Il aura fallu des trésors de patience et de concessions ainsi qu'une ferme volonté, au lendemain de la chute de Omar el-Béchir qui a régné sur le Soudan pendant une trentaine d'années, pour que soit enfin conclu l'accord historique paraphé, hier, par les dirigeants concernés. Dix-sept ans durant, une guerre fratricide a entraîné la mort de centaines de milliers de personnes, hommes, femmes, enfants, sous les regards impuissants de l'union africaine et de la communauté internationale. L'accord ou plutôt les accords ont été signés, hier, en deux phases, à Juba, au Soudan du Sud. Ce fut d'abord le tour des groupes rebelles du Darfour qui ont validé la fin d'un conflit responsable de la mort de 300 000 personnes et de près de 3 millions de déplacés. Ensuite, il y a eu le mouvement rebelle du Kordofan-Sud et du Nil bleu dont l'insurrection a impacté un million de personnes. Au rythme des danses et des chants traditionnels, le vice-président du Conseil souverain soudanais, Mohamed Hamdan Daglo, dont on dit qu'il aurait commis des «atrocités» au Darfour, a signé l'accord, suivi par les chefs des mouvements rebelles, rassemblés dans un Front révolutionnaire soudanais (FRS), puis tout le monde a procédé à la symbolique poignée de main qui consacre la fin des hostilités. En guise de témoin l'accord global porte également la signature du président du Soudan du Sud, Salva Kiir, qui a joué un rôle appréciable dans l'aboutissement des difficiles négociations entre les parties. Dans le prolongement de cet accord global, d'autres accords ont été signés qui concernent le développement du pays, associant les responsables politiques et tribaux des différentes régions. Et c'est sous une éloquente banderole vantant la part du «comité de médiation pour les pourparlers de paix» qu'ont présidé, en commun, la cérémonie, le Soudanais Abdel Fattah al-Burhane, président du Conseil souverain, aux côtés de Salva Kiir, flanqué du Premier ministre, Abdallah Hamdok. Il faut dire que les circonstances étaient exceptionnelles au point de justifier la présence d'un grand nombre de dirigeants soudanais, dont c'est la toute première «victoire» après l'interruption du long règne de Omar el-Béchir. La présence des délégations de plusieurs pays est elle aussi à relever, apportant une caution prudente à la naissance d'une démocratie soudanaise au lieu et place de la dictature longtemps décriée. Pendant des mois, le doute planait sur cette réussite malgré les déclarations répétées des dirigeants soudanais sur leur ferme volonté de conduire le processus à son terme. Face à eux, le FRS, composé de 4 mouvements de guérilla présents au Darfour, au Kordofan-Sud et au Nil Bleu, oscillait, une année durant, entre la méfiance et l'attentisme, preuve que «les questions abordées étaient d'une rare complexité», comme l'a souligné Abdallah Hamdok. De fait, il y eut, outre la tombée aux oubliettes de la Déclaration de Juba, en septembre 2019, des accords de paix de Abuja, au Nigeria (2006), et de Doha, au Qatar, en 2010. Des progrès ont suivi qui tirent la leçon selon laquelle l'enjeu n'est pas seulement sécuritaire mais concerne, d'abord et surtout, le développement axé sur un partage équitable des richesses.