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Entre «comfestes» et devoir de mémoire
8 MAI 1945
Publié dans L'Expression le 08 - 05 - 2006

Des dachras ont été brûlées, des douars ont disparu...
L'an dernier, Sétif devait accueillir officiellement les commémorations «festives» des événements marquant le soixantième anniversaire des massacres de mai 45. Des semaines de concertation, d'instruction et de préparatifs, nonchalamment conduits par un exécutif à l'air volontaire, assisté en outre par les élus locaux et une certaine société civile, laquelle rompue à la tâche, ont arrêté en commun le programme aux multiples éclats. Poudre aux yeux, les préliminaires allaient de la réhabilitation, au ravalement de façades en passant par l'embellissement des bâtiments de l'avenue principale, ponctués par cette touche devenue rituelle à laquelle les Sétifiens sont soumis depuis des lustres: la énième réfection de la place Saal Bouzid. A chaque wali un nouveau décor urbain...Tout cela pour...des prunes. Manque de bol, le président n'est pas venu. Heureusement que son message lu par un ministre a apaisé les chagrins et épongé les sueurs. Et pour faire de l'ombre à cet échec non avoué, l'université Ferhat-Abbas s'est pliée en quatre pour recevoir d'éminents chercheurs français et arabes venus de pays riverains nous raconter nos malheurs et nous enseigner, à l'occasion, les approches méthodologiques nécessaires à une lecture cohérente de notre proximité d'antan avec le colonialisme. Cela s'est fait au moment où nos éminents chercheurs et intellectuels se disputaient la place au podium.
Il est tout à fait logique qu'au rythme cyclique des comfestes, cette année, c'est à Guelma que revient l'honneur d'accueillir à son tour l'événement, avec une touche supplémentaire et inédite: l'invitation lancée aux présidents de la République algérienne, encore vivants, d'y participer. Et si la progression numérique est juste, ce sera au tour de Kharrata de la faire l'an prochain. Le tour d'Alger viendra sûrement après celui de Saïda, Bougie, dans quelques années, quoi. Il viendra assurément semblable aux autres comfestes...qu'ils aillent où qu'ils veulent les présidents comme les conférenciers, le résultat est le même, les comfestes et toujours les comfestes... Il y a des expressions peut-être innommables, elles frôlent une insolence proche de la pataphysique. Les «comfestes», en sont un exemple typique. Cependant, ce mélange de commémorations et de festivités, mérite plus d'attention et de méditation pour bénéficier d'un sens logique et cohérent à la manifestation. Une date aussi mémorable que des massacres de Mai 45, ne devrait pas seulement être consacrée dans la solennité, empreinte de plénitude et de dignité, mais remémoration aussi dans un profond rappel d'une mémoire pétrie du respect des sacrifices consentis par nos aïeux dans leur chair et dans le plus profond de leur honneur pour que vive l'Algérie libre et indépendante.
Question rituelle. Quel bilan tirons-nous aujourd'hui des soixante et un an des massacres de Mai 45? Des dachras ont été brûlées, des douars ont disparu et des hommes et des femmes témoins de cette «tragédie inexcusable» ont été laissés à l'abandon dans les mêmes conditions de vie précaire qui prévalaient avant. Cette éternelle misère et indigence, ils la vivent ceux qui pourtant sont restés fidèles à leur engagement patriotique jusqu'à leur mort. Certains sont encore là à se morfondre sur leur sort. Ces martyrs sans statut, les exclus de la République. Ce bilan est bien réel face au gaspillage engendré en toute impunité par les comfestes... à l'heure où des oubliés de la nation appellent à l'aide ; les services de la solidarité sociale ne sont pas encore arrivés à ce chapitre. Cela viendra un jour Inchaa Allah.
