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«Nous sommes condamnés à vivre»
Farid Abache, écrivain, à L'Expression
Publié dans L'Expression le 28 - 10 - 2020

L'Expression: Il a fallu attendre près de trente ans après la publication de votre premier roman pour que vous éditiez un second, à quoi est due cette longue traversée du désert?
Farid Abache: Ce n'est point une traversée du désert. Cette absence est due à la situation complexe qu'a traversée l'Algérie pendant les années quatre-vingt-dix. J'ai quitté Alger et me suis éloigné du monde de la presse et de l'édition. La vie professionnelle m'a emmené vers d'autres activités. J'ai souffert de cette incapacité à allier travail et passion littéraire. C'est seulement depuis deux ou trois ans que j'ai pu me libérer partiellement de mes contraintes professionnelles; je m'adonne désormais à mes passions artistiques que sont la littérature et la chanson. En 2019, j'ai publié «Condamnés à vivre» qui est à proprement parler un texte écrit vers 1995 avant que je ne m'éloigne de l'écriture.
Vous vous êtes distingué de manière brillante dans les années 90 par vos écrits culturels et littéraires à l'époque où la presse algérienne était au summum de sa perfection, pouvez-vous nous parler de cette expérience?
Il est vrai que la culture dans la presse écrite à cette période était florissante. Dans Le Matin, j'ai eu le privilège d'enrichir cette rubrique en compagnie de mon ami Djamel Amrani. Et dans «Ruptures», j'ai eu la chance d'écrire sous les bienveillants auspices de feu Tahar Djaout. Je parlais d'auteurs de tous les horizons, anciens et contemporains. Les lecteurs à cette époque-là étaient très assoiffés de lectures littéraires et friands de critiques et analyses abordant des écrivains divers, de cultures et langues différentes, mais qui ont en commun cet amour enflammé pour le verbe et ses prouesses poétiques... Les lecteurs étaient si réceptifs et si passionnés que beaucoup d'entre eux m'adressaient des lettres au journal. C'était encore l'époque des lettres, j'appartiens déjà au passé...
Il y a eu, dans la même période, l'édition de votre premier roman La Camisole de gré, comment est né ce roman?
C'est un confluent de prose, de poésie, de boutades, de fragments de théâtre liés par un fin fil romanesque qui en fait un texte où le décousu pactise si bien avec «l'élaboré». Etudiant en philosophie, dévoré par une boulimique envie de lire, je ne cessais d'égrener des vers... C'était ainsi que j'ai commencé à tisser «La Camisole de gré». Le titre en soi est une petite trouvaille qui en dit long sur la manière dont nous nous emmitouflons à loisir dans des carcans, des dogmes, des interdits religieux et autres. Contrairement à la camisole de force que l'on inflige à un fou forcené pour l'empêcher de faire preuve de violence, les carcans religieux, idéologiques, sociétaux, ancestraux constituent une camisole de gré parce que non seulement nous consentons à la mettre, mais certains éprouvent du plaisir à la porter pour éviter tout questionnement, anesthésier en eux toute velléité d'entreprendre des actes libérateurs, ou de faire fonctionner le cerveau, préférant s'installer paresseusement dans une sorte de carapace qui confère tranquillité, mais tue le flux du questionnement et de la vie... Donc, le contenu est une sorte de hurlement contre toutes ces annihilations infligées à l'humain et pour rester dans le même registre de subversion, l'écriture s'est voulue émancipée des clichés et autres codages, voltigeant d'un genre à l'autre, glanant ce qui lui plait partout où elle passe, faisant de ce texte une oeuvre en fragments, une sorte d'éclats textuels... J'ai déposé ce manuscrit chez un éditeur à Alger, Laphomic, dirigé par M. Bouneb qui a eu un coup de coeur et a osé l'éditer. Je parle d'oser parce qu'un texte aussi éclaté, aussi «déstructuré» ne peut pas plaire à tout le monde. C'est à cette époque-là aussi que j'ai rencontré une personne exceptionnelle que je considère comme un père spirituel, M. Boussad Ouadi, le plus grand passionné de livres qu'il m'ait été donné de connaître. Il m'a insufflé de l'élan, des élans... À la sortie du roman, beaucoup de critiques dans la presse écrite ont salué ses aspects novateurs, sa conception ouverte et libre. Je me souviens avec beaucoup de plaisir des articles de Djamel Amrani, Youssef Zirem, Rachid Hammoudi, Nacer Ouramdane et d'autres... Articles parfois trop élogieux...
Puis, vous vous êtes su-bitement éclipsé de la scène médiatique et littéraire à cause du contexte de l'époque, était-ce une déchirure pour vous d'interrompre un si joli début de parcours?
Exact, c'était une déchirure que d'interrompre une aussi belle aventure alors qu'elle commençait juste à esquisser ses premiers traits. Imaginez un oiseau qui vient juste de s'initier à l'art de voler, et qu'on vient empêcher de caresser le frémissement des cieux, je suis cet oiseau-là... Pas aisé d'expliquer les tenants et aboutissants de cet arrêt dès l'incipit de l'acte d'écrire... La vie avec ses péripéties nous emporte parfois là où nous n'avons pas du tout prévu d'aller... J'ai fait autre chose, mais la passion littéraire, en permanence, bouillonnait en moi, et l'écriture a continué à se confectionner quasiment à mon insu dans l'antichambre de mon cerveau. Les mots n'ont jamais cessé d'éclore, de fleurir... J'enregistrais alors des fragments de vers, des saillies littéraires...
