Un vent de changement souffle sur l'Union générale des travailleurs algériens (Ugta). Salim Labatcha n'est plus, depuis samedi soir, le secrétaire général de la Centrale syndicale. Il était en poste depuis juin 2019 quand il avait succédé à Abdelmadjid Sidi Saïd fortement contesté alors, pendant plusieurs mois, par les fédérations locales dans un contexte de bouillonnement de la rue. Salim Labatcha, né en 1967 et désormais ancien patron de l'Ugta, a été remplacé à titre d'intérimaire par Hamou Touahria, de la fédération des pétroliers, une posture statutaire qui imposera la tenue d'un congrès pour l'élection d'un nouveau patron à la tête de la Centrale syndicale. La démission de Labatcha, motivée par des «problèmes de santé», diversement appréciée par l'opinion et les acteurs sociaux et politiques, inscrit visiblement la puissante Centrale syndicale dans une phase d'instabilité pourtant, peu coutumière aux moeurs de l'Ugta qui a connu neuf secrétaires généraux depuis sa création en 1956 en pleine guerre d'Algérie. Parmi eux figurent d'illustres noms du Mouvement national tels Aïssat Idir, Mohamed Flici, Benyoucef Benkhedda, Si Ali Abderrahmani, Abane Ramdane, Boualem et Hassen Bourouiba, Hannachi Mayouf... Depuis, un long parcours aura été accompli par l'Ugta jusqu' à cette démission de Labatcha, qui survient deux semaines seulement après la célébration manifestement timide des 67 ans de son existence. Cette démission intervient dans un contexte particulier pour le monde du travail et l'encadrement de l'action syndicale.Elle suscite plus d'une interrogation. Labatcha était-il contesté par les fédérations locales? Lui reproche-t-on sa position sur le projet de loi relatif à l'exercice du droit syndical et celui relatif à la loi de la prévention des conflits en milieu du travail et à l'exercice du droit de grève en débat à l'APN et qui seront soumis demain (mardi) au vote des députés? La Centrale syndicale avait, dans ce sens, surpris plus d'un, au mois de janvier, en exprimant sa désapprobation sur le contenu et sur sa non-association dans l'élaboration des deux textes en question. Le secrétariat national «regrette le fait de ne pas avoir été associé lors de la préparation de ces projets de loi pour pouvoir enrichir davantage leurs contenus et ce, conformément aux directives du président de la République qui a fortement souligné la nécessité de l'association des organisations représentatives dans l'enrichissement de ces deux projets de loi», a reproché l'Ugta dans une déclaration signée par Labatcha. Montant au créneau à travers un discours qu'elle n'avait pas pour habitude de produire, l'Ugta a considéré que «les deux projets de loi ne consacrent pas la promotion des droits syndicaux et des libertés en Algérie». Pour la direction de l'Ugta, les deux projets de loi «ne sont pas conformes» aux conventions internationales que l'Algérie a ratifiées, estimant que certains articles contenus dans les deux projets de loi «ne sont pas non plus conformes à la Constitution algérienne, en ce qui concerne les droits civiques et politiques». Ne se contentant pas de signifier sa désapprobation des textes en question, le secrétariat national de l'Ugta avait chargé les Unions de wilayas et les Unions nationales d'organiser leurs séminaires syndicaux respectifs, avec leurs cadres (les sections syndicales, syndicats d'entreprises, les coordinations), pour «débattre» de ces deux projets de loi». La même instance n'avait pas caché le but recherché à travers cette orientation. Il s'agit de formuler dans un communiqué les avis de toutes les représentations respectives «en prévision de l'organisation de la réunion du comité exécutif national, pour prendre une position définitive» sur les deux projets de loi qui ne sont pas du goût de la direction de l'Ugta. Cette dernière s'est également distinguée en affichant son adhésion à la démarche de contestation publique lancée par la Confédération des syndicats algériens (CSA) qui regroupe des organisations syndicales de la fonction publique et qui a organisé le 28 février dernier un journée de contestation contre les deux avant-projets de loi. En prenant tout le monde à contre-pied dans une position inédite qui a marqué sa désapprobation de la démarche du gouvernement, Labatcha semble avoir accéléré et écourté son mandat à la tête de l'Ugta. Car s'il était en difficulté pour gagner le soutien des sections et fédérations locales depuis son intronisation, il semble avoir pêché par son effacement, voire son inertie, alors qu'il était attendu de lui un accompagnement et des signes d'adhésion aux mesures sociales prises par les autorités au profit des travailleurs telles que les augmentations salariales et les autres mesures allant dans le sens à améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs.