Il y a onze années, la légende de la chanson kabyle, Chérif Kheddam, a tiré sa révérence après avoir irrigué sa culture d'une oeuvre monumentale, l'ayant hissé tout naturellement au rang de maître incontestable du genre musical qui est le sien. Chérif Kheddam est décédé le 23 janvier 2023. Chérif Kheddam, en plus d'être un magicien de la musique- et qui pourrait dire l'inverse?, a été un grand poète. Ce qu'on a tendance à négliger compte tenu de l'importance immense que l'on accorde à son apport génial à la musique. Pourtant, il suffit de réécouter ses dizaines de poèmes pour s'en rendre compte. Constater la beauté des images poétiques et des métaphores qu'il a employées ainsi que la diversité thématique sur laquelle il s'est penché. Le texte d'une chanson comme «A lemri» est une oeuvre au sens propre du terme. La manière avec laquelle Chérif Kheddam a appréhendé ce sujet, en y mêlant beauté, comparaison et images, est unique. Il en est de même dans des tas d'autres textes poétiques où Chérif Kheddam parle de la beauté de la nature, celle de la femme, de la patrie, de l'amour, de la vie, etc. À l'occasion du onzième anniversaire du décès de Chérif Kheddam, celui qui s'est toujours considéré comme son élève, bien qu'il soit devenu maître à son tour, a rendu public un hommage sur l'interprète de la célèbre «Ldzayer nchallah atsehlou». Il s'agit de Medjahed Hamid. Ce dernier s'interroge d'emblée: «Que dire de ce grand maître de la musique kabyle universelle?» Medjahed Hamid considère que le riche répertoire de Chérif Kheddam parle de lui. Et de rappeler que depuis le début de sa carrière, il a su, de par ses compositions musicales se mettre à jour artistiquement parlant pour arriver à toucher toutes générations confondues. Madjahed Hamid, qui a travaillé avec Chérif Kheddam et qui l'a beaucoup fréquenté, souligne que le grand maître travaillait plus qu'il ne parlait et ce, jusqu'à ses dernières années malgré l'âge avancé et sa maladie très contraignante physiquement. «Il demeurera pour moi le plus grand compositeur kabyle de tous les temps», affirme sans détour Medjahed Hamid. Il ajoute: «Depuis mon jeune âge et après avoir découvert ses chansons, j'avais trouvé le chemin à suivre dans la musique et aussi apprendre à parler kabyle pour m'intégrer dans la chanson et découvrir qui j'étais réellement. Il va sans dire que ses compositions musicales m'ont beaucoup inspiré pour tracer définitivement le chemin à suivre et devenir enfin ce que je suis. Je m'étais lancé des défis pour m'imposer auprès de lui car j'avais tant besoin de ce qu'il pourrait penser de mon travail musical non pas en tant que chanteur, mais compositeur», ajoute Medjahed Hamid montrant ainsi à quel point Chérif Kheddam avait de l'importance et du poids pour tout vrai artiste qui ambitionnait de s'investir dans ce domaine avec sérieux et loin de tout bricolage et de travail à la légère. On peut aussi consulter une infinité d'autres témoignages sur Chérif Kheddam dont des livres écrits sur lui et racontant ses infinies qualités et performances artistiques. Il est évident qu'avec le phénomène de la mondialisation et de l'Internet, l'oeuvre artistique de Chérif Kheddam risque de rater sa transmission vers les nouvelles générations. Il appartient à ceux qui en ont la charge de déployer les efforts nécessaires pour trouver les voies et moyens de permettre à cette oeuvre monumentale de ne pas s'arrêter aux générations qui ont eu l'immense chance de s'en abreuver avec délectation durant toute leur vie. Car, une oeuvre comme celle de Chérif Kheddam, ne risque pas de se reproduire de sitôt. Des artistes de sa trempe se comptent sur les doigts d'une seule main dont il est le majeur.