L'oeuvre de Bachir Boumaza
Si aujourd'hui certaines voix reprennent en choeur l'écho inaudible des idées lancées par le président-fondateur de la Fondation du 8 Mai 45, dont la principale revendication était et reste la reconnaissance de la France des crimes commis en son nom, le devoir de mémoire les assigne eux aussi, à ne pas confondre entre fêtes et commémorations. Ils mobilisent pourtant sources humaines et sources financières pour jubiler de joie, congratuler et doser le plaisir à un moment où la mémoire a des raisons que leur raison ignore. La naissance de la fondation n'a pas été à l'origine un événement majeur. Elle a même secoué quelques nostalgiques par l'opportunisme de ses propos. «Elle est le produit d'une réflexion profonde disait Boumaza, qui tend à remettre en cause tout le schéma culturel qui a présidé dans le pays depuis l'indépendance». L'objectif est aujourd'hui amplement atteint malgré les soubresauts de leadership. Toutes les associations même celles à caractère politique sont passées malheureusement par là. Le plus important à retenir à mon sens, c'est cet enseignement jugé positif à mon humble avis, prodigué par cet homme politique de grande allure, qui est aujourd'hui une oeuvre accomplie. Les concepts lancés sans cesse à l'usage de l'opinion publique, il y a seize ans à travers débats et rencontres sont devenus grâce à Dieu leitmotiv. «Le débat, disait Boumaza en 1990 date de naissance de l'association, que nous allons soulever avec cette fondation et qui va s'échelonner sur plusieurs années, nous voulons qu'il ait lieu avec les tendances libérales et démocratiques qui restent dominées par cette culture dominante et qui n'arrivent pas à franchir le seuil. Il faut décoloniser l'histoire et situer la colonisation dans l'histoire de l'humanité.» A l'origine de ce combat, le chauvinisme, l'extrémisme et les ingrédients du séparatisme et du révisionnisme dominant ne présidaient en aucune manière à l'approche humaniste de Boumaza. «La contribution à l'écriture de l'histoire n'est pas dirigée contre les Français», disait-il.
Les nobles objectifs de la fondation se résumaient en quelques lettres: Réanimer la mémoire sur des crimes commis par la colonisation. Cultiver la mémoire sur la lutte du peuple algérien sans esprit de revanche, mais en refusant l'oubli. L'écriture d'une histoire objective, loin de toute influence partisane. «La nôtre disait Boumaza a été écrite soit par des colonisateurs soit par des Algériens mais les considérations idéologiques primaient». La reconnaissance du crime contre l'humanité reste un droit accordé par ignominie qu'aux Juifs et aux Européens. L'imprescriptibilité reconnue pourtant pour ce crime ne profite apparemment qu'à eux. Le président Bouteflika a raison de qualifier les crimes commis par la France de génocide identitaire ; nous le constatons dans les faits. Comme conséquence directe, il n'y a pas meilleur révélateur que le poids de l'évocation de cette date elle-même. Le 1er Mai, Fête internationale des travailleurs supplante dans les sondages législatifs le 8 mai 45. La date phare du combat populaire national est exclue même de la mémoire collective comme fondement historique puisque officiellement, elle n'est pas reconnue comme journée nationale par la loi.
Deux combats différents et d'origines différentes. Le 8 Mai est à nous et le Premier mai est à ceux qui dominent le monde aujourd'hui, qui massacrent encore les Irakiens et les Palestiniens, et qui perpétuent le courant colonialiste aux contours modernes. Cette Universalité imposée mérite un autre regard. Et quand vient mai à nos portes les langues se délient et les plumes s'aiguisent pour ressasser les mêmes refrains. Le massacre a été perpétré, le crime a été commis, reste l'impunité qui demeure imprescriptible.
Notre histoire est loin d'être écrite
L'intention d'élever la barre au plus haut niveau dans l'identification des méfaits de la colonisation, est peut-être la seule démarche salutaire et honorable pour niveler les esprits et inciter les récalcitrants à remettre en cause leur subjectivisme ambiant.
Le champ est ainsi ouvert aux débats contradictoires et à la concertation sur les questions sensibles qui concernent nos rapports tous azimuts avec la France et qui demeurent par conséquent en suspens par crainte de je ne sais quelles contraintes depuis des lustres.
Les politiques comme les parlementaires peuvent, en l'occurrence, disposer aujourd'hui du courage nécessaire à s'autoriser ainsi l'évocation même rudimentaire des formes et des pratiques colonialistes.
Au-delà du génocide de Mai 45, il y a l'ethnocide et plus grave encore l'expression lancée directement à l'endroit de la France gouvernante, par le président de la République Abdelaziz Bouteflika, «le génocide identitaire». Ce n'est pas le mariage des mots qui choque, c'est plutôt cette profondeur de l'analyse qui semble déranger. Le président de la République a raison d'évoquer l'extrême supplice causé par la colonisation à la société algérienne. Il prouve ainsi que le colonialisme est effectivement une entreprise de déracinement, d'acculturation et de dépersonnalisation du peuple algérien. La colonisation de peuplement, le code de l'indigénat, la torture, la razzia, les expropriations, et les supplices endurés par les indigènes d'hier, les pauvres d'aujourd'hui, méritent une négociation dans le respect mutuel des uns et des autres.
