Ils étaient des centaines, plutôt des milliers, à avoir fait le déplacement, malgré une chaleur suffocante, au village qui a vu naître Matoub et où ce dernier repose depuis 22 années conformément à son souhait d'être enterré chez lui, drapé dans l'emblème national. Ceux qui aiment Matoub, en tant qu'artiste et qui l'admirent pour son courage militant, n'ayant pas hésité à sacrifier sa vie pour ses idées, étaient là devant son tombeau pour se recueillir à la mémoire d'un artiste qui s'est battu durant toute sa vie, non seulement pour sa langue et culture amazighes, mais aussi pour la démocratie, les libertés individuelles et collectives, contre l'obscurantisme et pour une Algérie meilleure. Le message de Matoub est toujours d'actualité comme en témoignent les déclarations du chargé de la communication de la Fondation Matoub en marge du recueillement qui avait eu lieu quelques instants avant celui de Taourirt Moussa, au niveau du lieu dit Tala Bounane où a été perpétré l'attentat ayant visé Matoub un certain triste et maudit 25 juin 1998. Mustapha Matoub, cousin et ami d'enfance du Rebelle, était présent comme chaque année aussi bien à Tala Bounane qu'à Taourirt Moussa. L'air pensif et le regard hagard, Mustapha Matoub donne l'impression de se demander si vraiment son compagnon de toute une vie a été assassiné et si 22 ans se sont déjà écoulés depuis la disparition de l'immortel Matoub Lounès. Un recueillement impressionnant C'est le cas aussi de tous les visiteurs de ces lieux symboliques, venus des villages les plus reculés des wilayas de Bouira et Béjaïa ainsi que de nombreuses autres localités des wilayas de Boumerdès, Alger, Sétif et Bordj Bou Arréridj, Tizi Ouzou... Depuis la première heure de la matinée de jeudi dernier, les véhicules immatriculés dans plusieurs wilayas du pays n'arrêtaient pas d'atterrir à Taourirt Moussa où le service d'ordre de la Fondation Matoub et le comité du village ne cessaient d'organiser la foule des grands jours. La voix et la musique de Matoub fusaient à gros décibels, sans interruption, tout au long de la journée. Et les fans du Rebelle déposaient des gerbes de fleurs, observaient une halte devant le tombeau de l'artiste assassiné, s'attardaient, émus, devant la voiture de Matoub, criblée de balles puis terminaient leur pèlerinage en visitant l'exposition permanente qui se trouve dans le domicile familial du chanteur adulé par une infinité de fans de toutes les générations. Des jeunes qui n'étaient même pas nés en 1998 brandissaient le portrait de Matoub, et les larmes à peine retenues, ils scandaient inlassablement le fameux slogan: «Assa, azekka, Lounès yella yella». Un rituel sacré Une présence des jeunes qui a impressionné tout le monde. Des chanteurs, des poètes, des militants politiques de plusieurs tendances étaient également présents à ce rendez-vous avec la mémoire collective incarnée par un artiste de talent qui a bercé plusieurs générations de mélomanes grâce à sa voix unique, à ses poèmes d'une sensibilité extrême et à des airs musicaux qui ont révolutionné la chanson kabyle et qui ont conféré une touche nouvelle et inédite au chaâbi algérois où s'est abreuvé Matoub durant tout son parcours artistique. Jeudi dernier, ils étaient très nombreux à perpétuer la tradition qui veut que chaque année, depuis 22 ans, des milliers de fans et d'admirateurs invétérés de Matoub Lounès traversent des dizaines ou des centaines de kilomètres pour se ressourcer à Taourirt Moussa. Ni la chaleur torride de jeudi dernier ni la pandémie de coronavirus n'ont empêché ce rituel annuel sacré dédié à Matoub Lounès d'avoir lieu comme chaque année depuis que les monstres qui éteignent les étoiles avaient cru qu'ils pouvaient éteindre un soleil, le soleil qui éclaire toute Tamazgha
