Akli Yahiatène est un monument, un maître, un géant de la chanson. Il faut un livre pour raconter Akli Yahiatène car en plus d'être l'un des plus grands chanteurs algériens, Akli Yahiatène a été le témoin d'un siècle. Celui qui a traversé de très près toutes les étapes qu'a connues notre pays en côtoyant longuement presque l'ensemble des sommités de la chanson algérienne. Son répertoire est unique en son genre car ses chansons sont toutes des chefs-d'oeuvre dont certaines ont même été reprises par des stars étrangères et orientales. Malgré cette stature gigantesque dont il jouit, Akli Yahiatène demeure à ce jour empreint d'une simplicité et d'une modestie étonnantes. On en veut pour preuve son geste récent après sa sortie de la clinique «Slimana» sise dans la ville de Tizi Ouzou où il a été hospitalisé pour quelques jours pour des soins: Akli Yahiatène a pris son «bâton de pèlerin» et s'est dirigé comme tout citoyen anonyme vers un endroit des plus populaires: Tabburt El Ainser dans la commune de ses oncles maternels, Assi Youssef qu'il loue tant dans ses chansons et plus particulièrement dans sa chanson mythique «Zrigh ezzine di Michelet». Cette modestie frappante ne contredit en rien le grand et exceptionnel talent d'artiste d'Akli Yahiatène qui a donné à la chanson algérienne en général et kabyle en particulier parmi les meilleures chansons de tous les temps, notamment sur le plan musical et sur celui de l'interprétation. Car Akli Yahiatène est aussi l'une des plus belles voix algériennes. Une voix en or Sans cette voix succulente, ses chansons auraient été amputées d'une grande part de beauté. C'est donc un tout. Akli Yahiatène est aujourd'hui âgé de 87 ans et il a passé toute sa vie dans le monde artistique. Il a baigné de plain-pied dans cet univers aux côtés de géants comme Slimane Azem, Dahmane El Harrachi, El Hasnaoui, Salah Sadaoui et même Allaoua Zerrouki. Avec d'autres bien sûr car peut-on vraiment les citer tous? Dès le début de sa carrière artistique, Akli Yahiatène a eu le flair intelligent de reprendre un air musical tiré d'un ancien chant d'exil kabyle évoquant les déportés algériens du Pacifique après le soulèvement d'El Mokrani en 1871. Le succès a été tonitruant. Et la chanson n'est autre que «El Menfi» qui a, elle aussi traversé plus d'un demi-siècle non sans séduire de grands artistes qui l'ont également reprise à l'instar de Khaled, mais aussi de Rachid Taha et Alaa Elzelzali. Toutes les chansons figurant dans le premier disque d'Akli Yahiatène, sorti en 1962, sont des chefs d'oeuvre, des chansons immortelles que tout mélomane digne de ce nom connait. Voyons-donc: «Ya El Menfi», «Jahagh bezzaf dameziane», «Zrigh zin di Michelet», «Tamurt idourar» et «Yalmoudjareb». Akli Yahiatène a maintenu la barre haute durant tout son parcours jalonné constamment par des chansons qui marquent les esprits et qui se laissent transmettre d'une génération à la suivante presque naturellement. C'est ainsi que sont nées d'autres chansons qu'on pourrait classer, au même titre que les premières, dans le registre des chefs-d'oeuvre également: «Tazemourt n lejdoud», «Axxam», «A laâlam», «Inas i mlaâyoun tawès», «Lfiraq bezzaf yewâar», «À minigh awal», «Yedja yemmas», etc. Akli Yahiatène ne s'est pas fait une priorité d'inonder le marché avec une infinité d'albums, mais il a misé sur la qualité, chaque nouvelle chanson d'Akli Yahiatène a été un événement. Puis, un compagnon inséparable pour tous ses fans qu'on retrouve dans toutes les tranches d'âge, de 7 à 97 ans. Akli Yahiatène a été le seul artiste algérien à avoir édité un nouvel album du haut de ses 85 ans. Des titres phares C'est inédit dans les annales. Car souvent les artistes se retirent bien avant cet âge-là. C'est en 2018 qu'Akli Yahiatène, qui avait 85 ans a édité un nouvel album intitulé: «Ammi». Jusqu'à peu avant la pandémie du coronavirus, Akli Yahiatène animait encore des concerts sur scène avec brio et sans que sa voix suave ne prenne aucune ride. Akli Yahiatène est un artiste qui a bercé plusieurs générations. Il est véritablement un témoin de son siècle. On regrettera qu'aucun livre n'ait été écrit sur lui car le peu de fois où nous avons discuté avec lui, tout ce qu'il nous racontait était digne de figurer dans un livre biographique. Akli Yahiatène n'a pas fait que chanter. Il a vu et entendu des tas de détails ayant caractérisé la chanson algérienne et méritant d'être consignés dans un ouvrage. Toutefois, modeste qu'il est, on comprend vite pourquoi ce livre n'a jamais été à l'ordre du jour. Akli Yahiatène se considère toujours comme le simple citoyen d'Ath Mendès, son village où il a vu le jour. Et où il revient toujours. C'est «tamurt idourar».