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«La littérature exerce une influence sur la société»
Hervé Sanson à L'Expression
Publié dans L'Expression le 13 - 04 - 2021

: Vous venez de publier avec Tassadit Yacine un numéro de la revue Awal consacré aux usages sociaux de la littérature, d'une grande richesse et qui est pionner, en tout cas en Algérie, sur cette thématique. Pouvez-vous nous relater en quelques lignes l'origine de cet intérêt?
Hervé Sanson: J'ai toujours été intéressé par l'anthropologie et les liens entre littérature et anthropologie. Je collabore de longue date avec Tassadit Yacine et, notamment depuis 2007 au sein de la revue Awal. Il nous est apparu rapidement, à Tassadit et moi-même, qu'un colloque consacré aux interactions entre la création littéraire et le fonctionnement d'une société donnée, méritait d'être mis sur pied. Ce sont les actes de cette journée d'étude, tenue en 2014, que nous publions aujourd'hui.
Cet ouvrage a pour objectif de montrer l'importance de l'usage des oeuvres et de leurs usagers dans des univers sociaux situés et datés. Il fallait revaloriser à notre sens ces liens entre littérature et dimension sociale, trop souvent occultés au bénéfice de la seule forme textuelle, de la «textualité».
La littérature exerce une influence, plus ou moins latente ou affirmée, sur la société et son projet, elle l'impacte; mais a contrario, la société et ses bouleversements, ses évolutions, influent sur le visage de cette littérature.
Ce volume embrasse trois quarts de siècle de création algérienne, depuis le précurseur, Jean El Mouhoub Amrouche, puis la génération des années cinquante, les Dib, Mammeri, Feraoun, et Djebar, en passant par Tahar Djaout, jusqu'aux écrivains contemporains, tels Maïssa Bey, Salim Bachi ou Mourad Djebel.
Avant de poursuivre, pouvez-vous revenir très brièvement à la revue Awal: quelle est sa spécificité dans le champ culturel français et algérien?
Awal, dès sa création, a été sous-titrée «cahiers d'études berbères». Lorsqu'elle fut fondée en 1985 par Mouloud Mammeri et Tassadit Yacine, avec le soutien de Pierre Bourdieu, au sein de la Maison des sciences de l'Homme (MSH) à Paris, elle a investi un champ jusqu'alors vierge, ou presque: le champ culturel berbère sous ses différentes formes.
La revue publiait essentiellement des articles à teneur purement anthropologique au tout début, mais rapidement Tassadit Yacine a donné à la littérature une place de choix, ce qui a pu parfois faire grincer des dents à la MSH, attachée à un certain purisme disciplinaire.
La littérature est, en effet, un champ d'action, un laboratoire idéal pour comprendre les mécanismes - cachés ou non - propres à la vie et l'évolution d'une société spécifique.
Pourquoi fonder une revue en France?
Ainsi que je le disais, Mouloud Mammeri créa cette revue, assistée par Tassadit Yacine, grâce à divers facteurs alors réunis: l'institution prestigieuse qu'est l'Ecole des Hautes études en sciences sociales (Ehess), au sein de la MSH, offrait le cadre et les garanties nécessaires; le soutien de Pierre Bourdieu, éminent sociologue, directeur d'études à l'Ehess et professeur au Collège de France, a été déterminant. Tenu en suspicion par le pouvoir algérien d'alors, Mammeri a donc trouvé dans ce cadre les conditions favorables à la création et l'animation d'une telle revue.
Pouvez-vous montrer au lecteur algérien les raisons de cette ouverture sur divers domaines (linguistique, littérature, histoire, etc.)?
L'époque actuelle tend, de plus en plus, à privilégier l'interdisciplinarité, la circulation entre les disciplines, tant il est vrai que le monde, devenu infiniment complexe, ne peut être appréhendé de façon optimale qu'en tenant compte des diverses disciplines, des diverses approches souhaitant le circonscrire. Aucune discipline ne peut être désormais totalement close sur elle-même. Ceci a toujours été plus ou moins vrai, mais l'est encore davantage aujourd'hui.
