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De la sensualité du fruit...
75e Festival de Cannes/«Sous les Figues» (Erige Sehiri)
Publié dans L'Expression le 29 - 05 - 2022

Un premier film tunisien «Sous les Figues», une jeune cinéaste, Erige Sehiri, de jeunes actrices qui prennent pour la première fois l'avion, pour venir de l'autre bout de la Tunisie, offrir au public de la Quinzaine des Réalisateurs, leur histoire, telle une corbeille de figues aussi mûres que fraîches, comme on offrirait une brassée de fleurs des champs. Et la magie s'opère instantanément!
Pour le public c'est une invitation à vivre une journée particulière, mais pour les protagonistes de ce film, il s'agirait plutôt d'un quotidien normal, glané dans le vécu de ce village du Nord-Ouest de la Tunisie, qui est presqu'une zone d'ombre en soi. Mais pas pour la cinéaste tunisienne, en tout cas, qui en a présenté une image nullement «retouchée», ici la fragilité socio-économique est instillée avec intelligence et sans misérabilisme aucun, mieux, avec une certaine poésie qui maintient à flots, une histoire qui aura pu en lasser plus d'un, à cause des contraintes imposées par le dispositif narratif choisi par Erige Sehiri, qui situe l'histoire en un unique endroit, un champ de figuiers, et en un seul temps, celui d'une seule journée d'été, pendant la récolte estivale.
De jeunes femmes et jeunes gens cultivent de nouveaux sentiments, se courtisent, tentent de se comprendre, nouent - et fuient - des relations plus profondes, tout en cueillant des figues. Une opération qui exige un doigté bien particulier, pareil pour les sentiments et autres pensées échangées par ces jeunes. Pourtant, il n'y a pas là que de bons sentiments, il y a aussi du charnel comme la chair rouge vif de la figue, que du piquant comme la peau d'une figue... de Barbarie.
Ecouter l'Estala
La belle image, le plus souvent cadrée à l'épaule par la directrice photo, Frida Merzouk,, sa fluidité confère au récit une certaine légèreté profonde, on se croirait presque dans un opéra champêtre. «Ces ouvrières agricoles m'ont émue. J'ai discuté avec elles de ce qu'elles vivent au quotidien, de leur manière de travailler, de leurs relations avec les hommes, du patriarcat: il y avait déjà tellement de matière! Je tenais à donner un visage à ces travailleuses habituellement invisibles. Je me suis alors mise à écrire en écoutant en boucle L'Estaca, un chant contestataire né sous Franco. Dans sa version arabe tunisienne de Yesser Jradi, c'est un chant sur le labeur, l'amour et la liberté, que j'ai tout naturellement choisi comme musique pour le générique du film.». Et le scénario de se transformer presqu'en livret et la réalisatrice-scénariste en librettiste!
Et au film d'épouser le vocabulaire de l'opéra.
L'Arietta, cet air léger et court qui se chante avec paroles et accompagnement parcourt le film sans discontinuer, il en donne le rythme. Quant à l'Arioso, ce morceau chanté tenant à la fois du récitatif et de l'air, il est assuré avec maestra par Fidé (Fidé Fdhili), elle tisse sa toile tout en marivaudant: «Evidemment, j'ai lu Marivaux, mais en plus de son influence, je dois évoquer celle d'Abdellatif Kechiche. Ma co-scénariste et co-monteuse est aussi Ghalya Lacroix, qui a écrit et monté une partie de ses films. À l'époque, je me retrouvais tout à fait dans le film L'Esquive car j'ai grandi, comme les personnages, dans une banlieue française. Dans ce film, les jeunes répètent une pièce de Marivaux d'ailleurs! Le marivaudage des quartiers fait écho à ce marivaudage de la campagne où se trouvent aussi mes origines». La Basse bouffe, cette catégorie particulière de basse à laquelle on confie des rôles de valets ou de vieilles personnes ridicules. Dans ce registre on trouvera le personnage de Leïla, qui dénonce au patron ceux qui détournent des cageots de figues, une façon à eux de réajuster leur salaire de misère. Le comportement de Leïla renvoie à une période de suspicion et de méfiance et où la délation était aussi une monnaie d'échange qui ne se dépréciait que peu. «Tous nos mécanismes sont liés à la dictature. La délation est ancrée dans la société tunisienne, bien que mon film se situe après la Révolution, à l'heure des réseaux sociaux. La scène de paye est celle des règlements de comptes.(...) Leila est une femme très digne aussi mais elle a grandi avec la délation. Elle ne s'en cache pas, elle le revendique et exige même d'être payée pour cela. J'aimais bien l'idée que l'on se dise que Leïla avait vu le couple de voleurs. Elle sait tout ce qui se passe dans le verger mais elle ne balance pas Sana, la voleuse insoupçonnable, pleine de valeurs. Il n'y a que Firas qui paie. Leïla protège tout de même les filles. À l'image de la société tunisienne, elle est ambivalente».
«Sous les figues»
Dramma glocosa: ce «drame joyeux», mêlant le rire et les larmes, Erige Sehiri, en maîtrise l'utilisation rendant encore plus possible l'introduction de la gravité dans le ton sans altérer la légèreté du style et de plomber l'atmosphère, jusqu'au point de rupture qui ferait sortir le spectateur du récit, du film. «Je dénonce ce système (patriarcal) sans juger les individus, finalement eux-mêmes prisonniers de leur propre violence. Dans ces champs, les viols sont courants. Dans mon film, j'ai été assez douce par rapport à la réalité, car je ne voulais pas diaboliser les hommes. Et je voulais tout suggérer, sans trop en montrer. Le chef, dont on comprend qu'il a repris le business de son père, se permet de cueillir les filles comme si elles étaient des fruits. L'agression dont Melek est victime n'est pas un événement. Melek est forte, tout comme Fidé qui va jusqu'à briser le silence au moment de la paie. Ce harcèlement qu'on imagine fréquent ne les empêche pas d'être libérées à la fin, de rire et d'être joyeuses parce que - et c'est là toute la tragédie - c'est le quotidien de ces jeunes filles. Les travailleurs des champs sont majoritairement des femmes, elles sont sous-payées, elles n'ont pas de sécurité sociale, et sont souvent transportées comme du bétail. Mais elles chantent ensemble à la fin d'une journée de travail». «Sous les Figues» n'omet pas l'essentiel, malgré l'apparente légèreté du propos, on est bel et bien en présence d'une revendication de classe, peu évoquée au cinéma, celle du droit au bonheur. «Cette solidarité m'importait plus que tout. Quels que soient les événements, elles sont ensemble. Soeurs, cousines, amies ou tout à la fois, j'ai voulu qu'un lien fort existe entre elles. La question de l'amour et des hommes ne devait pas être un drame. Le plus important est cet amour qui les unit. Elles survivent parce qu'elles sont ensemble. Après leur journée de travail, elles se font belles car elles ne veulent pas ressembler tout le temps à des travailleuses agricoles. C'est leur façon à elles de se libérer de leur condition sociale. Le statut d'ouvrière s'évanouit au profit de celui de femme. En les sortant d'une condition sociale qui les emprisonne, je voulais leur rendre leur dignité et leur grâce», souligne pour conclure la cinéaste tunisienne, Erige Sehiri qui repart avec le Prix du Jury, de la Quinzaine des réalisateurs. Bravo!


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