Travaux publics: réunion de travail pour arrêter le programme proposé dans le PLF 2026    Attaf reçoit l'envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental    Ligue 1 Mobilis: le MC Alger s'impose 3-2 face au MC Oran, en match avancé    Séisme de 3 degrés dans la wilaya de Médéa    Nécessité de fournir aux citoyens des résultats concrets dans le domaine de la santé    HCLA: réunion pour l'installation de la commission du projet de "l'Atlas linguistique algérien"    Le Premier ministre Pedro Sanchez rend hommage aux manifestants propalestiniens du Tour d'Espagne    Evaluer objectivement l'impact de la Foire commerciale intra-africaine (IATF-2025) sur l'économie algérienne    Quelle distinction entre les pénalités financières ?    Contribuer à la réalisation des objectifs de la neutralité carbone    La police arrête deux femmes aux moeurs légères    Le Luxembourg a l'intention de reconnaître l'Etat de Palestine    La sélection algérienne en stage en Ouzbékistan    Quand le discours sur le séparatisme musulman sert à occulter la massive ghettoïsation juive    El Bayadh Décès du Moudjahid Kherrouji Mohamed    CAN de hand U19 féminin : Un niveau technique «très acceptable»    250 mètres de câbles électriques volés dans la localité de Zouaouria    Coup de filet à Mostaganem Arrestation de 8 individus dont une femme, saisie de cocaïne et d'armes blanches    Lancement du 2e module de la formation licence CAF A, la semaine prochaine    Une « métrothèque » inaugurée à Varsovie    Malika Bendouda prend ses fonctions    Mémoire vivante du cinéma algérien    Agression sioniste contre Doha: "un crime odieux que l'histoire retiendra"    APN : M. Bouden participe en Malaisie aux travaux de l'AG de l'Assemblée interparlementaire de l'ASEAN    L'entité sioniste utilise des armes non conventionnelles pour rendre la ville de Ghaza inhabitable    Poste et des Télécommunications : le professeur Souissi Boularbah nommé directeur de l'ENSTICP    Athlétisme/Mondiaux-2025: Sedjati et Moula en demi-finale    Journée internationale de la démocratie: l'UIPA appelle à intensifier les efforts face aux défis entravant la pratique démocratique    Les massacres d'Ouled Yaïch à Blida, un autre témoignage de l'horreur du colonialisme    L'Algérie participe à Moscou au 34e Salon international de l'Agroalimentaire et des boissons    Accidents de la route: 46 décès et 1936 blessés en une semaine    Foot/Mondial (qualifs-U20): la sélection algérienne en stage à Sidi Moussa    Le CSJ participe en Egypte aux activités du programme "The Nile Ship for arab youth"    Ouverture de la session parlementaire ordinaire 2025-2026    Nouveaux ministres et innovations    Le président du HCLA reçoit l'ambassadeur de la République de Nicaragua en Algérie    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«La colonisation n'a pas été un long fleuve tranquille»
Dr Robert Mazziotta, auteur, à L'Expression
Publié dans L'Expression le 04 - 10 - 2022

L'Expression: Réserver l'accès et l'ouverture des archives uniquement aux historiens composant la commission mixte de mémorialistes algéro-français, tout en excluant les autres catégories en l'occurrence les étudiants en histoire, les journalistes, les chercheurs, ne constitue-t-il pas un mauvais départ pour l'écriture d'un récit mémoriel et historique des deux pays?
Robert Mazziotta: En préalable et avant de répondre à la question, je souhaite dire que toute action commune me paraît aller dans le bon sens lorsque l'on désire obtenir des avancées dans le rapprochement des mémoires.
Permettre un accès aux archives est un élément qui favorise la transparence et l'on sait que celle-ci est indispensable au processus de réconciliation.
Cet accès devrait être le plus large possible et chaque citoyen qui s'intéresse à cette question devrait pouvoir accéder aux archives officielles sachant que certains délais de libération pour des archives particulières sont légitimes. Les journalistes, les chercheurs, les étudiants doivent avoir la possibilité de vérifier une source auprès des archives officielles.
Comment faire pour que cette commission soit autonome des pouvoirs politiques? Ne doit-elle pas être choisie par les historiens des deux pays autrement par exemple?
Pour avoir une idée de ce que sera l'autonomie de cette commission, il faut savoir précisément quels en seront la composition et le mode de fonctionnement Les historiens vont-ils travailler ensemble ou en deux équipes séparées? De plus, on ne peut pas ne pas s'interroger, non sur leur compétence car il est vraisemblable que ceux qui en feront partie seront compétents, mais sur leur légitimité. Qui désignera les membres de cette commission? Seront-ils choisis par leurs pairs ou par les dirigeants politiques de chaque pays? Dans ce dernier cas, comment ne pas se poser des questions sur leur impartialité? On pourrait alors craindre l'élaboration d'une histoire officielle, édulcorée, qui ne serait acceptée ni par les uns ni par les autres.Les membres de la commission doivent venir à ce travail sans idée préconçue. Il ne s'agit pas d'un règlement de comptes, il ne s'agit pas de répartir les torts et de désigner le coupable. Il faut donner un cadre qui permettra à d'autres historiens de travailler. Il faut présenter des faits, sans jugement. Après chacun sera libre de les interpréter.