Vous passez allégrement du français à tamazight et à l'arabe, pourquoi ce choix d'écrire dans toutes les langues et dans quelle langue vous sentez-vous le plus à l'aise?
J'ai commencé très tôt à écrire en kabyle, en arabe et en français... Ait Menguellet, Djoubran Khalil Djoubran, Jean-Jacques Rousseau, et tant d'autres m'ont influencé... Je me suis mis à crayonner des vers dans les trois langues respectives de ces auteurs cités... Puis au fil du temps, le français m'a davantage fasciné dans mes «essais» littéraires et philosophiques et le kabyle dans mes «tentatives» poétiques.
Pourquoi votre choix a-t-il été porté sur le Prophète de Gibran Khalil Gibran quand il a été question de traduire un livre vers tamazight?
Le Prophète de Djoubran, que je lisais souvent alors que j'avais à peine quatorze ans, m'a fasciné au point de vouloir le traduire en kabyle. L'amour, le mariage, les enfants, le don, le travail, la joie, la tristesse, la liberté, le bien et le mal, le plaisir, la religion, la mort et tant d'autres thématiques humaines y sont traitées avec une grande hauteur d'esprit, une poésie et une stylistique très raffinées. C'est une sorte de concentré de réflexions philosophiques qui se déclinent comme un écho de «Ainsi parlait Zarathoustra» de Nietzsche. Je crois bon de signaler que cette traduction publiée en 1990 sera rééditée prochainement chez Tira Editions.
Pouvez-vous nous parler de votre second roman que vous venez de publier, Condamnés à vivre?
Comme précédemment mentionné, il s'agit d'un roman écrit vers 1995 que j'ai exhumé. C'est un roman en nouvelles ou des nouvelles romanesques. Un petit subterfuge inventé par le narrateur pousse quatre amis à écrire des textes comme s'il s'agissait de legs testamentaires d'un autre ami qui s'est donné la mort. Au fil des pages, en même temps que le narrateur, le lecteur découvre ces quatre textes très différents traitant de problématiques existentielles si poignantes qu'elles aboutissent toutes au suicide de la personne qui ne parvient pas à s'en sortir. Ce livre n'est pas une invitation au suicide, tant s'en faut, mais un constat amer de la complexité de l'acte de vivre. Nous sommes venus à la vie sans avoir été consultés, à partir de là nous sommes condamnés à vivre. Que la vie nous plaise ou pas, l'instinct de survie est là pour nous pousser à s'accrocher à cette existence. Comme dans «La Camisole de gré», «Condamnés à vivre» est un roman ouvert aux vents, traversé de boutades littéraires, ponctué de réflexions philosophiques, et qui en appelle à des lecteurs actifs au sens barthésien du terme qui sont eux-mêmes créateurs de l'oeuvre, de leur propre oeuvre différente de celle voulue par l'auteur...
Vous êtes également artiste-poète et vous venez de produire un CD, peut-on en savoir plus?
Les chansons, j'ai commencé à en faire à l'université à partir de 1987. J'évoluais dans un groupe d'amis passionnés de musique, entre autres Brahim Tayeb et Rabah Ticilia, et nous passions des soirées entières à jouer à la guitare en improvisant des mélodies et des textes. Concernant l'album qui vient de sortir, certaines chansons ont été justement composées à cette époque-là vers l'âge de vingt ans. J'en cite quelques-unes. Lebhar: cette chanson établit un parallèle entre la vague et le sable enlacés au gré du flux et reflux et la passion sensuelle qui fait frissonner les amoureux gagnés par la concupiscence. Il y est dit: Je suis le sable en émoi, toi la mer enchanteresse; chaque grain en moi a soif d'amour et d'ivresse. Une autre composée bien après, Kker, dder, ili, est un hymne joyeux dédié à la femme, une invitation à oser briser le mur de l'asservissement patriarcal et phallocratique et à donner corps à ses aspirations, celles de l'esprit ainsi que celles du corps! En voici un fragment: Désapprends ta prison, rejoins la lumière; la maison c'est la mort, la tombe avant l'heure; alors que toi tu es la mort de la mort, la source du printemps, la Femme, le lendemain de l'Humain.
En tant qu'ancien critique littéraire, mais aussi en tant qu'écrivain, quel regard portez-vous sur le roman algérien d'aujourd'hui, pouvez-vous nous citer des auteurs, leurs romans, etc...
Je pense que le roman algérien se porte bien. Beaucoup d'écrivaines et d'écrivains publient des textes intéressants et ne demandent qu'à être suffisamment lus et reconnus, entre autres Mustapha Benfodil, Lynda Chouiten, Youssef Zirem, Rachid Oulebsir, Murad Zimu, Brahim Tazaghart, Azeddine Lateb, Mack Nat-Frawsen et tant d'autres... Il faut dire que depuis quelques années, je lis très peu de romans, mes lectures sont surtout axées sur les textes philosophiques.


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