Le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, est arrivé hier soir à Téhéran pour des discussions sur le programme nucléaire iranien, une visite qui intervient après la «découverte de particules d'uranium enrichi proches du niveau pour fabriquer une bombe atomique», selon les Occidentaux. Grossi doit s'entretenir, aujourd'hui, avec plusieurs responsables iraniens, notamment le président Ebrahim Raïssi, selon des sources diplomatiques à Vienne, où siège l'agence spécialisée de l'ONU. Selon un rapport confidentiel de l'AIEA, des particules d'uranium enrichies à 83,7%, soit un peu moins des 90% nécessaires pour produire une bombe atomique, ont été détectées dans l'usine souterraine de Fordo, à une centaine de kilomètres au sud de la capitale Téhéran. L'Iran, qui dément vouloir se doter de l'arme nucléaire, explique qu'il s'agit «de fluctuations involontaires» au cours du processus d'enrichissement, assurant «n'avoir pas fait de tentative pour enrichir au-delà de 60%». La France a jugé jeudi qu'il s'agissait d'«un développement sans précédent et extrêmement grave». Lors de sa visite, Rafael Grossi va essayer d'en savoir plus et d'obtenir «un renforcement de l'accès au site et une augmentation du nombre d'inspections», selon une source diplomatique à Vienne. Grossi devrait ensuite s'exprimer devant la presse à son retour à Vienne ce soir, selon l'AIEA. Cette courte visite intervient près d'un an après le dernier déplacement en date du diplomate argentin à Téhéran, en mars 2022, à un moment où un accord semblait possible pour une reprise des interminables négociations entre grandes puissances et Téhéran sur le nucléaire iranien. Mais, dans un contexte géopolitique chamboulé par la guerre en Ukraine, cette opportunité a été manquée. Et depuis, les inquiétudes n'ont cessé de se renforcer aux Etats-Unis, en Europe et dans certains pays du Moyen-Orient, sur les supposées «avancées de l'Iran vers la maîtrise de l'arme atomique». L'ambition du chef de l'AIEA est donc de «relancer le dialogue» après des mois de détérioration, l'Iran s'affranchissant chaque jour un peu plus de l'accord conclu en 2015 pour limiter les activités atomiques de l'Iran en échange d'une levée des sanctions internationales. Cet accord est au point mort depuis le retrait unilatéral des Etats-Unis décidé en 2018 par l'ex- président Donald Trump. Téhéran espère qu'une levée, même partielle, des sévères sanctions internationales redonne de l'air à son économie, affaiblie notamment par le manque d'investissements étrangers. Dans sa course technologique, Téhéran multiplie le nombre de centrifugeuses sur ses sites, dispersés dans le pays, et continue à enrichir l'uranium à des niveaux élevés. Le chef de la CIA, William Burns, s'est récemment «inquiété de l'avancée fulgurante du programme nucléaire iranien», jugeant qu'il «suffirait (à l'Iran) de quelques semaines pour atteindre les 90%, s'il décidait de franchir cette ligne. Il y a cependant d'autres paliers à atteindre, et les Etats-Unis «ne pensent pas que le leader suprême en Iran», l'ayatollah Ali Khamenei, «ait pris la décision de reprendre la militarisation du programme suspendu ou terminé fin 2003», selon lui.