D'autant qu'il s'agit de cerner la richesse d'une culture, d'un héritage, d'une civilisation, la berbère, en ses divers visages, ses diverses déclinaisons. Ainsi, ce volume a-t-il rassemblé des littéraires (des spécialistes du texte, mais aussi de littérature orale), mais aussi des sociologues, des spécialistes du genre, ou d'autres universitaires adoptant une approche plus historienne, ou philosophique. C'est cette diversité d'approches, il me semble, qui confère sa richesse à ce numéro.
Vous avez publié un numéro me semble-t-il sur la littérature...
J'ai, en effet, coordonné un numéro spécial d'Awal en 2008 sur trois écrivains algériens, kabyles ou d'origine kabyle: Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri et Rabah Belamri. Ce volume, le numéro 38, issu de deux journées d'études organisées à l'Ehess, tâchait de comprendre en quoi les oeuvres de ces trois auteurs majeurs mettaient en scène les rapports de genres.
Quelle représentation du féminin, de l'homosexualité, quel tableau des rapports entre les hommes et les femmes, ces oeuvres offraient-elles un point de vue novateur?
Notre ambition a été alors d'appliquer un champ, une approche, les études de genres, aujourd'hui très présentes, à un corpus littéraire spécifique, ce qui était relativement novateur à ce moment-là.
Ce numéro a rencontré un certain intérêt. Il doit être possible de le trouver en Algérie. Je sais que la librairie du Tiers-Monde à Alger, dirigée par Abderrahmane Ali bey, possède un certain nombre de numéros.
Dans ce dernier numéro, auriez-vous des orientations à donner aux lecteurs pour appréhender le lien entre littérature et usages sociaux?
Je peux offrir quelques exemples des orientations critiques qu'ont choisies les contributeurs afin de mettre l'accent sur les usages sociaux de la littérature nord-africaine.
Ainsi, l'une des sections interroge le rapport de la littérature à la fois à l'Histoire officielle, mais aussi à l'Histoire officieuse. Une autre section questionne les rapports entre la littérature écrite et l'oralité, mais aussi les rapports même entre la littérature orale et la société dans laquelle celle-ci s'épanouit.
Une troisième section s'intéresse précisément à la façon dont la littérature peut refléter les rapports de genres et par là même témoigner d'un état social donné.
Enfin, une dernière section a réuni plusieurs contributions à propos des romanciers algériens qui ont émergé à partir des années quatre-vingt-dix, «le nouveau roman algérien»: celles-ci ont eu à coeur de montrer combien l'écrivain nord-africain, tout en ne sacrifiant pas la dimension esthétique, inscrit toujours son oeuvre par rapport au social.
Les oeuvres de ces écrivains ne peuvent faire l'économie du devoir de responsabilité, ainsi que l'affirmait Mohammed Dib dans la postface à La Nuit sauvage: «À quelle interrogation plus grave que celle de sa responsabilité, un écrivain pourrait-il être confronté?»
L'écrivain algérien ne peut, au vu des remous agitant sa société, ignorer totalement l'injonction sociopolitique, et l'inscrit d'une manière ou d'une autre dans son oeuvre. Contrairement à une certaine littérature occidentale, concentrée sur «l'intime», et que d'aucuns peuvent considérer comme une littérature nombriliste.
Le parcours de Mohammed Dib, à ce titre, est exemplaire, de cette volonté de conjuguer exigence formelle, esthétique, et nécessité de témoigner des difficultés de son peuple, de s'en faire «l'écrivain public», en quelque sorte.
Awal est enfin publiée en Algérie. Est-ce l'objectif de ses animateurs?
Après la longue période de vie et de publication en France, au sein de la MSH, qui correspond à la carrière professionnelle de Tassadit Yacine, en tant que directrice d'études, celle-ci, désormais directrice d'études émérite, a voulu relocaliser Awal, la rendre à son peuple légitime.
Reprise par les Editions Frantz Fanon, sises à Tizi-Ouzou, la revue, après un long exil, est revenue finalement au bercail, et je trouve cette initiative très heureuse, surtout en ces temps déterminants pour la société algérienne.

Kamel Lakhdar Chaouche


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