Le génocide comme l'ethnocide sont des inventions françaises au même titre que le colonialisme et l'anticolonialisme. La source étymologique est la même. Ce n'est là que la confirmation exacte par les mots d'actes concrets retranscrits par des hommes et retenus par l'histoire des conquêtes françaises. L'humanisation des relations entre la France et l'Algérie doit passer inexorablement par ce type de débats.
Le traité de paix ne se traite pas comme un simple commerce. Les médias français peuvent qualifier les mots du président d'extrêmement graves, cependant ce qui est plus grave encore, c'est cette attitude semblable à l'autruche dans laquelle se cantonnent les médias d'outre-mer. L'absence de discernement et d'observation confirme leur cécité à l'égard du legs colonial. L'article 4 de la loi glorifiant le colonialisme ne peut défricher les rapports et ne pourra en conséquent effacer les virus induits dans la société algérienne. Plus graves encore sont les propos du ministre français Douste-Blazy qui persiste dans son autisme à positiver le fait colonial en disant: «qu'une fois que vous êtes sur la terre nouvellement conquise, il y a des femmes et des hommes qui travaillent et qui vont instruire des enfants... il y a des instituteurs français qui évidemment ont fait leur travail, des architectes qui ont fait leur travail, des médecins qui ont soigné.». La Gaulle était peut-être une histoire algérienne, les deux collèges nous les avons voulus, l'indigénat est notre invention, la transformation des mosquées en écurie, c'est nous aussi, nos architectes quoi. La douce France est passée par là, par hasard. Elle a détruit la ville de l'autre et a reconstruit à son image. Elle a offert aux autochtones des tentes et des villages nègres et, les cités fortifiées, à eux. Elle a inventé le bidonville et l'extra-muros pour donner naissance aux banlieues. Ce sont là des inventions ingénieuses des indigènes de la République.
Les débats sur les événements, qualifiés aujourd'hui par un consensus unanime de massacres de Mai 45, continueront à soulever moult actions et réactions. La problématique s'élargit grâce aux propos du président de la République qualifiant les crimes de la colonisation d'ethnocide. Ce crime a bel et bien été commis et il agit depuis dans la société algérienne comme un cancer aux progressives métastases. La démarche historique ne sera que révélatrice des cheminements que prendront les propositions historiographiques. De l'autre côté de la rive nord méditerranéenne, des historiens produisent, peu ou proue, ils le font avec les moyens dont ils disposent. Cette année nous avons eu droit à deux ouvrages conséquent: «Les massacres de Guelma», « Sétif 1945 : Histoire d'un massacre annoncé ». Ces livraisons apporteront sans nul doute un nouvel éclairage sur les événements. Et par conséquent un pas supplémentaire dans le nivellement des relations bilatérales entre les deux pays. Ils ne peuvent que faire avancer sûrement et progressivement les choses vers la paix et l'amitié des deux peuples tant souhaitées par nos gouvernants.
Du côté sud, nos historiens, font plutôt dans les approches analytiques et dans les commentaires des oeuvres livrées par le côté nord alors que les témoins oculaires qui ont vécu les événements d'hier se comptent aujourd'hui sur le bout des doigts pour avoir été oubliés par le temps et l'usure de l'amnésie. Et la vérité qu'ils portent en eux commence à faire place à son contraire. Spoliés de leurs richesses et de leurs biens, ils vivent au dépourvu.
C'est ainsi que va la mémoire. Une situation fort inconfortable à laquelle, il faut ajouter les fameux comfestes avec leur trop-plein d'inconscience qui enfonce le clou de l'impunité bilatérale. Il faut rendre grâce par contre dans cette aridité intellectuelle locale, à deux hommes politiques et hommes d'Etat, d'une autre trempe: M.Bachir Boumaza, président fondateur de la fondation du 8 Mai 45, pour avoir fait oeuvre utile de son combat pour la reconnaissance des crimes commis par la France coloniale depuis 1990 et Abdelaziz Bouteflika pour son courage d'avoir ouvert un champ supplémentaire, voire l'extrême, sur les méfaits de la colonisation et leur conséquence sur la société algérienne. L'éventail du dialogue est ainsi ouvert et les concepts sont là offerts à la recherche et à l'analyse. La seule chose qui reste, c'est ce regard attentif à diriger vers ceux qui souffrent encore des méfaits de cette longue histoire... coloniale.


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