Le débat et les tensions politiques opposant de temps à autre Alger et Paris n'auront-ils pas une influence sur le travail des historiens des deux côtés?
Si la commission est autonome, libre dans son travail de recherche, les tensions politiques ne devraient pas influencer son travail. Chacun peut comprendre que cette liberté n'est pas forcement naturelle et qu'il s'agit là d'un combat que les historiens devront mener pour l'obtenir. Il faut espérer que l'action des politiques sera de promouvoir le travail de la commission en lui laissant sa liberté d'action et d'en faire un outil, parmi d'autres, pour faciliter un rapprochement.
Travailler uniquement sur les archives étatiques officielles suffit-il pour réconcilier les mémoires?
Je crois qu'il s'agit d'une démarche utile, nécessaire mais qui ne peut être suffisante. Même si l'on ne sait pas tout, on connaît tout de même beaucoup de ce qu'il s'est passé pendant la période de la colonisation et en particulier celle de la guerre d'Algérie.
Certains sujets restent encore dans l'ombre, comme la question des essais nucléaires ou le problème des disparus. Pour autant, penser que les historiens vont trouver dans les archives des faits nouveaux dont la découverte et la révélation pourraient faire évoluer les mentalités des uns et des autres me paraît assez illusoire, mais je peux me tromper.
De nombreux historiens, des Français et des Algériens, ont déjà travaillé sur ces sujets. De nombreux livres ont été publiés.
L'histoire est connue mais est-elle portée à la connaissance des nouvelles générations? La commission d'historiens aura-t-elle une action sur la façon dont l'histoire est racontée dans les manuels scolaires? Car il y a ce que rapporte les historiens et il y a ce qu'en feront les politiques, la façon dont cela sera rapportée dans la société civile. Dans son livre, Guerre d'Algérie, le trou noir de la mémoire», Sébastien Boussois analyse le mécanisme de l'effritement des mémoires et le peu de connaissance des nouvelles générations à propos de la guerre.
À cet égard, il faut saluer la démarche du journaliste Kamel Lakhdar Chaouche et du quotidien L'Expression qui, depuis plusieurs mois, rassemblent et publient des témoignages d'historiens, Algériens ou Français, ou de témoins, avec une liberté d'expression et dans un objectif de rapprochement des mémoires.
Ce travail, à ma connaissance, n'a pas d'équivalence dans la presse française et je le regrette. Je suis persuadé que le chemin de la réconciliation passera en partie par ce type d'initiative qui fait participer historiens, journalistes et société civile.
Pourquoi y a-t-il souvent cette attraction et répulsion des mémoires algéro-françaises?
La période de la colonisation n'a pas été, comme certains nostalgiques voudraient le faire croire, un long fleuve tranquille. Elle est émaillée de répressions sanglantes en réponse à des revendications légitimes, d'injustices et d'occasions ratées. De plus, la séparation entre les deux pays s'est faite dans les pires conditions que l'on puisse imaginer. Ensuite, chaque partie a sélectionné une partie des faits en les interprétant à sa convenance et cela aboutit, comme l'a bien expliqué Benjamin Stora, à des mémoires opposées. Ceux qui ont vécu la guerre d'Algérie ont tous souffert, parfois d'une façon si violente qu'il leur a été impossible de sortir du ressentiment vis-à-vis de l'autre partie. Cela se transmet aux nouvelles générations dans une mémoire collective. Il faut un travail individuel et collectif pour faire évoluer la façon de penser, faire accepter de prendre en compte la position, les motivations de l'Autre. Ce travail n'a pas été fait. Revient-il aux historiens? Ils peuvent certainement y contribuer mais il ne faut pas leur en laisser toute la responsabilité. Par ailleurs, en Algérie, la France a parfois servi de responsable devant des problèmes qui se posaient et cela n'a pas contribué au rapprochement des mémoires.
Du côté français, selon les circonstances politiques, il y a eu des périodes d'ouverture et de fermeture. Actuellement, le président français est confronté à la poussée de l'extrême droite en France qui s'accompagne d'une nostalgie de la période coloniale. Chacun des deux pays doit composer avec sa part d'ombre, il y en a eu, beaucoup, des deux côtés. Et cela n'est pas facile. Cela explique pourquoi la réconciliation des mémoires ne s'est pas faite et pourquoi encore aujourd'hui, 60 ans après l'indépendance de l'Algérie, elle ne se fait pas selon une trajectoire rectiligne.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.