présentons Adel, l'un de ses collaborateurs qu'elle avait pris en charge dès l'âge de six ans à la suite du décès accidentel de ses parents. « Adel, trente-cinq ans, avait un visage doux, toujours rasé de près, éclairé par des yeux bleus très vivaces et déjà sillonné par quelques rides horizontales précoces sur le front. Après de brillantes études en économie, il se fit remarquer par de réelles aptitudes dans la gestion de l'entreprise. Son habileté à traiter les affaires les plus ardues lui valut la confiance de la gérante.Ces deux dernières années, il était devenu pratiquement son associé. » Notez-le : un homme parfait.
Troisième larron, Mehdi, la trentaine « sensible et crédule». Après l'incarcération pour malversation de son père, sa mère l'avait confié à Asma la bonne samaritaine. « Il avait l'œil sur tout. (…)Elancé et athlétique, il avait l'air jovial, des yeux noirs rieurs et une physionomie ouverte, pleine de franchise et d'intelligence. » Notez-le : un homme parfait.
Il y a Loubna la prunelle des yeux d'Asma : « Loubna la cadette était blonde comme les blés mûrs, de petite taille, mais adorablement jolie et distinguée. Elle était diabétique et son état de santé ne lui avait pas permis d'accéder à l'université. » Notez-le : une femme parfaite. Même son diabète est parfait. Et même si son niveau d'instruction n'est pas élevé, on apprendra, deux cents pages plus loin, qu'elle avait un sens des affaires bluffant. Notez-le :une femme parfaite. Il y a Lilia enfin, l'enchanteresse Lilia. Les superlatifs dont l'auteur use pourtant en abondance semblent lui manquer pour la décrire. « L'aînée, Lilia était brune, merveilleusement belle, avec d'admirables yeux verts de jade, d'une profondeur étrange. Grande, élancée, le buste droit, la gorge proéminente, elle personnifiait la beauté dans toute sa splendeur. Son corps était mis sensuellement en valeur par un jean et un tee-shirt. » Notez-le : plus qu'une femme, un ange. Dans cette description d'un être fabuleux, le mot « proéminente » pour la poitrine détonne. Trop trivial pour Lilia dont la poitrine était un très bel ornement à sa beauté. C'est mieux que proméminente, non ?
Le sixième larron, bourreau de Loubna et victime de Lilia est un fils de général à la retraite. Il a pour nom Souheil. Lui aussi a toutes les qualités. « Lefiancé avait la captivante beauté des hommes du désert et des yeux au regard doux. Né d'un père originaire du Sud algérien et d'une mère issue d'une riche lignée constantinoise, Souheil réunissait tous les atouts de ses ascendants. » Notez-le : un homme parfait. Récapitulons. Ils sont tous beaux à en crever de jalousie, tous intelligents. Alice au pays des merveilles. Pas l'ombre d'un physique disgracié, pas l'ombre d'une nuance genre : « Dieu lui a donné la beauté du diable avec aussi son esprit démoniaque. » Exception faite de Lilia. Mais on lui pardonne tout à cause de sa beauté.
Dallas à l'algérienne
Tout ce beau monde tient de la série Dallas. Démonstration. Loubna est amoureuse folle de Souheil qui est lui-même amoureux fou de Lilia qui est tout aussi folle de lui. Il va épouser Loubna qu'il n'aime pas. Un esprit logique se dira : pourquoi n'épouserait-il pas Lilia ? Tout simplement parce que Lilia n'est que la demi-sœur de Loubna qui est le gros morceau dans l'héritage. Notons au passage que le défunt Asfour a eu Lilia avec une très belle maîtresse (on reprend l'auteur) de bas niveau. Quand il est mort, la charitable Asma a récupéré la petite Lilia en rétribuant grassement Nadjet pour qu'elle disparaisse de la vue de l'enfant.
Ce n'est pas fini. Souheil, l'irrésistible, a engrossé et abandonné Ismahen, la sœur de Mehdi. Pour une fois va-t-on tomber sur une femme juste charmante? Description. « Elle (Ismahen) était habillée d'un jean serré qui moulait ses jambes sveltes et d'un chemisier blanc qui faisait ressortir son teint mat et sa longue chevelure châtain clair. Ses yeux marron rieurs dégageaient un charme irrésistible. » Notez-le : une femme parfaite. Ou bien l'auteur est si généreux de nature qu'il voit la beauté partout. Ou bien c'est un auteur frappé d'une sorte de cécité sélective : il ne voit que le beau. Est-il beau lui-même ? On ne sait. Ce qu'on devine, c'est qu'il se voit beau, très beau, un mélange de Souheil, Adel et Mehdi. Une sorte de Richard Gere mélangé à Brad Pit.
Loubna va donc épouser le grand amour de sa sœur, Lilia. Celle-ci, rouge de colère et d'orgueil lui rétorque : « Tu prends le fils d'un général, pourquoi n'épouserais-je pas le fils d'un ministre ? Nos parts d'héritage ne sont-elles pas les mêmes ? » Et non, elles ne sont pas les mêmes. Fils de ministre ? Lilia ne sait-elle pas que les fils de ministres sont en prison, parfois avec leurs pères. Pour se venger Lilia épouse Adel. Pauvre Adel. Il ne sait pas ce qui l'attend. Quant à Mehdi, il est amoureux grave de Lilia. Dans ce roman tout le monde est amoureux de Lilia. Même Lilia est amoureuse d'elle-même !
En matière de dialogue étonnant, en voici un. Une amie d'Ismahen, dépressive, lui parle de son frère Mehdi : « Ton frère Mehdi est à tes côtés, il est beau et fort, tu n'as rien à craindre ! ». Franchement, que vient faire la beauté dans cet argument ? L'auteur aurait écrit : « Il est fort et fhel » on aurait compris, mais beau ? On peut être beau et c… à la fois, comme le chante si bien le grand Brel. Un autre exemple ? Un échange entre Lilia et son mari Adel qu'elle avait abandonné pour fuir à Casablanca avec son amant Souheil. Cocufié jusqu'aux oreilles, bafoué, sa réputation jetée aux chiens comme aurait dit Mitterrand, Adel parvient enfin à localiser la fuyarde. Il la tient à sa merci.
« Comme glacée d'épouvante, elle ne répondit pas. Il se pencha sur elle et lui cria à l'oreille :- ‘'Bandit ! Sale vermine ! J'aurais pu te pardonner d'avoir un amant, mais voler ta mère, et le mari de ta sœur, cela, jamais !'' ». Arrêtons-nous à cette phrase incroyable : « J'aurais pu te pardonner d'avoir un amant… » Cette réplique de vaudeville passerait en Suède pays de la tolérance sexuelle, mais en Algérie elle est carrément surréaliste.
Même si la fiction nous permet certaines libertés avec la réalité, encore faut-il qu'il y ait de la cohérence et du vraisemblable.
Ne soyons pas trop sévère avec « L'ensorceleuse » de Abderrazak Bensalah. Même si le roman ne nous a pas ensorcelés, l'auteur a fait ce qu'il a pu avec beaucoup de cœur et de générosité. Sans doute la beauté qu'il voyait partout est un sortilège dont il est victime. Qu'il aille consulter l'exorciste Hadj Djaâfar qu'il nous fait connaître dès la première phrase du roman.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.