Grèves et défilés ont marqué, jeudi, en France la cinquième journée contre une réforme des retraites décriée, mais le mouvement a été moins suivi et les rangs des manifestations plus clairsemés, les syndicats mettant l'accent sur la prochaine mobilisation du 7 mars, où ils menacent de mettre le pays «à l'arrêt».Ces syndicats souhaitent aussi avec cette cinquième journée maintenir la pression sur les députés, dont les débats houleux sur ce projet de réforme se terminaient hier à minuit, avant la transmission du texte au Sénat, la chambre haute du Parlement. Le front intersyndical souhaite surtout mettre toutes ses forces dans la balance le 7 mars, date à laquelle il menace de mettre le pays «à l'arrêt» si le gouvernement ne renonce pas à reporter l'âge minimal de départ à la retraite à 64 ans, contre 62 aujourd'hui. En pleine période de vacances scolaires, à l'exception de la région parisienne et de l'Occitanie (sud-ouest), la participation aux grèves jeudi s'annonce en nette baisse. À Paris, le syndicat CGT a annoncé le chiffre de 300000 manifestants jeudi. La police en a comptabilisé 37000, bien moins que lors de la dernière journée de mobilisation samedi (500000 manifestants selon la CGT, 93000 selon la police). Au niveau national, le ministère de l'Intérieur a évalué à 440000 personnes le nombre de manifestants jeudi, en forte baisse par rapport à la précédente journée (936000). La tendance était la même, de Montpellier dans le sud-est au Havre, dans le nord-ouest. Dans le cortège de Marseille, la deuxième ville de France, dans le sud-est du pays, Isabelle Marilier, retraitée de 75 ans, a dénoncé une «tromperie» du gouvernement sur la pension minimale à 1 200 euros: «On nous prend pour des quiches!», a-t-elle estimé. «Le 7 mars, on bloque tout, tout doit s'arrêter partout», a lancé en marge de la manifestation à Montpellier le chef de file du parti La France insoumise (gauche radicale) Jean-Luc Mélenchon. Des organisations étudiantes et lycéennes ont appelé elles aussi à «durcir le mouvement» contre la réforme des retraites, avec une journée de mobilisation de la jeunesse le 9 mars. Plusieurs sites universitaires étaient fermés jeudi, notamment à Paris. Les perturbations sont limitées dans les transports, avec 14% de grévistes à la compagnie nationale ferroviaire SNCF et un trafic normal dans le métro parisien. Néanmoins, des vols ont été annulés et des agents de l'entreprise publique d'électricité EDF ont baissé la production d'électricité, sans provoquer de coupures de courant. À l'Education nationale, le ministère a fait état de 7,67% d'enseignants en grève (contre 14,17% le 7 février) avec deux zones sur trois en vacances. Les dirigeants des huit principaux syndicats se sont réunis pour manifester dans la ville d'Albi (sud - 50000 habitants), symbole de cette France des villes moyennes très mobilisée contre la réforme. «Le mécontentement, la détermination et la combativité sont intacts», a assuré depuis Albi le secrétaire général du syndicat réformiste CFDT, Laurent Berger. «L'idée aujourd'hui ce n'est pas de faire nombre, mais d'entretenir le souffle», a ajouté sa numéro deux, Marylise Léon. Dans ces villes moyennes, «la question des retraites c'est un peu la goutte d'eau qui fait déborder le vase», en plus des problèmes de pouvoir d'achat et du sentiment d'un déclin des services publics, a affirmé de son côté Philippe Martinez, son homologue du syndicat CGT.De leur côté, les députés ferraillent depuis le 6 février à l'Assemblée nationale, où le camp du gouvernement d'Elisabeth Borne n'a qu'une majorité relative, sur l'examen du texte et où l'opposition, notamment de gauche, mène une bataille d'obstruction. Le président Emmanuel Macron joue une part importante de son crédit politique sur cette réforme des retraites, mesure-phare de son deuxième quinquennat et symbole de sa volonté affichée de réformer la France. La France est l'un des pays européens où l'âge légal de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes de retraite ne soient complètement comparables. Le gouvernement a fait le choix d'allonger la durée de travail pour répondre à une dégradation financière des caisses de retraite et à un vieillissement de la population.