On ne possède éternellement que ce qu'on a perdu. Ode à l'une des plus belles révolutions du siècle dernier, le livre de Kaddour M'Hamsadji, « Oui, Algérie» publié en 1965 aux Editions SUBERVIE, est à la fois un chant patriotique glorifiant la guerre d'indépendance et une passion éternelle pour elle. Elle c'est son épouse Mme M'Hamsadji Samya, brusquement ravie aux siens par le fâcheux virus en juillet 2021. Celle qui accompagnait ses rêves et ses joies n'est plus là. Le monde s'est dépeuplé. C'est alors qu'il mime Sisyphe pour donner du sens à la nouvelle situation dans un monde inintelligible. Kaddour tente de percer le mystère des mots pour retrouver l'égérie qui inventait ses joies. Dans les nuits glaçantes de l'hiver, les canicules suffocantes de l'été et les lourds silences de la solitude sur de frêles épaules, la chamade rythme toujours un coeur qui refuse de céder au voile mélancolique. La mélancolie c'est mourir un peu? Non, c'est aussi le bonheur d'être triste. Le verre n'est jamais à moitié vide. «Oui, Algérie», est un ouvrage qui a cette particularité de raconter notre roman national avec en filigrane des tranches d'un amour personnel. La révolution algérienne, en plus du coup de feu sur le terrain, a été également portée par un élan intellectuel qui a appuyé le travail politique et diplomatique au plan international. Cette action intellectuelle a secrété des oeuvres littéraires et culturelles de valeur, qui ont soutenu l'engagement des Algériens, renforcé le sentiment patriotique, exprimé la soif des Algériens à l'indépendance et fait connaître la personnalité algérienne aux autres nations, fourvoyées dans la propagande coloniale. Comment ne pas le revisiter « Oui, Algérie» à chaque célébration d'une date commérant la guerre de libération. Le 11 Décembre s'y prête merveilleusement bien puisqu'en pages 85 et 86, un sublime poème a été écrit le jour même de cet événement catalyseur de l'Indépendance. L'écrivain Kaddour M'hamsadji aura été le premier algérien à rendre hommage à ceux parmi les siens qui ont manifesté le 11 Décembre. Le poème que nous vous invitons à relire a été écrit le jour même des manifestations. Le poète, tel un prophète, y a vu les premières lueurs d'une indépendance proche. Bonne lecture. AUJOURD'HUI 11 DECEMBRE Une fleur s'élève dans mon jardin Sur la tombe de mes souvenirs Aujourd'hui 11 Décembre Les fleurs sont matinales Souvenir ô incendie dans les coeurs endoloris Viens! que je reconnaisse moi aussi ma mère ma soeur mon épouse Au fond de ce trouble transparent qui baigne ma mémoire Aujourd'hui 11 Décembre Viens! silhouette fragile, mère Zeïneb Vacillante mais debout mais souriante sur ton corps étendu Crevé par les échardes broyé par les aciers Aujourd'hui 11 Décembre Viens! ma jeune soeur au visage pourpre Promise au bonheur de l'Algérie future Ton fiancé pour un baiser tomba dans tes bras brisés Aujourd'hui 11 Décembre nViens! mon épouse aux clartés multiples Pénètre dans mon temple constellé d'amour Et dis-moi quel souffle t'anima et quelle vcouronne portes-tu Aujourd'hui 11 Décembre Et je vois dans l'arrière brouillard un printemps Des champs et des champs de fleurs blanches Et ces calices chargés de tant de femmes me font fièrement gémir In «Oui, Algérie», poèmes, illustration de Rezki Zerarti, 1965, aux éditions Subervie