La relance de la construction maghrébine pourrait bien passer par un axe Alger-Nouakchott. De notoriété publique, l'UMA est mise en veilleuse depuis au moins dix ans, pour cause de différend algéro-marocain sur le dossier du Sahara-Occidental. Le leader libyen Mouammar El Kadhafi vient d'y ajouter une louche en sortant une obscure histoire de fédération des populations du Sud. Si vous suivez bien le regard du brouillon colonel, ce sont les Touareg qui sont visés. Si dans ce dernier cas, il n'y a pas de quoi être surpris, vu la versatilité du dirigeant libyen depuis le 1er septembre 1969, qui a surfé sur tous les projets d'union possible et imaginable: d'abord une grande nation arabe, suivie ensuite ou carrément adoubée de fusions ratées avec les différents pays arabes: Egypte, Tunisie, Algérie, Maroc, etc. Et pourtant, l'Union du Maghreb, à sa naissance un certain jour, juin 1987 à Zéralda, puis un jour de février 1989 à Marrakech, était une belle promesse, un espace ouvert aux romantiques Maghrébins de tout horizon, un pied en Méditerranée et l'autre au fin fond de l'Afrique subsaharienne. Faut-il penser que mine de rien, la relance de la construction maghrébine pourrait bien passer par un axe Alger-Nouakchott? C'est que dans le polygone à cinq branches de l'UMA, l'Algérie occupe géographiquement le centre de l'étoile, alors que la Mauritanie se situe à la limite sud-ouest. Comme dans la construction de tout ensemble, il ne saurait y avoir de petits et de grands pays ; - ils se valent tous, c'est la règle. Il ne fait pas doute qu'une bonne entente entre Alger et Nouakchott, après une brouille qui aura duré quelque cinq bonnes années, pourrait servir de tremplin à une telle relance, et les arguments pour cela sont fort nombreux. Sur le plan économique, il y a une complémentarité évidente, qui sera renforcée par l'ouverture de la voie Tindouf-Kiffa-Chou, ainsi que par l'entrée en exploitation de la production pétrolière mauritanienne. Les 6000 cadres mauritaniens formés en Algérie peuvent constituer le fer de lance d'une telle coopération, à l'heure où une délégation d'hommes d'affaires algériens, conduite par le directeur de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie doit séjourner du 7 au 10 mai à Nouakchott, pour prospecter les secteurs éligibles au partenariat, quelques jours à peine après que la coopération algéro-tunisienne soit justement mise sur les rails. C'est-à-dire que la multiplication des axes (Alger-Nouakchott ou Alger-Tunis) sont autant de fusibles qui aideront à sortir la région de ses divisions. Qu'on le veuille ou non, c'est l'économique qui a toujours servi de rampe de lancement à la construction des grands ensembles, et l'exemple de l'Union européenne, qui a commencé par l'acier, est éloquent à ce sujet. Sur le pan sécuritaire, sous la houlette américaine, d'autres ensembles voient le jour dans la région du Sahel, intéressant à la fois l'Algérie et la Mauritanie, et englobant le Tchad, le Niger et le Mali. L'autre versant de cette question sécuritaire, à savoir les 5+5, se déroule un peu plus au nord, cette fois sous l'impulsion de l'Otan, mais porte pour l'instant sur le contrôle de l'émigration clandestine. Sur le plan politique, le rapprochement algéro-mauritanien et le repositionnement de Nouakchott, depuis la chute du précédent régime, sont à appréhender au regard de ce qui se passe à l'extrême sud-est, où le leader libyen a le projet de créer à notre frontière un abcès de fixation sous la forme d'un projet de fédération des populations du Sud, et à ce titre ils sont de bon augure, alors même que le vieux conflit du Sahara-Occidental prend en tenaille les relations algéro-marocaines. Pourtant, ici, la solution est à portée de main pour peu que soit mis de côté un conflit qui reste du ressort des instances onusiennes, pour une relance idoine de l'axe Alger-Rabat. Sur le plan diplomatique, les cinq pays sont rarement sur la même longueur d'onde, aussi bien vis-à-vis de l'Europe (Accord d'association) que sur le dossier israélo-arabe, où l'on distingue plus que des divergences. Pourtant, la présence à Alger, au sommet de la Ligue arabe, des quatre dirigeants maghrébins avait laissé présager d'un dégel. On est encore loin du compte. Faut-il se dire que le pragmatisme des présidents Bouteflika et Vall aura raison des pesanteurs qui entourent la relance effective de l'UMA?