L'université est une fabrique d'hommes et de femmes destinés à mener le bateau Algérie à bon port. Cela ne se fera pas en une ou deux générations, cela va sans dire. Il reste cependant que dans la multitude d'expérimentations menées avec des fortunes diverses, tout le long des 61 années d'existence de l'université algérienne, il est des «pépites» qui mériteraient qu'on s'y attarde. Ces dernières années, sur décision présidentielle, plusieurs grandes écoles supérieures ont vu le jour, dont celle de l'Intelligence artificielle, pour ne citer que la plus proche de l'actualité du moment. Il conviendra, dans les années qui viennent, de tirer les leçons de cette démarche. En attendant, il est des expériences concluantes. Parmi celles-ci, on peut citer sans trop de risque de se tromper, l'Ecole supérieure des affaires d'Alger. Cet établissement spécialisé dans la formation de managers est une initiative algéro-française. Fondée en 2004, l'Esaa se distingue par la multitude d'acteurs qui en sont à l'origine. Elle est très particulière dans la composante de ces initiateurs. On y retrouve un consortium académique français associé à des acteurs institutionnels, à l'image des ministères des Affaires étrangères, de l'Enseignement supérieur et du Commerce, côté algérien. La France est représentée dans ce partenariat par son ambassade en Algérie, la Chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence. Karim Kiared est l'heureux directeur de ce complexe «montage» politico-économico-pédagogique. Et ce bonheur est lié aux excellents résultats qu'obtient son école. Très bien cotée auprès de nombreuses entreprises qui gravitent autour, l'Esaa passe pour être un cas de réussite, tant pédagogique qu'organisationnel. Son principal animateur aime à présenter son école comme une famille. Très intégrée dans son environnement immédiat et conscient de son rôle social et sociétal, l'Esaa initie, dans le cadre de ses activités pédagogiques, des projets de proximité qui plongent les étudiants dans la réalité de la société algérienne. Ces projets, qui entrent dans le système de notation du cursus de formation, créent une ambiance particulière au sein de l'Esaa, jusqu' à en faire une école pas comme les autres. Karim Kiared est d'ailleurs fier de ce supplément d'âme qui permet de lier les «Esassiens» à leur école. La multiplication d'activités et initiatives en appui à une stricte démarche pédagogie permet, au final, de former des cadres compétents et conscients de leur mission. En cela, le bonheur du directeur de l'Esaa est presque complet. Les diplômés ne coupent jamais le cordon ombilical. «Nos anciens étudiants reviennent souvent nous voir pour faire profiter ceux qui sont actuellement en cursus de leurs expériences», dira le directeur qui brandit les 19 ans de réussite de l'Esaa comme un acquis certain pour l'université algérienne. Car ne nous trompons pas, cette école est bel et bien publique, même si elle ne bénéficie d'aucune subvention de l'Etat. Fonctionnant avec un apport plutôt modeste des étudiants eux-mêmes, compte tenu des débouchées assurées, l'établissement se finance essentiellement par les formations à la carte qu'il prodigue à des cadres de grandes entreprises nationales. L'expertise avérée de son personnel enseignant, de nationalité algérienne et française, est en soi une garantie de qualité. En fait, l'apport de l'Esaa dans l'environnement universitaire, économique et sociétal a largement fait ses preuves. Karim Kiared, espère, toute proportion gardée, faire bénéficier le système universitaire national de l'expérience acquise par l'école qu'il dirige. Il est certain que, introduite au sein de la centaine d'établissements universitaires, la méthode Esaa transformerait profondément le rapport qu' a l'enseignement supérieur à la société. Même s'il peut paraître quelque peu illusoire d'espérer pareil niveau de réussite partout, les cadres du ministère de tutelle gagneraient à s'intéresser à une expérience originale, mais fructueuse...